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Chelmon rostratus (Linné, 1758)

d'après Jean-Claude RINGWALD .

APERÇU SYSTEMATIQUE :
Ordre : Perciformes - Sous-Ordre : Percoides - Famille : Chétodontidés - Genre : Chelmon Cloquet, 1817 - Espèce rostratus

Etymologie :
Chelmon du grec chele = pince (nom donné par l'auteur grec Hesychius à un Poisson indéterminé) et rostratus pourvu d'un rostre (ou bec).
Principaux synonymes :
Chaetodon rostratus L., 1758 - Chaetodon enceladus Shaw et Nodder, 1791 (Inde) - Chelmon rostratus Bennett :1830 (Sumatra) - Chelmon rostratus Cuvier :1831 (Java) - Chelmon lol Thiollière, 1857 (Woodlark) - Chelmon rostratus marginttlis Marshall, 1964 (Queensland)

NOMS COMMUNS :
Français : Chelmon à bec médiocre, Pavillon long bec - (Maurice) Allemand : Orange-Pinzettfisch - Anglais : Longsnout butterflyfish, Beaked coralfish - Néerlandais : Pincetvis - Malais de Batavia : Kipper-laut - Japonais : Hashinaga chochô-uo

DESCRIPTION :
Il existe dans cette famille une tendance à l'allongement du museau que l'on interprète généralement comme une adaptation alimentaire, permettant aux animaux de chercher leur nourriture dans les anfractuosités du récif ou parmi les branches des Madrépores. Cette évolution est très marquée chez les genres Chelmon, Chelmonops, Prognathodes et surtout Forcipiger qui ne renferment chacun qu'un très petit nombre d'espèces ce qui est une certaine confirmation de leur spécialisation alimentaire. Le corps ovale à arrondi présente si l'on ne tient pas compte de la nageoire dorsale un contour arqué. Son museau allongé, tubulaire est dû à l'extension des os pré maxillaires et mandibulaires et atteint jusqu'à presque cinq fois la hauteur du corps. La petite bouche est fendue. Les juvéniles ressemblent aux adultes. Le corps est orné de stries longitudinales et cinq bandes verticales, la première sur l'œil; la deuxième, descend de la nuque sur l'opercule et jusqu'à la base des ventrales, la troisième va des derniers aiguillons de la dorsale au-devant de l'anale, la quatrième, va du milieu de la partie molle d'une de ces nageoires à l'autre, et la cinquième sur la queue, à la base de la caudale. Elles sont d'une couleur plus foncée que le fond, lisérées de brun encore plus foncé, et de blanc en dessous du brun. On voit de plus sur la dorsale, au tiers de longueur des rayons mous un ocelle ou grande tâche ronde, noire, entourée de blanc. Ce poisson atteint jusqu'à 17cm dans la nature mais reste nettement plus petit en aquarium.

ORIGINE :
Archipel indo-australien, jusqu'à la Nouvelle-Guinée et aux îles Salomon, Australie septentrionale, Philippines, sud des Ryu Kyu, Malaisie, Inde, Sri Lanka (Ceylan); île Maurice, côte africaine de l'Océan Indien. L'espèce n'est commune nulle part. On la rencontre souvent par paire, en petit groupe ou parfois seule, jusqu'à une dizaine de mètres de profondeur. Dans le golfe de Thaïlande, où elle est moyennement abondante, elle fréquente les rivages rocheux et les formations coralliennes. Son importance économique est faible car ce poisson est rarement consommé localement. On a également signalé la présence de l'espèce au voisinage des estuaires et des eaux saumâtres fut néanmoins soulignée récemment par Grosskopf (1985). Ces biotopes font en fait partie du domaine côtier fréquenté par C. rostratus.

NOTES AQUARIOLOGIQUES :
L'acclimatation est le principal problèmes (nombreux échecs dans les premières semaines). La cause de ce problème peut provenir de la déplorable habitude de capturer les poissons à l'aide du cyanure (une des raisons, pour laquelle trop souvent les animaux originaires des Philippines et d'Indonésie sont très fragiles et meurent peu de temps après leur acquisition) mais aussi de la difficulté du poisson à s'habituer à de nouvelles sources de nourriture. Si les C rostratus parviennent généralement vivants en Europe, la qualité des spécimens varie beaucoup d'un envoi à l'autre. Ils sont souvent décolorés et maigres, ce qui constitue un mauvais point de départ car, une fois sur le déclin, cette espèce recouvre rarement la santé. Le choix, lors de l'acquisition, est ici particulièrement important, d'autant que les premières prises de nourriture peuvent s'avérer difficiles et ne survenir qu'après une période d'accoutumance au nouveau bac. Ce délai peut être fatal si le poisson a déjà épuisé ses réserves. Avant de l'introduire dans le bac d'ensemble on peut essayer de l'acclimater dans un bac de quarantaine.
Nourriture : Le Chelmon est un poisson qui se nourrit de petites proies qu'il déloge à l'aide de son long bec des anfractuosités rocheuses, des branches de coraux etc. . En aquarium, il est constamment à la recherche de petits crustacés tels que les cyclops, les jeunes gammares, etc. mais aussi de petits vers tubicoles. Si cette micro-faune est absente, pour l'amener à se nourrir, on pourra lui offrir des artémias et leur nauplies jusqu'à ce qu'il s'habitue aux petits morceaux de moules et de broyats divers. Les moules doivent être cuites préalablement car leur chair devient plus tendre et donc plus facile à grignoter par le délicat bec du Chelmon. Si certains individus s'alimentent immédiatement, nombreux sont ceux qui refusent de s'alimenter immédiatement. Bien entendu, on lui offrira alors une alimentation variée : proies vivantes telles qu'Artémias, Mysis, Copépodes etc... Ces Crustacés forment une grande partie du régime dans la nature. Les polypes de Coelentérés sont également consommés et les anémones du genre Aiptasia sont très attractives. On peut y ajouter des vers très fins (Tubifex, Enchytrées), des morceaux de Néréis et de même de petits vers de terre, des larves aquatiques d'insectes Culex, des larves rouges de Chironomes. On peut encore placer le poisson en compagnie d'autres espèces qui mangent bien et qui peuvent, éventuellement, l'entraîner à se nourrir. Une fois bien acclimaté, toutes les nourritures sont acceptées, y compris les aliments congelés ou lyophilisés et, bien entendu, la chair de moule crue ou cuite ou encore des broyats divers. Ces poissons sont capables d'ingurgiter de gros morceaux, en dépit d'une bouche apparemment petite. Maintenu dans de bonnes conditions, la longévité moyenne peut atteindre 10 ans , voir plus.
Maladies : Après une bonne acclimatation, l'espèce réagit bien aux parasitoses habituelles et supporte sans difficulté les traitements. Les interventions des nettoyeurs, crevettes ou poissons, sont très appréciées.
Comportement : C. rostratus est une espèce calme dont les déplacements habituels sont lents et limités. Un individu isolé pourra donc se contenter d'un volume restreint (200 l). En cas de danger, les réactions sont au contraire très vives, ce qui rend difficile sa capture. Par contre le piège qui est décrit dans les Lettres Récifales N° 10 page 19 par Francis BEELAERT * est parfaitement efficace comme le montre la photo d'illustration. L'activité nocturne est très faible et se limite à quelques mouvements lents, en réponse à une perturbation (lumière d'une torche par exemple). La robe de nuit consiste simplement en un assombrissement des parties claires.
Relations intra-spécifiques : Elles sont très variables en fonction des individus et des circonstances. En règle générale, les animaux sont agressifs entre eux, surtout dans de petits bassins, et de Graaf (1977 : 97) estime que la vie en groupe n'est possible que dans un aquarium spacieux, pourvu de nombreuses cachettes, où les antagonistes ont aussi la possibilité de fuir. Même dans ces conditions, un spécimen peut être tué par ses congénères. Possédant un bac de 1500 litres je n'ai cependant pas pu maintenir mon groupe de trois individus et donc on doit envisager ce type de maintenance dans des bacs plus grands encore. On connaît cependant plusieurs exemples de paires (ou de couples) ayant vécu ensemble sans incidents. Nous avons mentionné le cas de D. Zumpe qui a conservé un couple plus de 2 ans dans des bacs de 150 puis de 1800 1itres. J. AUFFRET a communiqué à D. TERVER que deux individus parfaitement identiques entre eux ont vécu pendant six ans dans un bassin de 900 1itres à l'Aquarium du Croisic. Une autre communication de D. BOUGARD à D. TERVER signale qu'à l'Aquarium de Vannes, trois individus, dont un nettement plus grand que les autres (env. 10 et 7 cm) ont été introduits en mars 1985 dans le plus vaste bassin (35 m3); après que l'un d'eux ait été tué très rapidement par ses congénères, les survivants ont formé une paire qui s'accordait bien et qui, en dehors d'une différence de taille appréciable (env. 10 et 13 cm), étaient morphologiquement identiques. Selon E. THALER avec qui j'ai eu un entretien sur la formation de couples de poissons en général, la réussite réside justement dans la différence de taille lors de l'introduction, le dominant ne s'acharnant pas de la même façon sur un jeune que sur un adulte. Le but des combats entre adultes est d'établir une hiérarchie entre les partenaires d'un couple ou au sein d'un groupe ; bien que fortement ritualisés ils peuvent, au moins dans les conditions de l'aquarium, entraîner la mort. Dans le combat frontal, commun à de nombreuses espèces de Chétodontidés, les adversaires se font face, tête vers le bas et nageoires dressées, en prenant contact par leurs longs museaux croisés et leurs fronts. Chez le Chelmon le "maelstrom", dans lequel 2 individus se placent tête-bêche côte à côte, et se mettent à tourner très rapidement l'un autour de l'autre se donnant des bourrades latérales a également pu être observé. Au cours de manœuvres, le rostre peut provoquer des blessures sanglantes sur le flanc du partenaire.
Relations interspécifiques : Elles sont généralement très bonnes, indifférents vis-à-vis de la plupart des autres espèces. Bien portant, notre poisson est capable d'entrer en compétition alimentaire avec des espèces plus rapides et plus voraces que lui. Relations avec les invertébrés: Le Chelmon convient également pour les bacs d'invertébrés (hormis les vers tubicoles qu'il importune en mordillant les panaches). Pour cette raison le Chelmon est prisé par de nombreux aquariophiles, non parce qu'il apprécie ces vers, mais en fait qu'il les confond apparemment avec les anémones de verre du genre Aiptasia. Il les agresse de la même manière : il prend l'animal entre ses " pinces " (en fait son bec) et tournoie sur lui même. Le ver est ainsi extrait de son tube et l'anémone de ver détachée de son substrat.

Note* Les Lettres Récifales sont publiées par l'Association Récif France