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De l'impérieuse nécessité de l'hydroxyde de calcium dans l'aquarium d'eau de mer

Un récit de Leo Gessert, Berlin

Lors du démontage passager de l'aquarium d'un ami de l'association, un aquariophile ami acquit une holothurie du genre Holothuria rouge et moi noire.
Etant donné que j'avais déjà vu !'aquarium de mon ami il ya quelques mois, il m'était difficile de croire au début qu'il devait s'agir des mêmes animaux en ce qui converne les deux concombres de mer, que j'avais vu autrefois dans son bac. Entre temps ils n'avaient pas suivi la voie normale de la croissance, mais avaient nettement rétréci dans leur longueur comme dans leur circonférence.
Dans mon aquarium je maintiens également depuis deux années deux concombres de mer de la même espèce, un rouge et un noir. Les deux concombres avaient à l'époque la même taille que les animaux de mon copain de club. Entre temps mes concombres de mer ont grandi.
Après avoir introduit dans mon aquarium le concombre noir de mon ami et avoir pu observer les deux animaux ensembles, j'ai constaté que mes concombres étaient quatre fois plus grands que celui de mon ami.
Comme je ne disposai pas d'explication concernant ce fait, j'ai essayé au moyen d'une discussion avec l'ami d'en découvrir les causes. Tous les autres animaux de son aquarium présentaient un bel aspect et il m'a assuré qu'il nourrissait toujours suffisamment.

Quelle était alors la cause?
Après avoir évoqué presque toutes les possibilités j'ai appris de cet ami qu'il n'avait encore jamais ajouté d'hydroxyde de calcium à son aquarium. Il avait aussi renoncé jusqu'à présent à un changement d'eau régulier. Il me faut signaler que son aquarium n'existe que depuis un an et demi. Les algues calcaires rouges et violettes croissaient de façon si luxuriante dans ce bac, que l'ami n'a pas pensé qu'il pouvait y avoir une carence en ions calcium dans son eau. Mais justement les algues calcaires rouges, même les bactéries nitrifiantes consomment en permanence du calcium dissous dans l'eau.
La valeur du pH qu'il vérifiait de temps à autre oscillait dans une fourchette normale. Après avoir exclu toutes les autres causes (en cas de manque de nourriture les concombres seraient morts depuis longtemps), l'idée m'est venue que le processus de rétrécissement pourrait avoir un rapport avec le manque de calcium. Pour cette raison, je me suis familiarisé avec la vie interne des concombres non pas avec un scalpel mais avec de la littérature.
Les concombres de mer sont les uniques échinodermes qui possèdent un corps allongé en forme de cylindre ou de concombre. La partie avant est reconnaissable à sa couronne de tentacules généralement rétractables. En règle générale les concombres allongés ne dirigent pas leur ouverture buccale vers le sol mais le corps est couché sur le côté à l'occasion de quoi les surfaces tournées vers le sol s'aplatissent souvent.
Les concombres se comportent physiologiquement comme un ver bilatéral ou un escargot, en rampant presque toujours sur le sol avec la bouche en avant. L'ouverture buccale est entourée par un cercle de peau molle avec 10 à 30 tentacules assez souvent ramifiés.
Par injection sous pression d'un liquide du coelome ceux-ci sont étendus, par "aspiration" ce liquide est de nouveau retiré. Certaines formes sont capables de rentrer la couronne de tentacules entière y compris le cercle basal. Les couleurs sont particulièrement développées chez les formes vivant dans les récifs tropicaux, en partie rouge, violet ou bleu lumineux monochrome en partie multicolore comme le montrent des formes bleues avec des bandes jaunes ou rouges avec des verrues jaunes. Les espèces vivant sur les côtes européennes sont le plus souvent de couleur sombre, brun ou vert et gris, parfois aussi rouge et jaune. 1100 espèces de concombres de mer sont connues dont la plus grande peut atteindre 1 mètre de longueur pour un diamètre de 25 cm ou 2 mètres pour un diamètre de 5 cm.
Les concombres de mer sont connus dans toutes les mers. C'est dans les régions côtières des océans Indien et Pacifique occidental aussi bien dans et sur le sol sablonneux que sur les roches et les récifs coralliens. Un nombre étonnamment important des espèces de concombres - plus de 10% - vit par des profondeurs supérieures à 3000 mètres, la découverte la plus profonde se situe à 10200 mètres. Les concombres ne se tiennent que dans des eaux calmes ou peu agitées, essentiellement sur le sol. Ils sont tous liés à des concentrations salines plus importantes. De nombreuses espèces vivent partiellement ou en permanence dans le sous-sol, en rampant sous la surface du sol ou restent enterrés plus profondément.
Hormis quelques spécialistes alimentaires les concombres se nourrissent surtout d'éléments organiques présents dans les sols vaseux et sablonneux. Ainsi comme certaines espèces "mangent" véritablement à travers le sol, elles jouent un rôle écologique significatif, qui est comparable avec celui d'un ver de terre dans la terre du jardin.
Des examens dans la baie d'une île des Bermudes ont révélé qu'en cet endroit seul plus de 1000 tonnes de sol sont mangées annuellement
par les Holothuries et de nouveau rejetées après digestion des éléments organiques. Ainsi des processus de pourriture microbienne sont largement empêchés, qui peuvent vraiment empoisonner le milieu des autres habitants. Ainsi une tâche très importante leur incombe dans l'aquarium - on peut aussi les comparer avec un aspirateur.
Une façon particulièrement spectaculaire de cohabitation constitue une particularité biologique. Le poisson-aiguille vit dans les organes arborescents et dans les entrailles des Holothuria et des Stichopus, où il se nourrit des organes sexuels de l'animal hôte. De jeunes poissons-aiguilles se glissent tête en avant à travers l'ouverture du cloaque du concombre de mer vers les organes arborescents et mordent à travers pour arriver dans la cavité gastrique et les glandes sexuelles qu'ils nécessitent pour devenir eux-mêmes matures. Les animaux plus âgés glissent dans le concombre de mer la nageoire caudale en avant. Si le concombre de mer se sent trop importuné par son locataire, il l'expulse avec l'ensemble des organes. Selon le genre, la régénération des organes prend entre 9 jours et 3 mois. Le poisson-aiguille peut aussi survivre sans concombre de mer mais retrouve le plus souvent rapidement un nouvel abri. Afin de pourvoir un apport permanent d'eau fraîche, il effectue des mouvements rythmiques.
Le concombre de mer du genre Holothuria possède un squelette calcaire, mais pas fermé par de nombreuses plaques comme chez les autres échinodermes. Il comporte plutôt de minuscules corpuscules calcaires placés isolément, les sclérites, qui sont extrêmement divers et présents dans toutes les parties de la peau. En dehors des sclérites, dont la totalité est qualifiée le plus souvent de squelette extérieur, le concombre possède encore autour du pharynx (région de la gorge et du gosier) un anneau calcaire rigide, qui se ferme avec cinq grandes sclérites radiaires et plusieurs interradiaires plus petites. Cet anneau calcaire est appelé squelette interne.
Dans son livre "Physiologie Niederer Tiere" le Prof. Dr. Ramsey décrit les espèces de concombres comme des " tuyaux creux en carbonate de calcium" rempli d'eau de mer. C'est tout en ce qui concerne la partie calcaire des concombres de mer. Afin de mieux comprendre la suite, encore quelques données
concernant l'animal.
Le plus grand nombre des concombres de mer est sexuellement différencié. Les œufs de la plupart des espèces sont fécondés en versant de la semence sur les œufs posés sur le sol, en nage libre ou maintenus entre les tentacules. Les œufs de la plupart des espèces se développent dans l'eau, seuls une douzaine d'espèces pratique, d'après les connaissances actuelles, le soin parental surtout dans les eaux arctiques ou antarctiques.
Une gastrula ciliée se développe d'abord à partir de l'œuf, une larve bilatérale mobile consommatrice de plancton, qui pousse avec vigueur suite à la prise de nourriture. Au cours du stade de développement suivant, elle ne consomme plus de nourriture jusqu'au stade adulte, car les tentacules et les outils de ravitaillement doivent d'abord se développer complètement. Durant le développement un concombre de mer de l'espèce Stichopus japonicus croît au cours du premier mois jusqu'à une longueur de 20 mm et atteint à la fin de la première année de sa vie environ 25 cm. Cette espèce atteint la maturité sexuelle à 3 ans et atteint un âge minimal de 5 ans. Elle mesure alors 40 cm de longueur. La plupart des espèces possèdent ce que l'on appelle des organes arborescents. Ils absorbent de l'eau riche en oxygène par le cloaque et la rejette après utilisation après un temps variable.
En dehors de la respiration le rôle de ces organes est aussi de maintenir le métabolisme des substances minérales donc la maintenance du Tugor (situation de tension) et de l'excrétion. Avec l'aide des organes arborescents ils sont même capables de respirer de l'air atmosphérique. Les concombres de mer apparemment sans défense d'après leur aspect extérieur ont développé toute une série de mécanismes de protection et de réactions. Ainsi ils sont capables de rapetisser et de durcir leur corps par contraction de leurs muscles, si bien qu'il n'est pas possible à leurs ennemis de casser avec leurs dents ces êtres.
Certaines espèces possèdent au lieu des petits corpuscules calcaires des plaques plus grandes se recouvrant, qui peuvent même porter de puissantes épines. Certains expulsent de leur cloaque les filaments de Cuvier qui restent collés sur l'ennemi l'handicapant sérieusement. D'autres par contre se dissocient en morceaux individuels, lorsqu'on les saisit. Ils sont capables de se régénérer complètement à partir de la partie avant qui porte les tentacules.
Enfin, certaines espèces sécrètent en cas de danger des poisons à effet hématologique.
Le poison des holothuries se compose de plusieurs composants chimiquement proches différents d'espèce à espèce mais pas moins biologiquement actifs. Dans tous les cas examinés des glycosides similaires à la saponine ont été rendus responsables de la toxicité.
En ce qui concerne les saponines il s'agit de substances actives en surface, qui modifient ou détruisent les membranes biologiques. La capacité de désintégration des globules rouges constitue la mesure de ce caractère, qui est particulièrement importante en ce qui concerne les poisons des holothuries. En plus des cellules sanguines les cellules du système nerveux périphérique sont également irrémédiablement endommagées.
Ces poisons détruisent aussi les cellules génératrices du sang de la moelle.
Avec 7.5 mg par kilo de poids corporel 50% de tous les animaux expérimentaux sont morts.
L'holothurine est très importante pour la médecine. Il ne s'agit pas seulement d'un puissant produit cardiaque ou un anesthésique local mais elle contient comme on a pu le constater également une substance active fortement inhibitrice de la division cellulaire. Peut-être qu'un jour l'holothurine nous fournira un jour un moyen efficace contre le cancer.
Les concombres de mer sont aussi récoltés pour l'alimentation. Il est possible de préparer la peau de différentes façons. Mais si toutes les toxines ne sont pas retirées avec soin, des empoisonnements peuvent se produire, dans les cas extrêmes jusqu'à la mort.
Il n'existe pas de produit permettant un traitement fiable.
Il existe des indigènes qui utilisent le poison des holothuries pour la capture de poissons. Ils écrasent les holothuries en bouillie et la versent dans l'eau. Les poissons sont poussés vers la surface, anesthésiés ou même morts. Un ami de l'association a dû malheureusement effectuer cette expérience, chez lequel un concombre de Mer Rouge s'est retrouvé dans une Turbelle. Chez certaines espèces le poison est si puissant que les effets du poison persistent encore durant des semaines dans le bac, bien que l'eau ait été changée plusieurs fois.
Bon ! En raison de cette description en fait relativement complète j'en ai déduit que la croissance des concombres de mon ami a été inhibée dans son aquarium par manque d'ions calcium. J'ai même acquis la certitude que leur squelette calcaire a régressé.
Pour un novice une hypothèse certainement osée. Mais si on admet que les pierres calcaires diminuent de taille dans l'eau de mer, il est aussi possible que les plaques calcaires (sclérites) aient régressé.
Dans ce cas en particulier, où il n'était pas possible aux concombres de consolider voire même d'agrandir leur squelette calcaire à cause du manque en ions calcium. Ainsi il était livré sans défense à la réduction par l'eau de mer laquelle se trouve en permanence dans le corps des concombres.
Je vais continuer l'observation des concombres de mer dans mon aquarium et j'espère qu'il n'est pas endommagé au point qu'il ne soit plus capable de se rétablir.

© Extrait de la Gazette Marine N° 74 - janvier 2003
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