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Neopetrolisthes - Crabes anémones ou crabes porcelaine

par Rolf Hebbinghaus (Aquazoo-Lôbbecke Museum Düsseldorf) - DATZ 8/2001

La symbiose entre les poissons-clowns et les anémones géantes constitue l'un des thèmes préférés de l'aquariophilie. Par contre l'intéressante association entre anémones de mer et crabes anémones a suscité moins d'attention.

Les crabes anémones (Neopetrolisthes spp.) ne sont pas des vrais crabes (Brachyura) mais ils font partie des crabes porcelaines (Porcellanidae), qui comprennent plus de 240 espèces. Les crabes porcelaines proches parents des crustacés de la famille des Galathidae possèdent certes un corps aplati ressemblant à celui des crabes et portent également leur abdomen replié sous le plastron, ils se différencient cependant des crabes par leurs longues antennes et par leur cinquième paire de pattes locomotrices, située dans l'espace branchial et transformée en organe de nettoyage. Les crabes porcelaines possèdent à leurs troisièmes maxillipèdes (pieds maxillaires) des antennes avec lesquelles ils filtrent du plancton et des particules en suspension dans l'eau. La première paire de pattes locomotrices armée de pinces imposantes sert par contre essentiellement à la défense.
La plupart des crabes porcelaines sont des habitants timides des zones d'eau peu profonde des mers tropicales ou tempérées, qui vivent sous des débris de coquilles et de pierres, mais aussi partiellement de manière commensale sur des éponges, des mollusques, des gorgones et des pennatulidés ou en partenariat avec de grands bernard l'ermite.
Cependant seules les espèces du genre Neopetrolisthes sont importées. Des observations en aquarium concernant les autres crabes porcelaines, d'activité essentiellement nocturne, sont rares. Les crabes anémones ne se trouvent que dans les zones ensoleillées d'eau peu profonde des récifs de coraux. Apparemment ils y vivent exclusivement sur les anémones de mer zooxanthellates ce qui semble à priori en rapport avec la taille de ces anémones et peut-être avec la "traite" des tentacules décrite par la suite.

Hôtes prétérentiels
Dans la mer Neopetrolisthes vit sur les anémones des genres Stichodactyla, Cryptodendrum, Heteractis et Entacmaea (Debelius 1999). Parmi celles-ci, les espèces à tentacules courts au pouvoir urticant puissant sont nettement préférées du moins en aquarium. D'une part ils offrent aux crabes une protection sûre et leurs facilitent d'autre part le déplacement et l'alimentation. En outre, il est plus facile d'observer ces crabes sur des anémones à tentacules courts.
En s'appuyant sur les nombreuses photos sous-marines parues dans la littérature, Stichodactyla haddoni représente l'hôte préféré. Et, également dans l'aquarium, ces crabes semblent se sentir particulièrement à l'aise et en sécurité sur cette anémone extrêmement urticante. Ainsi Stichodactyla haddoni constitue un bon choix car cette espèce, comparativement facile à maintenir en présence de conditions convenables, est très fidèle à son emplacement. Elle aime un courant faible, beaucoup de lumière et pour s'enterrer une couche épaisse de sable grossier, de préférence avec une grosse pierre limitrophe, à laquelle elle peut s'accrocher de façon souterraine avec ses pattes.

Maintenance en aquarium
Les crabes anémones représentent des animaux d'un extrême intérêt et très résistant en aquarium avec des soins corrects, qui peuvent atteindre au minimum l'âge de quatre ans. Le genre ne comporte apparemment que quatre espèces toutes inféodées à l'Indo-Pacifique Neopetrolisthes maculatus, N. oshimai, N. alobatus ainsi qu'une forme pas encore décrite de l'île Maurice (Debelius 1999). Sont régulièrement importés N. maculatus et N. oshimai.
Dans la mesure où ils ont un hôte approprié à disposition il est possible de les maintenir en aquarium communautaire. Une maintenance sans anémone hôte serait non seulement contre nature et monotone (les crabes se cachent dans ce cas), mais aussi de courte durée, car seul le poison urticant de l'hôte protège ce petit crabe de deux centimètres (longueur de la carapace) de sa prédation par les poissons. Il faut mettre en garde face aux chasseurs de crabes particulièrement agiles et raffinés, justement les labres relativement grands (genre Thalassoma et Halichoeres) , qui sont parfois capables malgré la protection urticante de capturer les crabes au moment opportun. Il est plus facile d'observer les crabes anémones dans un aquarium spécifique, où on les maintient uniquement avec leur hôte excepté peut-être quelques petits poissons et invertébrés inoffensifs. En ce qui concerne une qualité d'eau stable, que les deux partenaires nécessitent, il serait très avantageux, de relier un tel petit bac à un aquarium disponible plus grand. Dans ce cas un bac de carré de 60 litres sera déjà suffisant afin de conserver cette fascinante communauté de vie. Une petite pompe immergée sera suffisante pour le brassage nécessaire. Au moyen d'une dérivation la pompe peut assurer en même temps l'échange d'eau entre les deux bacs; quelques litres par heure sont suffisants. Deux tubes bleus et deux tubes type lumière du jour de 18 Watt suffisent comme énergie lumineuse pour les zooxanthelles des anémones.

Approprié pour les aquariums récifaux
Dans notre grand aquarium récifal nous maintenons depuis longtemps des anémones géantes (S. haddoni, S. gigantea et Entacmaea quadricolor). Malgré de nombreux poissons en partie relativement grands les anémones crabes se plaisent à s'affirmer sur les Stichodactyla.
Mais, dans presque chaque livre d'aquariophilie marine, il est fermement déconseillé de maintenir des anémones très urticantes dans un aquarium récifal. Il est admis qu'il y a des situations qui peuvent pousser une anémone fidèle à un endroit depuis des années à changer subitement de place. Pourtant je ne juge pas cette question de manière si pragmatique, car des chutes de coraux conduisent plus facilement à des accidents dans un aquarium récifal que l'une des anémones citées! Dans ce but un exemple: une nuit un grand corail du genre Euphyllia a chuté dans le bac récital tombant au milieu d'une Stichodactyla gigantea. L'anémone puissamment urtiquée s'est déplacée au cours de la nuit en passant sur de nombreux scléractiniaires. Tous les scléractiniaires urtiqués, y compris l'Euphyllia, se sont rapidement rétablis. Seule l'anémone est morte.
Toutefois le danger potentiel est plus important au début - non seulement parce que les anémones géantes sont d'un esprit plus vagabond au départ, mais aussi parce qu'elles perdent petit à petit de leur agressivité, ce que de nombreux aquariophiles interprètent comme une forme de dégénérescence. Mais étant donné que je n'ai pu constater de diminution des nématocystes lors d'examen au microscope de tentacule d'anémones maintenues depuis de nombreuses années, je suppose plutôt un processus d'adaptation (accoutumance par augmentation du seuil d'excitation) aux conditions restreintes. La même chose peut également être observée dans l'aquarium chez les scléractiniaires : si deux espèces d'agressivité similaires croissent progressivement l'une vers l'autre, il arrive parfois même après un contact direct qu'il n'y ait plus d'attaque plus importante - "on" continue simplement à croître dans une autre direction.

 

Différences sexuelles
Dans le récif on rencontre toujours les crabes anémones en couple et la maintenance en couple en aquarium est également plus avantageuse et pleine de charme qu'en solitaire. Toutefois il doit s'agir d'un véritable couple, car des anémones crabes de sexe identique ne se supportent pas. Le comportement de deux femelles se révèle particulièrement agressif : l'animal soumis sera amputé au plus tard après quelques jours ou chassé hors de l'anémone et devient ainsi la victime d'autres occupants du bac. (Le comportement de Periclimenes brevicarpalis chez lequel seule la crevette consomme des tentacules est similaire: des congénères de même sexe sont combattus avec véhémence, tandis que plusieurs mâles (plus jeunes) sont occasionnellement tolérés sur l'hôte [Svoboda 2001] .) A l'opposé un mâle et une femelle forment un couple harmonieux.
Les femelles de crabes anémones deviennent un peu plus grandes que les mâles, cependant ceci n'assure pas lors de l'achat d'acquérir un couple. S'il se trouve chez le commerçant plusieurs crabes anémones et aussi une anémone hôte, vous pouvez être quasiment sûrs que deux exemplaires assis ensembles sur une anémone constituent des partenaires sexuels. Souvent les crabes sont maintenus seuls ou sans anémone, ce qui complique la situation.
Selon Debelius (1983,1999) et Baensch & Debelius (1992) les anémones crabes ne présentent pas de différenciation sexuelle. Par chance ceci n'est pas exact: comme chez les crabes vrais chez Neopetrolisthes l'abdomen du mâle est plus étroit et pas aussi bombé. Néanmoins cette caractéristique sexuelle est comparativement faiblement marquée chez ceux-ci, si bien qu'il faut bien vérifier.
Bien qu'il soit plus simple de sortir l'animal hors de l'eau durant une courte période (au grand maximum deux minutes! !), pour l'observer en position dorsale sur un support rigide, il vaut mieux choisir la méthode sous-marine: en tenant prudemment le crabe dans le creux de la main vers la vitre, afin de le comparer en toute tranquillité avec un deuxième exemplaire, on stresse nettement moins les animaux qu'en dehors de l'eau. Une détermination sexuelle sans équivoque, mais hélas très risquée pour une personne inexpérimentée, est possible au niveau des pléopodes. A cet effet il faut soulever l'abdomen étroitement serré, ce qui nécessite expérience et doigté, car à l'intérieur - uniquement couvert par une épaisse peau - se situe l'intestin! Les femelles du crabe anémone possédent trois paires de pléopodes, les mâles uniquement une paire réduite.

Concurrents désagréables
Nous avons une fois essayé d'associer un couple de N. maculatus avec un couple de N. oshimai en compagnie d'une anémone adulte S. haddoni, ce qui a échoué. Les crabes se sont disputés et quelques semaines plus tard un individu de chaque couple avait disparu. Les deux "survivants" ont toutefois trouvé un arrangement: à distance et sans prendre garde l'un de l'autre, ils ont vécu plusieurs années sur leur hôte commun.
Une autre fois nous avons essayé d'associer des crabes anémones avec des crevettes anémones. Les délicates Periclimenes yucatanicus ont été immédiatement chassées de l'anémone, ce qui a permis aux P. brevicarpalis de s'affirmer de façon durable. Sur les anémones occupées par des Amphiprion adultes ou subadultes ni les crabes anémones ni les crevettes anémones ne peuvent s'installer, selon nos expériences! Selon les rapports de force les crabes sont soit immédiatement chassé ou si fortement importunés qu'ils meurent très rapidement. Toutefois même en présence de plusieurs hôtes les poissons-clowns et les crabes anémones ne peuvent être associés que dans des aquariums d'un volume important, lorsque les anémones sont très éloignées les unes des autres. Sinon elles sont toutes accaparées par les Amphiprion! Les chances sont optimales lorsqu'on offre des espèces à longs tentacules aux poissons et qu'on choisit S. haddoni ou Cryptodendrum pour les crabes, lesquelles sont moins prisées des poissons-clowns.

Filtreurs alternatifs
Les crabes anémones filtrent des particules présentes dans l'eau, n'étant pas difficiles. Avec leurs pieds maxillaires pennés ils sont capables de capturer aussi bien des micro-algues que du plancton d'une certaine taille jusqu'à celle du mysis. En outre, ils réussissent parfois à arracher avec leurs pinces un morceau de nourriture à l'anémone.. Dans les aquariums récifaux ils profitent de restes de nourriture, d'algues en suspension, de larves de petits crustacés, de polychètes, etc.. Ils ne dédaignent pas des particules d'excréments en suspension dans l'eau. Ainsi les crabes anémones croissent presque aussi vite dans un bac communautaire rôdé que dans un aquarium spécifique pour des filtreurs.
La technique de filtration des crabes Neopetrolisthes est extrêmement intéressante. Aussi bien dans la littérature aquariophile que zoologique (Kaestner 1993) les crabes porcelaines sont désignés comme étant des filtreurs actifs ( = créant un courant d'eau propre), ce qui ne concerne du moins que faiblement Neopetrolisthes, car uniquement en présence d'un courant environnemental très faible. Dans ce cas les éventails de filtration sont déployés sur le côté - le plus souvent en alternance -, oscillant sur un angle d'environ 70 degrés et inclinés en même temps vers la bouche, ceci pressant un volume considérable d'eau à travers une fine grille en forme de cuillère. Ensuite les particules restées accrochées dans les éventails repliés sont "peignées" avec les deuxièmes maxillipèdes pourvus de soies.
Si la vitesse du courant augmente (déjà à partir de 4 cm/s) Neopetrolisthes passe de la filtration active à celle passive économisant l'énergie, au cours de laquelle le courant environnemental représente le véritable "moteur'. Pour cela les éventails sont déployés de manière optimale - le plus souvent simultanément - chaque fois en conformité avec la direction du courant dominant et conservés ouverts sans mouvement pour une période prolongée. La durée dépend en premier lieu de l'offre alimentaire: en présence d'une densité de nourriture faible elle peut atteindre plus de 15 secondes; une particule de grande taille, comme par exemple une nauplie d'Artemia, fait-elle mouche, l'éventail touché est en règle générale immédiatement replié.
Au contraire de la filtration active le repliement de l'éventail se produit à la vitesse de l'éclair lors de la filtration passive et sans le mouvement rotatif décrit, car dans ce cas le procédé ne sert qu'à la transmission de la nourriture déjà capturée. Le changement entre filtration active et passive se produit de manière "coulante" : c'est à dire au cours de la phase transitoire (à peu près lors d'une vitesse du courant comprise entre 4 et 8 cm/s) apparaissent les caractéristiques des deux formes de filtration.
Du reste d'autres filtreurs ont le même comportement "alternatif' comme les balanes, les arthropodes et des bernard l'ermite fixes (vivant dans des tubes de serpulidés vides) du genre Paguritta.

La traite de l'hôte
Chez une femelle de N. oshimai j'ai pu observer une autre stratégie d'alimentation qui confère une note parasitaire certaine à ce crabe purement commensal. J'ai eu mon attention attirée par quelques tentacules singulièrement raccourcis chez l'anémone hôte (S. haddoni), j'ai un jour surpris le crabe à saisir un tentacule avec son ciseau, à le tirer et à le broyer jusqu'à ce qu'une masse brunâtre, certainement des zooxanthelles, sorte de la pointe des tentacules. Cette masse a été transférée vers la bouche et immédiatement consommée. Ensuite deux autres tentacules ont encore été "traits".
Au cours des semaines suivantes j'ai pisté le crabe et j'ai pu observer le processus par deux fois. En conséquence la traite ne semble pas avoir été pratiquée très souvent. En tous cas toutes nos Stichodactyla ont présenté plusieurs douzaines de tentacules déformés aussi longtemps que les couples de Neopetrolisthes vivaient sur celles-ci. Est-ce que des morceaux de tentacules sont consommés comme c'est le cas en présenœ de Periclimenes ? Lors de la traite s'agit-il plutôt d'une source de nourriture sans importance ? Ou la femelle obtient-elle des substances nutritives essentielles pour la maturation des ovules par la consommation des tentacules comme Svoboda (1983) a pu l'observer en aquarium chez Periclimenes carpalis ?
Ceci ne constitue que quelques-unes des nombreuses questions sans réponses qui attendent une étude plus approfondie!

Littérature
Baensch, H.A ., & H. Debelius (1992): Meerwasser Atlas. Band 1. Melle.
Bruce, A.J. & A. Svoboda (1983): Observations upon some pontonine shrimps from Aqaba. Zool.. Verhandelingen 205. Leiden.
Debelius, H. (1983): Gepanzerter Meeresritter. Essen..
-(1999): Crustacea guide of the world. Frankfort.
Kaestner, A. (Begründer) (1993): Lehrbuch der Speziellen Zoologie. Band 1. 4. Teil Arthropoda. Jena. Stuutgart.