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Blanchiment des coraux aux Maldives
Deux années plus tard

par Veronika et Michael Mitic Haus des Meeres - Vivarium Vienne

Deux biologistes marins ont (hélas) été les témoins de la catastrophe du blanchiment aux Maldives. Par la suite ils ont visité à plusieurs reprises ce groupe d'îles, afin d'étudier la suite. Leur dernier voyage s'est déroulé en février 2000.

Au printemps 1998 s'est déroulé la plus importante catastrophe écologique des temps modernes pour les Maldives: El Nino, qui a mené mondialement à la mort des coraux, a aussi frappé de manière inexorable le royaume des 1000 atolls. Durant six à huit semaines la température de l'eau a dépassé de 6 °C la moyenne habituelle. Les coraux ont commencé à expulser leurs zooxanthelles, ont blanchi et sont en grande partie morts.

Il a déjà été discuté qu'en plus de la température de l'eau le rayonnement ultraviolet et le stress liés à d'autres facteurs environnementaux (pollution des mers, agression par les résidus de pesticides) ont également pu être coresponsables de la mort des coraux.

Ove Hoegh-Guldenberg de l'Université de Sydney a pu expliquer le lien exact entre des températures de l'eau plus élevées et le blanchiment : en présence de températures élevées les algues unicellulaires présentes dans le tissu corallien, les zooxanthelles, ne sont plus capables de transformer l'énergie fournie par le rayonnement solaire en glucides et acides aminés afin de le mettre à la disposition des polypes. De plus les algues produisent dans de telles conditions des radicaux libres, pour ainsi dire du super-oxygène, c'est à dire des substanœs toxiques. C'est la raison pour laquelle elles sont expulsées par les polypes des coraux, produisant leur blanchiment. Le tissu devient transparent et on reconnaît le squelette blanc.

Dans les mois qui ont suivi le blanchiment, les squelettes blancs des coraux morts des Maldives ont d'abord été recouverts par des cyanobactéries (algues visqueuses) et finalement par diverses algues et quelques espèces animales sessiles comme les ascidies. En février 1999 plus de 95 % des coraux des Maldives étaient morts ! Leurs squelettes recouverts d'algues ont été de plus attaqués par des organismes dissolvant le calcaire, par exemple des éponges perforatrices. Nombre de structures calcaires se sont brisées. Essentiellement les squelettes tabulaires des espèces d'Acropora ont été touchés. Certaines zones récifales ressemblaient véritablement à des éboulis surtout aux endroits où les vagues pouvaient déployer leur puissance.

Conséquences pour les poissons
La destruction des coraux a naturellement aussi des effets sur la faune piscicole. Au premier abord il ne semblait pas que grand chose ait changé en ce qui concerne le nombre individuel terme de richesse en espèces. Un examen approfondi fait cependant remarquer que les espèces spécialisées dans l'alimentation à base de polypes coralliens étaient absentes, comme le connu Oxymonacanthus longirostris ou aussi quelques poissons-papillons comme Chaetodon triangulum. Par contre la plupart des espèces herbivores comme les poissons-perroquets et les chirurgiens semblaient plus arrondis et non plus elliptiques vue par l'avant comme par l'arrière: une suite de la surabondance en nourriture. Les algues étaient présentes à foison. Ces poissons herbivores étaient infatigables à maintenir les algues rases. Une fonction importante - sinon comment les larves des coraux pourraient-elles de nouveau s'implanter ?

En février 2000, le compte semble être redevenu bon: à peine deux années après le désastre il y a de nouveau des colonies vivantes, là où une année auparavant tout ressemblait à un cimetière de coraux. Aux meilleurs endroits (pente récifale externe riche en courant; profondeur jusqu'à 6 mètres) 70 à 80 % de la surface du substrat est de nouveau recouverte de coraux vivants. Aux endroits mal situés (toit récifal avec peu d'échanges en eau, profondeur inférieure à un mètre) seuls quelques % par mètre carré, souvent même une seule petite colonie de quelques centimètres de diamètres.

Régénération
Il est possible de distinguer deux possibilités concernant la "résurrection" : une nouvelle implantation de colonies de coraux par des larves et la régénération de pieds de coraux gravement endommagés mais qui n'étaient pas totalement morts.
Parmi les nouvelles colonies de coraux apparues par colonisation larvaire se trouvent aussi bien des genres à croissance branchue (comme par exemple Acropora et Pocillopora) mais aussi des espèces qui s'étalent ou plutôt des colonies en forme de coussin (par exemple Goniastrea). Il faut surtout signaler que de nombreuses surfaces à quelques mètres de profondeur ont été colonisées par des colonies de Tubastrea micrantha. Cette espèce de corail dur n'apparaît généralement qu'à partir de 20 à 25 mètres de profondeur et n'avait pas été touchée par le blanchiment des coraux. Elle ne possède pas de zooxanthelles et ne fait pas partie des espèces hermatypiques. Apparemment elle a maintenant la chance suite à l'absence de pression concurrentielle d'autres espèces de coraux d'avancer dans des zones moins profondes. Il serait intéressant d'observer ce qui va se passer lorsque les véritables formes constructrices de récifs vont de nouveau se répandre.
Parmi les espèces de coraux qui se régénèrent se trouvent le plus souvent de très grandes colonies en forme de boule de coraux du genre Platygyra, Porites et Favites.
Manifestement quelques polype ont survécu dans ces cas de manière à ce que la possibilité de régénération ait pu se produire. Ce faisant les polype survivants se servent du squelette ancien de la colonie comme substrat et le recouvrent avec du calcaire et des tissu de polypes nouveaux.
Au début des années 1999 encore, il était à peine possible d'observer une telle régénération. Mais déjà une année plus tard nous avons trouvé quelques colonies qui s'étaient reconstituées de 70 à 80% ! Ceci semble confirmer que le rayonnement ultraviolet a eu une influence sur la nécrose car la régénération démarre toujours des surfaces verticales ou surplombantes du pied de corail ancien pour la plus grande partie nécrosée, donc de ces zones qui sont moins exposées à la lumière solaire.
En général il faut observer que la croissance de tous les nouveaux coraux semble progresser nettement plus vite que ce qu'il avait été supposé. Si la récupération des récifs des Maldives devait se poursuivre à ce rythme comme cela a été le cas au cours des douze derniers mois, nous retrouverons dans quelques années la plus grande partie des récifs coralliens vivants dans le royaume des 1000 atolls. Certaines espèces sont encore absentes Néanmoins toutes les espèces de coraux ne sont de loin pas encore présentes. Sur le toit récifal et la zone supérieure du tombant récifal les typiques espèces du genre Acropora sont toujours absentes sauf une espèce. Celles-ci croissent toutefois très rapidement une fois qu'elles sont implantées.
Des espèces de poissons manquantes aucune n'a encore effectué son retour. Malgré cela un énorme espoir existe que la zone récifale la plus touchée par le blanchiment des coraux retrouve sa santé sauf si El Nino frappe de nouveau avec ses températures extrêmement élevées : serait ce la fin définitive ou les nouvelles colonies de coraux se sont-elles d'ici là adaptées à ces paramètres? Une adaptation aussi rapide semble plutôt peu vraisemblable, mais d'un autre côté la croissance des nouveaux coraux progresse nettement plus vite, que ce que l'on espérait. Qui sait, de quelles capacités merveilleuses ces animaux peuvent encore se servir....

Il y a 65 millions d'années
La précédente disparition mondiale (!) des récifs coralliens se situe il y a 65 millions d'années et elle s'est déroulée en même temps que les dinosaures. Le phénomène d'El Nino ne constitue pas non plus une nouveauté. Des forages effectués sur des récifs du Pacifique ont permis de constater que ces réchauffement périodiques inhabituels existe depuis au minimum quelques siècles. Toutefois leur fréquence a passé d'une moyenne de toutes les six années au Moyen Age à moins de deux années au cours des dernières décennies. Ceci est en relation avec la teneur élevée en Co2 de l'atmosphère par l'augmentation des émissions de l'ère industrielle et du réchauffement global qui y est lié. De plus par le passé El Nino était cantonné au Pacifique oriental et il a frappé en 1998 pratiquement le monde entier.

Le prochain El Nino viendra certainement. Espérons qu'il n'atteindra pas l'amplitude de 1998 et que la régénération des récifs coralliens se poursuive. Le premier pas en direction de la "résurrection" des récifs des Maldives est cependant réalisé.

Les auteurs
Le Dr. Veronika Mitic, 35 ans est biologiste marine. Elle connaît les Maldives depuis 1983 par l'intermédiaire de voyages quasi annuels. Elle plonge et photographie aussi dans toutes les autres mers du monde et se consacre avec les relations écologiques entres les poissons et leurs biotopes.
Le Dr. Michael Mitic, 38 ans est également biologiste marin et de plus Directeur Scientifique du "Haus des Meeres - Vivarium Vienne". De tout temps les poissons et les coraux constituent pour lui les groupes d'animaux les plus intéressants, aussi bien dans la nature que dans l'aquarium.