Calloplesiops
altivelis
Reproduction régulière du poisson comète
par Wolfgang Mai
Le poisson-comète, Calloplesiops altivelis, compte comme un poisson très craintif, si bien que sa reproduction nécessite beaucoup d'intuition.
Après avoir lu un article concernant la reproduction du poisson comète à la fin des années 80, j'ai immédiatement essayé d'obtenir un couple. Cependant la constitution d'un couple s'est révélée comme étant particulièrement difficile. La problématique se situait surtout en l'absence de signes extérieurs destinés à différencier les sexes. En outre, il était connu, que C. altivelis pouvaient réagir de manière très agressive l'un envers l'autre, lorsqu'ils ne se connaissent pas.
Formation du couple reproducteur
Afin de former un couple reproducteur, il me fallut tester, si les animaux
se supportaient et se retrouvaient en couple. J'ai effectué des
préparatifs afin de pouvoir éloigner immédiatement
l'un des animaux, au cas où une bagarre devait éclater entre
les deux.
Le premier essai en 1991 a rapidement échoué. Avant que
l'un des animaux ne fasse l'objet de dégâts sérieux,
j'ai capturé le plus faible à l'aide d'un piège en
plexiglas parfaitement camouflé. J'ai cherché auprès
de divers commerçants un nouveau C. altivelis et j'ai pu
échanger de manière aisée le poisson soumis.
Le deuxième essai en mars 1992 s'est heureusement déroulé
avec succès. Il n'y a pas eu de réelle attaque et après
une phase de menace réciproque d'une demi-heure les deux ont formé
un beau couple de poissons-comète. Il se trouve encore (en 2001)
- neuf années plus tard - dans un aquarium de 2200 litres peuplé
avec des invertébrés et divers poissons. Il bénéficie
de nombreuses grandes grottes et abris comme possibilités de cachettes.
Les premières pontes
Après quelques mois les deux commençaient à se livrer
une énorme bagarre, du moins c'est ce que je croyais. Ainsi l'ensemble
des nageoires de la femelle avait été complètement
lacéré par le mâle. Et dans l'une des grottes dans
laquelle le couple se tenait souvent ensemble, elle n'a soudainement plus
été tolérée.
Après un examen précis de la grotte le motif de ce comportement
m'est rapidement apparu. Une grande ponte collait au plafond de la grotte
et était protégée par la nageoire dorsale du poisson,
même contre mon regard. Cinq jours plus tard, durant les jours précédents
la couleur des œufs était passée du gris au noir, ils avaient
tous disparu.
Lors de la nuit précédente j'avais encore essayé
mais sans succès de récolter des larves de poissons. J'avais
espéré, comme pour mes reproductions d'Amphiprion
pouvoir récupérer éventuellement des larves dans
le cône lumineux d'un faible éclairage ponctuel, mais ceci
n'était apparemment pas possible avec les larves de C. altivelis.
Les prochaines pontes ont eu lieu à intervalles irréguliers
de deux à quatre semaines, ayant toujours été annoncées
par les nageoires déchirées de la femelle.
Bac d'élevage des larves
Plus expert, j'ai prudemment prélevé la ponte suivante le
cinquième jour avec une pincette et je l'ai transféré
à l'aide d'un gobelet dans l'aquarium d'élevage. Déjà
dans le gobelet quelques larves ont éclos et une heure plus tard
une importante quantité de larves noires d'une longueur de 2,5
mm grouillaient dans le récipient d'élevage. J'ai d'abord
essayé avec des Brachionus et des Artemia comme première
nourriture, mais toutes les larves sont mortes au cours des six premiers
jours. Après quelques autres essais malheureux j'ai complété
la palette alimentaire avec du plancton provenant d'une infusion préparée
par moi-même à partir de moules fraîches.
Les petits poissons ont été répartis par mesure de
sécurité en groupes de 200 individus dans plusieurs bacs
d'un volume de 15 litres. Ainsi j'ai pu tester diverses méthodes
et espèces d'aliments.
Différents essais
Deux bacs ont été remplis avec de l'eau limpide provenant
de l'aquarium, dans deux autres il y avait chaque fois cinq litres d'eau
de l'aquarium mélangés avec cinq litres d'un bouillon d'algues
vertes. Dans les deux derniers aquariums il y avait exclusivement le "bouillon
vert".
Comme nourriture je dispose de cultures séparées: Brachionus,
Euplotes et larves de copépodes, qui ont été
mélangés avec d'autres ciliés provenant de l'infusion
de moules. Malheureusement les larves des deux bacs" clairs"
n'ont pas survécu les six premières journées quelle
que soit la nourriture. Ce fut le même dilemme chez les petits poissons
que j'avais exclusivement nourri avec des Brachionus et des Euplotes
!
Uniquement dans les "bacs verts" avec une alimentation mélangée
de copépodes - ciliés vivaient encore environ 50 jeunes
au bout de dix jours. A l'âge de douze jours ils ont accepté
les premières nauplies d'artémias fraîchement éclos.
Juvéniles craintifs
A partir du seizième jour il y eut des modifications sérieuses
de la coloration et du comportement des jeunes poissons. Ils ne mesuraient
que quatre à cinq millimètres de long, le dos quelque peu
élevé et la partie centrale du corps blanche. Pourtant ils
ne nageaient plus librement à travers le bac, mais se pressaient
avec anxiété dans les coins du bac d'élevage. Dans
une eau verte qui commençait lentement à s'éclaircir
ceci était facile à reconnaître.
J'ai déposé quelques courts tuyaux en PVC divisés
en deux dans la longueur, que les animaux ont de suite adopté.
Malgré cela, les jeunes animaux restaient extrêmement craintifs
et presque chaque jour je déplorai quelques décès
; leur nombre augmentait, au fur et à mesure que l'eau s'éclaircissait.
Il ne m'était plus possible de maintenir une eau verte opaque.
Certes, quelques Brachionus avaient réussi à s'introduire
dans le bac avec la nourriture et ceux-ci n'arrêtaient pas de consommer
le bouillon vert d'algues. Il s'est développé un combat
sans fin entre l'aspiration des Brachionus superflus et le réapprovisionnement
avec du bouillon d'algues.
Au bout de la sixième semaine j'ai effectué les premiers
petits changements d'eau et je n'ai plus rajouté de bouillon d'algues.
Les substances nocives avaient atteint des valeurs dans les bacs sans
filtres qui devaient être immédiatement améliorées
par des changements d'eau. Lors de l'un de ces changements j'ai laissé
l'eau couler trop rapidement et immédiatement la panique s'est
emparée de quelques jeunes poissons, ce qui a coûté
la vie à 15 d'entre eux. Après que ce malheur eut lieu une
autre fois, je n'ai plus ajouté l'eau que par l'intermédiaire
d'un tuyau à air sous forme de goutte à goutte.
Ce n'est qu'à partir de la huitième semaine que les jeunes
poissons sont devenus plus stables et moins craintifs. Avec une longueur
de 1,5 centimètres la tache corporelle blanche est devenue plus
petite et les premiers points blancs de la coloration adulte sont apparus
sur la tête. Jusqu'à ce moment le nombre s'était réduit
à douze individus, qui ont été les seuls à
survivre. Hormis un couple de reproducteur, j'ai donné les autres
début 1995.
A l' âge de 26 mois le couple reproducteur était mûr
pour la reproduction ; ainsi je dispose maintenant de poissons de deuxième
génération et même depuis 1998 de troisième
génération. Pour l'instant je maintiens quatre couples reproducteurs.
Quelques données
J'ai récolté les données suivantes avec mon premier
couple reproducteur et les reproductions qui ont suivi. La période
la plus courte enregistrée entre deux pontes est de onze jours
! Cependant plusieurs mois peuvent les séparer. Ceci dépend
entre autres de l'état alimentaire du couple reproducteur.
En présence d'une alimentation optimale les pontes se situent dans
un rythme de 13 à 15 jours durant plusieurs mois. La taille des
pontes compte entre 1000 et 5000 œufs.
Les couples reproducteurs sont nourris presque chaque jour alternativement
avec des morceaux de moules, de petits éperlans et crevettes de
sable.
Le point de repère le plus évident d'une nouvelle ponte
est constitué par l'aspect toujours "ébouriffé"
de la femelle après la pariade. La ponte est reconnaissable durant
les trois premiers jours à son aspect de masse d' œufs blanche.
Il est vraiment important, de reconnaître immédiatement ce
signe, car l'âge de la ponte doit être déterminé
avec la plus grande exactitude. En effet les larves ne nagent pas dès
l'éclosion au sixième jour (température de 26°
C) directement vers le cône lumineux et ne peuvent pas ainsi être
récoltées de la même manière que les larves
de poissons-clowns.
La meilleure méthode consiste à détacher délicatement
la ponte à l'aide d'une pincette au soir de la cinquième
journée ou de l'aspirer avec un tuyau d'un diamètre de 12
à 16 millimètres, et sans la sortir de l'eau, de la transférer
dans le bac d'élevage légèrement aéré
rempli d'un bouillon vert d'algues.
Celui qui veut être absolument sûr, peut aspirer la ponte
dès le quatrième jour lorsque sa coloration passe du gris
vers le noir. Le prélèvement des œufs dès le troisième
jour, voire plus tôt, n'a pas porté ses fruits, étant
donné qu'ils moisissent. il n'est pas possible d'utiliser un fongicide
comme le bleu de méthylène.
Choix de nourriture
Outre les Brachionus, qui selon mes estimations ne peuvent être
pris qu'en quantité réduite, il convient d'offrir aux juvéniles
essentiellement des larves de copépodes, des ciliés sous
forme de paramécies et des larves de vers. Ceux-ci peuvent être
obtenus à partir d'une infusion de chair de moules. Avec les Brachionus
nous connaissons l'important inconvénient déjà signalé
qu'ils consomment très rapidement le bouillon vert, éclaircissant
l'eau et détruisant ainsi la nourriture de base pour d'autres zooplanctonophages.
Une véritable course contre la montre va s'instaurer: aspiration
des Brachionus affamés et sans valeur puis remplissage avec
le bouillon vert. Celui qui veut s'épargner ceci, doit essayer
de se passer en totalité des Brachionus. Si on ne dispose
pas du plancton adéquat en quantité suffisante les larves
ne survivront pas le sixième jour après l'éclosion.
Douze jours après l'éclosion les larves conçomment
les premiers artémias, à partir du quatorzième jour
des artémias enrichis âgés de trois à quatre
jours. L'alimentation doit être limitée étant donné
que les artémias trouvent également des conditions favorables
dans ces bacs d'élevage et croissent très rapidement. eux
aussi constituent rapidement un fléau.
Poissons sensibles au stress
Au cours des dix premiers jours les larves ne sont pas encore sensibles
au stress, mais après les premières phases de modification
de coloration il convient de les manipuler avec une extrême prudence
jusqu'au-delà de la douzième semaine. A partir du quatorzième
jour il faut leur fournir suffisamment de possibilités de cachettes,
sous la forme de tubes de PVC divisés en deux longitudinalement.
Dans de tels tuyaux qui ne doivent pas dépasser huit centimètres,
jusqu'à plus de 20 jeunes peuvent y trouver refuge. Naturellement
il est possible de disposer plusieurs de ces tuyaux sur le sol. Les poissons
n'abandonnent qu'à regret ces cachettes. Pour cette raison la nourriture
(artémias préalimentés) doit être apportée
avec une seringue directement aux deux entrées des cachettes. Uniquement
de cette façon il est possible d'approvisionner régulièrement
les poissons.
La taille augmentant, il est recommandé de répartir les
poissons dans plusieurs bacs d'élevage. Mais attention! Les juvéniles,
dont la tête noire ne possède pas encore les points blancs
typiques des adultes, sont particulièrement craintifs et nécessitent
une paix absolue!
Afin d'exclure des décès liés aux chocs, il ne faut
transférer les poissons qu'après la modification de la coloration.
Tout geste inutile doit être évité. Même les
changements d'eau partiels ou le réapprovisionnement de l'eau évaporée
doivent se dérouler avec un soin extrême. Autrement, il ne
faut pas s'étonner des décès permanents.
Transfert des juvéniles
Une petite astuce: lors de la pêche des jeunes poissons, je n'utilise
jamais de cloche transparente et en aucun cas d'épuisette, mais
toujours un gobelet vert foncé. Ils restent absolument calmes et
il y a rarement de dégâts car presque tous les juvéniles
sont crainttifs, des Amphiprion aux Pterapogon kauderni.
Synchiropus constitue l'exception.
Les juvéniles sont stabilisés dès la taille de 2,5
à 3 centimètres et peuvent alors être distribués.
On est absolument sûr toutefois en présence d'animaux complètement
noirs. Au moins lors de périodes de transport prolongées,
on ne doit pas attendre trop longtemps.
Il faut remarquer que malgré mon expérience de plusieurs
années, le nombre de juvéniles que je réussis à
conserver est en nombre limité. Ceci est lié pour une part
au manque en quantité suffisante de la nourriture planctonique
adéquate et d'autre part aux pertes dues au stress, qui se produisent
malgré toutes les précautions.
Reproduction - Couples reproducteurs
Afin d'acquérir de nouveaux couples, j'ai placé à
plusieurs reprises un groupe de trois à cinq jeunes dans un grand
aquarium communautaire. Lorsqu'un couple se forme (à l'âge
de 15 mois environ) les autres poissons sont capturés à
l'aide d'un piège en plexiglas. Cette méthode pose à
mon avis nettement moins de problèmes que la mise en communauté
d'adultes qui ne se connaissent pas.
Je suis curieux de savoir l'âge que cette espèce va atteindre.
Mon ancien couple reproducteur est déjà dans sa dixième
année et je ne connais pas leur âge lors de l'acquisition
sachant qu'ils étaient déjà adultes. Il me sera possible
de vérifier cela à partir de ceux qui ont éclos chez
moi, mais cela prendra certainement de nombreuses années, car le
couple reproduit le plus âgé compte "seulement"
sept. ans.
© Extrait de la Gazette Marine N° 75 -
avril 2003
Publication réservée aux membres des Amis de l'Aquarium
1932.