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NISHIKIGOIS: Lumière sur l'empire du soleil levant

par Jean-Emmanuel HAY. (Revue Aquarama, 1991)

Il y a Koïs et Koïs: étrange destinée que celle de ces Carpes, élevées du rang de poissons communs à celui de "bijoux vivants", pour aucune autre raison que leur beauté, apparue accidentellement puis "cultivée" amoureusement par l'homme jusqu'à la pousser au sommet d'un art d'une étrange complexité, où les paramètres techniques (forme du poisson, profil, couleurs, etc ...) se mêlent à la subjectivité des juges et des amateurs ....

Photo: R. ALLGAYER

LA BEAUTE DES KOIS SE TROUVE AU FOND DES YEUX DU SPECTATEUR
Légende
Nous sommes en Chine, en ce début de XVème siècle, sous la dynastie Ming. L'automne, dans les jardins de Beijing (Pékin), a des reflets d'or et d'argent. Le soleil pâle de l'aurore accentue les teintes métalliques. Les Ginkos, considérés comme des arbres sacrés, sont parés de jaune et leurs gros fruits tombent à même le sol comme des oeufs qui portent en eux l'espoir d'une autre vie.
Assis en tailleur aux rives des bassins, le petit Deng est muet comme une Carpe ...
Comment ça? Muet comme une Carpe? Mais pas du tout!
Il est en pleine méditation. Son langage n'est plus celui des hommes, mais celui des poissons, qui loin d'être muets, ont une multitude de choses à nous communiquer.
Carpe, d'où viens-tu et que fais-tu en ces lieux?; cette rencontre à quelque chose de magique. Le Cyprinidé vient manger un morceau de galette entre les doigts de l'enfant, comme elle fit naguère avec son père et son grand-père, et avec d'autres ancêtres sans doute.
Communion de l'air et de l'eau, geste d'offrande qui prolonge l'homme dans le poisson ...
Carpe, une attitude et j'ai compris ton élégance et ta majesté; je lis dans les mouvements l'histoire et le passé; et je vois des images d'un autre temps et les visages de ceux qui t'ont connue avant ...
Tokyo, 2001: un enfant gambade dans un jardin. Tout autour c'est la ville: le monde est artificiel, et pourtant, devant le bassin, l'enfant s'arrête, le regard flou: Tancho, Sanke, Kohaku, Asagi, Ogon, Kin Matsuba. Il voit en eux bien plus qu'on ne peut l'exprimer: il décode ce langage qui le lie au passé; au futur aussi. Nishikigoïs: lumières sur l'Empire du Soleil Levant!
Carte d'identité
Famille: Cyprinidés
Genre: Cyprinus
Espece: carpio
Nom scientifique: Cyprinus carpio, Linné, 1758
Nom commun: Carpe Koï (le terme Koï est d'origine chinoise. En japonais on dit: Nishikigoï)
Synonymes: Cyprinus acuminatus, C. coriaceus, C. elatus, C. hungaricus, C. macrolepidotus, C. rex cyprinorum, C. specularis, C. regina
Répartitions géographique: la distribution originelle de la forme sauvage de Cyprinus carpio concerne les fleuves côtiers de la mer Noire, de la mer Caspienne et de la mer d'Aral. Actuellement, les carpes se répandent dans le monde entier.
Habitat: ces poissons vivent dans les eaux stagnantes ou à courant lent, avec fond vaseux et végétation dense.
Description: la forme sauvage, qui peut atteindre un mètre de long, a un corps allongé, 3,5 à 4 fois plus long que haut. A partir de cette forme, on a sélectionné une Carpe à dos élevé et la forme ornementale des carpes Koïs, sélectionnée au Japon, et qui est 2,5 à 3 fois plus longue que haute. Elles atteignent une longueur de 35 cm à 70 cm (rarement plus d'un mètre). Leur corps est recouvert de grandes écailles (33 à 40) le long de !a ligne latérale.
On distingue deux formes principales de Carpes Koïs: l'une, d'allure élancée, est originaire d'Asie, probablement sélectionnée à partir de la sous-espèce C. carpio haematopterus; l'autre, plus massive, est d'origine européenne, provenant essentiellement d'Allemagne.
Dimorphisme sexuel: le mâle est plus svelte que la femelle. Les nageoires pectorales sont plus grandes et plus massives chez les mâles que chez les femelles. Au moment du frai, le mâle porte des boutons nuptiaux blancs sur la tête et autour de la bouche.
Comportement: poissons paisibles et très facilement domestiqués.

Cyprinus carpio. mère de toutes les Kois. Photo: R. ALLGAYER


Histoires de Koïs
Revenons à la Carpe et à l'Homme et dressons le bilan de leur Histoire commune ...
La famille des Cyprinidés est l'une des plus grandes familles de poissons, présente à l'origine en Afrique, en Eurasie et en Amérique du Nord. Comme nous l'avons vu, la Carpe provient des fleuves côtiers de la mer Noire et de la mer Caspienne. C'est vers le III ème siècle avant notre ère qu'elle a été introduite en Grèce, en passant par Chypre, d'où lui vient son nom scientifique de genre: Cyprinus. Elle arrive en Europe au XIV ème siècle, en Russie au XVIII ème siècle, au Japon et en Amérique du Nord au XIX ème siècle. En ce qui concerne l'Amérique, c'est les émigrants européens qui emmenèrent des carpes avec eux. Elles furent introduites dans les eaux naturelles des Etats bordant l'Atlantique et sont considérées aujourd'hui comme faisant partie de la faune naturelle de la région.
Ce sont les Chinois qui les premiers ont pratiqué l'élevage du poisson rouge (Carassius auratus) et des Koïs. Des documents attestent en Chine, dès la fin du V ème siècle avant notre ère, l'élevage de la
Carpe. Un manuscrit du III ème siècle parle de Carpes bleues, rouges et blanches, mais les formes que l'on connait aujourd'hui n'ont été sélectionnées qu'au siècle dernier. D'après la légende, c'est dans les années 1800 que fut produite au Japon la première Carpe avec une tache rouge sur la tête. Ainsi, ce seraient les Chinois qui auraient créé les Koïs rouges et les Koïs jaunes. Les Japonais quant à eux auraient inventé les Koïs aux couleurs mélangées.
En Europe, c'est sous forme de Carpe-cuir et de Carpe-miroir que les variétés de Carpes ont été fixées. Parvenues au Japon au début du XX ème siècle, elles servent à renforcer les souches de Koïs japonaises. Il va de soit que les Koïs, comme les autres Carpes, sont des poissons forts appréciés comme mets, dans de nombreux pays, dont le ... Japon!
Axelrod décrit en ces termes sa première visite au Yoshida Koi Farm, au Japon: "On amena cérémonieusement devant moi une magnifique koï aux coloris fabuleux. A une vente aux enchères, ce poisson aurait facilement atteint un prix équivalent à celui d'un salaire mensuel. On coupa rapidement la tête du poisson, on l'écailla et retira ses entrailles. On coupa ensuite le corps en petits morceaux de la taille d'une bouchée et on les servit sur un plateau merveilleusement décoré. Bien que forcé d'en manger par courtoisie, ce fut un moment très pénible". Il rapporte aussi le fait suivant: lorsqu'arrive le temps de Noël, "la famille qui organise la fête achète la plus grosse koï qu'elle soit en mesure de s'offrir, l'amène à la maison et l'installe pour quelques jours dans la baignoire, lui offrant entretemps toutes sortes de friandises. Quand vient le moment de tuer le poisson et de le servir au dîner, il est devenu une sorte d'animal familier domestique et tout le monde déteste l'idée de le tuer. Au dernier moment, le chef de famille l'enveloppe dans du plastique et le place au congélateur, juste assez longtemps pour qu'il meure, tout en restant parfaitement frais et bon à être mangé"!
Si pour les Japonais la beauté des Koïs se trouve au fond des yeux des spectateurs, ils n'ont pas les yeux plus gros que l'estomac!
LE CASSE-TÊTE CHINOIS
Du point de vue scientifique, les différentes Koïs ne correspondent qu'à une seule espèce. Morphologiquement, on peut cependant distinguer la Carpe japonaise de la Carpe européenne, la première étant plus mince que la seconde; de même parmi les Carpes européennes, on peut différencier la Carpe-cuir de la Carpe-miroir.
Mais là où commence vraiment le casse-tête chinois, c'est quand on essaye de classer les différentes variétés de Koïs: certains auteurs affirment qu'il y en a plus qu'il n'y a de variétés de Guppy! Par une sélection méthodique et des croisements successifs, on a obtenu une incroyable gamme de couleurs, chaque forme ayant un nom ...
Voyons de plus près quelles sont les principales variétés de Koïs.

Kohaku Taisho Sanke Tancho Sanshoku


D'entre toutes, la plus célèbre est assurément la bien nommée KOHAKU (prononciation: Kohakou): blanche aux dessins rouges, elle revêt les couleurs nationales du Japon; c'est la combinaison des couleurs préférées des Japonais, aussi les beaux spécimens remportent-ils presque toujours la palme aux concours.
Les Kohaku dont les taches rouges sont isolées rappellent aux japonais les pierres de gué qui traversent les pièces d'eau de leurs jardins, où évoluent avec majesté les Nishikigois. Ces pierres permettent aux visiteurs de se poster au-dessus de l'eau pour admirer les poissons. En effet, une belle Carpe Koï sera toujours jugée vue de dessus; la déontologie veut que les dessins de profil n'aient que peu d'importance, les Nishikigois étant des poissons de bassin, et donc destinés à être vus de dessus. C'est aussi pour cette raison que les photos que nous vous présentons ont été prises dans cette optique ...
Les Kohaku dont les taches rappellent des pierres de gué, sont nommées selon le nombre de tâches. S'il y en a deux, c'est une NIDAN KOHAKU (= deux pierres), s'il y en a trois, une SANDAN KOHAKU (= trois pierres), et ainsi de suite. Les "pierres" doivent être bien définies, avoir une couleur intense et être réparties régulièrement le long du corps, de part et d'autre du dos, formant un dessin bien équilibré.
Les classes sont établies en fonction de la couleur, des dessins de couleur, des écailles et des nageoires. A l'heure qu'il est, les Koïs à nageoires voiles existent chez les pisciculteurs, mais ils n'ont pas encore transmis cette nouvelle caractéristique a toutes les couleurs et tous les dessins. On pense que ces belles Carpes d'ornement pourraient prochainement emboiter le pas aux poissons rouges dans l'art de l'aberration (yeux globuleux, têtes de lion, etc .. .) dont l'esthétique est très discutable.
Si ce n'est pas le cas, que les tâches rouges ont des bords irréguliers et sont mal réparties sur le corps du poisson, nous avons affaire à une GOTENZAKURA, autrement dit: "Koï fleur de cerisier du palais". C'est une variété elle aussi très appréciée des Japonais.
Il existe une variété dorée de "Fleur de cerisier", dont les écailles rouges ont les bords dorés. Enfin, La MENKABURY est une autre variété très connue de Kohaku: une tâche rouge lui recouvre toute la tête.
Il existe une variété de Koï blanche avec une tache rouge sur la tête: ce point Hi (la marque rouge), ne doit toucher ni les yeux, ni le nez, ni la bouche de la carpe, tandis que le blanc du corps et des nageoires doit être aussi pur que possible. Cette variété porte le nom de TANCHO KOHAKU (prononciation: Tanecho Kohakou), qui lui vient de la grue Tanch, toute blanche, et dont la couronne est rouge, connue au Japon en tant qu'oiseau porte bonheur et comme allégorie de l'amour.
Si du rouge vient à border l'oeil du poisson et que des taches noires apparaissent sur son corps, nous aurons affaire à une TANCHO SANSHOKU, qui pourra aussi être GINRIN, auquel cas des écailles métalliques borderont son dos. Si la Koï n'a pas de tache rouge sur la tête, ce sera une SHIRO UTSURI GINRIN
La TAISHO SANKE (prononciation: Taïcho Sanki), crée au début du vingtième siècle, fut la première koï tri-("San") colore. C'est une Kohaku avec des marques noires, "sumi", sur le corps. Les Taisho Sanke les plus appréciées sont celles qui possèdent de grands dessins hi et de petits sumi. Elles ne doivent pas avoir de noir sur la tête. Par contre, des rayons noirs sur les nageoires pectorales ou caudale sont de bons signes qui rendent le poisson plus beau encore.

Showa Sanshoku Asagi Shusui


Proche de la Taisho Sanke, la SHOWA SANSHOKU est apparue quelques années plus tard. Etant elle aussi tricolore, la différence fondamentale entre les deux variétés réside dans la différence de couleur de leur peau. Celle de la première est blanche; celle de la seconde, noire. Une Showa Sanshoku dont un tiers du corps est recouvert d'écailles blanches est considérée comme un beau poisson. La base de ses nageoires pectorales doit être noire.
L'ASAGI est une koï dont la peau blanche, filtrant à travers une écaille noirâtre, crée un effet bleu, soit clair, soit foncé. Ce n'est pas un bleu véritable, cette couleur n'existant pas chez les koïs. Le bord des écailles doit paraître clair, tandis que le centre est foncé. Les côtés de la face, les flancs et les nageoires, du moins à leur base, doivent être rouge-orangé.
Les DOITSU résultent du croisement de la carpe koï avec la Carpe miroir et la carpe cuir allemande. Que veut dire Doitsu? C'est tout simplement l'équivalent phonétique japonais de "Deutsche", signifiant "Allemand".
L'élégance de cette variété n'est pas seulement due aux couleurs et aux dessins, mais aussi à la régularité de ses rangées de grandes écailles, héritées de la Carpe cuir (une rangée de chaque côté de la nageoire dorsale) et de la carpe miroir (une rangée d'écailles de grande taille qui va des épaules à la queue, en suivant la ligne latérale, ainsi qu'une autre le long du dos et se divisant pour passer de chaque côté de la nageoire dorsale).
La Doitsugoï blanche (variété de Carpe-miroir allemande), croisée avec une Asagi, a donné naissance à une koï à flancs et opercules rouges, dont la tête est claire et le dos bleu pâle. Une ligne continue d'écailles bleu foncé courant le long du dos en suivant la ligne latérale, des épaules jusqu'au pédoncule caudal, lui donne une allure grandiose. Ce poisson est appelé SHUSUI, ce qui, en bon français, n'évoque pas moins qu'un "Ciel d'automne"!

Ogon Kin Matsuba Kawarimono


A ce propos, c'est en automne que les Koïs ont leurs couleurs les plus vives, quand à la lumière changeante du jour se mêlent les couleurs chaudes des feuillages qui se mirent parmi les reflets mouvants des poissons.
Le groupe KAWARIMONO des Nishikigoïs est très intéressant, car chaque poisson est très coloré. On peut dire que chaque carpe de ce groupe est unique et se rapproche d'une variété en fonction de ses affinités de couleurs. D'ailleurs, on pourrait généraliser ces propos à toutes les carpes Koïs: on ne rencontre jamais deux Koïs identiques! Il existe des millions de combinaisons de dessins possibles!
Le groupe MATSUBA a lui aussi un certain charme; c'est celui des nishikigoïs aiguille de pin, qui doivent donner l'impression au spectateur qu'il voit des pommes de pin. Elles peuvent être rouge (Aka Matsuba), d'un éclat métallique doré (Kin Matsuba), ou de plusieurs couleurs (kujaku).
Une Koï qui possède un dessin à la fois doré et argenté est dite "hariwake".
Enfin, il y a de magnifiques nishikigoïs à l'éclat métallique doré ("Kin") ou argenté ("Gin"), apparues peu après la seconde guerre mondiale, et dont l'introduction a modifié bon nombre de données génétiques: ce sont les poissons appartenant au groupe OGON. Ogon dorée, Ogon Platine, rouge, orange ou doré foncé (Yamabuki), ils sont de toute beauté.
Après cette brève présentation des koïs, peut-être y verrez-vous plus clair. Cependant, jamais personne n'élucidera le casse-tête chinois, tant et si bien que l'histoire génétique des Koïs n'a pas de fin, et qu'à l'heure où vous pensez avoir acquis quelque connaissance, les Japonais courent après les gènes de leurs nishikigoïs, avec dans leurs poches, les phantasmes les plus fous!

Yamato-nishiki Kujaku Shiro Utsuri


CRITERES DE SELECTION
Une manière de percevoir la beauté: voilà où réside l'intérêt majeur des Koïs pour les Japonais. Afin d'exceller dans cet art de la perception, il existe toute une série de critères qui feront d'une nishikigoï, ou un quidam, ou une superstar dont le prix pourra atteindre plus de 30 000 euros, selon que dans le regard des juges, une étincelle brillera ou non, créant peut-être un animal d'exception ...
Il va de soit que les critères premiers concernent la forme du corps des poissons. L'idéal, pour une Koï, serait, si on la sectionnait (en coupe transversale) à l'avant de la nageoire dorsale, que cette section soit un cercle. Dans la réalité, ce n'est jamais le cas, mais souvent le poisson est arrondi plutôt qu'ovale. Autre critère important, le rapport entre la hauteur et la longueur du poisson. Il est calculé en fonction du nombre de fois que la hauteur d'une nishikigoï pourra être comprise dans sa longueur pour obtenir un poisson idéal. On considère qu'une Koï deux fois et demie à trois fois plus longue que haute en fait partie.
Le profil est jugé lui aussi de manière critique, car selon qu'il est plus ou moins équilibré avec les nageoires, la nage du poisson sera plus ou moins affectée.
Vu de dessus, toute Koï devra avoir une colonne vertébrale parfaitement droite, afin que le poisson soit symétrique de part et d'autre de cette ligne, et de telle sorte que si on le coupait en deux, on obtiendrait deux parties strictement identiques. Tout poisson n'obéissant pas à ce critère n'est pas apte à concourir.
Si l'on ne prend pas en compte les variétés à nageoires voiles, qui remettent ces standards en cause, les nageoires dorsale et caudale devront être bien formées, tandis que les nageoires paires seront identiques. Quand on estime la beauté d'une Koï, ses nageoires pectorales ont une grande importance: plus elles sont développées, plus elles peuvent impressionner le spectateur, qui, ne l'oublions pas, voit le poisson de dessus. Même la manière dont la Koï tiendra ses nageoires pourra frapper l'observateur de stupéfaction et l'envouter, si bien qu'il s'attachera instantanément à la Carpe et voudra l'acquérir à tout prix ...
Les Japonais sont très sensibles au volume de la tête. Ils n'acceptent pas qu'un poisson ait quelque déformation: ce n'est malheureusement pas le cas de tous. Certains, au contraire, cherchent à développer des excroissances, comme avec les poissons rouges (Carassius auratus)!
Les couleurs doivent être intenses et pures. Les poissons de couleur uniforme n'ont que peu d'intérêt. Les dessins de couleur sont très variés et font appel à l'imagination des amateurs, qui n'en manquent pas d'ailleurs! Chaque dessin à un nom; de même, on peut fort bien imaginer que les Japonais donnent des noms propres à leurs Koïs, en fonction de ce que leur dessin (unique) peut produire sur leur imagination. La grâce qu'une nishikigoï peut avoir en nageant pourra créer chez le spectateur un coup de foudre et une passion sans faille dorénavant.
Enfin, la taille du poisson jouera un rôle décisif pour départager les carpes: le Japonais préfèrera une Koï qui soit la plus grande possible (sa préférence ira donc souvent aux femelles, qui, adultes, deviennent plus grandes que les mâles).

Un bel écrin pour Kois. Photo: J-E HAY


MAINTENANCE DES KOÏS
Les Carpes koïs sont des poissons de bassin, bien que de jeunes spécimens puissent être élevés dans des aquariums. Je ne reviendrai pas sur la conception du bassin en soit, sujet qui a été largement traité dans des revues. Le bassin idéal pour nos carpes aura une profondeur d'au moins 1,50 m, ce qui permettra aux poissons de se protéger des fortes chaleurs en été, et d'éviter de geler en hiver. Il faut savoir que les koïs aiment bien une eau tiède, où elles grandiront très rapidement, et qu'elles ne supportent pas une eau dont la température est inférieure à 4 °C. La profondeur a ici toute son importance! D'ailleurs, il est préférable de maintenir les jeunes Koïs dans un grand aquarium chauffé, les premières saisons hivernales, en raison de quoi elles ne s'affaibliront pas et continueront même à se développer. Sinon, quand arrive le printemps elles sont affaiblies et risquent de dépérir ...
Un bassin bien conçu ne sera pas trop au soleil, ce qui évitera de faire proliférer les algues. Une bonne filtration aura son importance pour que l'eau conserve un aspect limpide.
Enfin, il sera judicieux, ou de faire un petit muret, ou de faire en sorte que le niveau de l'eau soit 30 à 40 cm sous le niveau des berges, car les Koïs sont de très bons sauteurs et risqueraient de se retrouver dans le jardin! Mauvaise surprise s'il en est!
Les Koïs sont peu exigeantes quant à la qualité de l'eau, mais ce sont de grandes consommatrices d'oxygène. Une petite cascade pourra oxygéner l'eau, faute de quoi une pompe à air pourrait être d'une grande utilité, notamment lors des canicules estivales. S'il la température de l'eau atteint plus de 20 °C, il est souhaitable de pratiquer des changements partiels d'eau, la température optimale d'élevage des Carpes koï étant située entre 16 et 20 'C.
En ce qui concerne l'alimentation des poissons, ils sont omnivores. Pour obtenir une croissance rapide, la nourriture devrait être composée à 70 % de protéines, 20 % d'hydrates de carbone (déchets de céréales, pâtes, etc...), 9 % de végétaux et 1 % de minéraux.
Les granulés pour Koïs, que l'on trouve dans le commerce, semblent répondre à ces exigences. Ils ont le double intérêt d'être flottants, ce qui permet de doser la quantité requise pour le nombre de poissons que l'on possède, et laisser le temps aux Carpes de les manger avant qu'ils ne tombent au fond du bassin et polluent l'eau.
Il est à noter que les nishikigoïs n'ont pas de dents à l'avant de la bouche, mais au fond de la gorge, ce qui implique qu'elles ne peuvent pas vous mordre si vous les nourrissez dans votre main: les Japonais vont même jusqu'à leur donner la becquée; étrange baiser, n'est-ce pas? Made in Japan
Plutôt que de gaver vos Koïs, mieux vaut les nourrir parcimonieusement, mais plusieurs fois par jour: par exemple le matin, à l'heure du petit déjeuner, et le soir à l'heure du dîner: un granulé pour Hiro, un granulé pour Kohaku, un granulé pour Hi-ro, un granulé pour Taïsho, un granulé pour papa Hiro, un granulé pour fiston Kawarimono; et si vous êtes gourmand (gourmet): un granulé pour Hiro, un granulé pour Hito (d'où l'intérêt d'avoir des noms composés)
Il faut savoir que la consommation de nourriture est fonction de la température, et qu'elle est donc maximale en été. Si la température descend en dessous de 15 °C, on peut réduire les proportions de protéïnes; si elle est inférieure à 8° C, on ne nourrit plus les poissons, car leur métabolisme est fortement réduit. Pour avoir des poissons sains, il faut une alimentation variée: un apport de fruits de mer (dont la taille sera proportionnelle à la bouche des poissons) sera le bienvenu.

Bassin de jardin pour Koïs


LA REPRODUCTION
La reproduction s'effectue en groupe, avec plus de mâles que de femelles (exotisme japonais), mais, étrange paradoxe, on pratique aussi, de plus en plus souvent, le koï(t) interrompu! (au-dessus d'une bassine).
La reproduction naturelle demande une eau bien oxygénée, avec une température située entre 15 et 20° C. Les mâles peuvent être plus jeunes, mais les femelles doivent avoir au moins trois ans. On les nourrira plus copieusement quelques temps avant le frai. Lors des préparatifs de ce dernier, on fabriquera des bottes avec les fines branches de résineux, dont les épines offriront un support efficace pour retenir les oeufs. Une botte d'un mètre de diamètre n'est pas trop grande. Elle sera lestée. On sait que la période du frai est arrivée quand les femelles ont un ventre bien rebondi et que des boutons nuptiaux blancs apparaissent sur la tête et autour de la bouche du mâle.
L'idéal serait d'avoir un bassin rien que pour le frai puis l'élevage des alevins, mais cela peut aussi se faire dans l'étang où se trouvent tous les poissons. A cet effet, il est judicieux de tendre un filet qui isolera un quart de l'étang, et où seuls les jeunes pourront se rendre en toute sécurité (car il arrive que par mégarde de grandes Koïs avalent des jeunes). De plus, cette réserve aura le privilège d'abriter une grande quantité de zooplancton fin dont les jeunes se nourrissent, et qui se nourrit lui-même d'algues, ce qui limitera l'aspect opaque que peut prendre un bassin où pullulent les algues vertes .. .
Une femelle peut pondre jusqu'à un million d'oeufs (en mai-juin) qui se colleront soit aux plantes présentes dans l'étang, soit à la botte que vous aurez placée dans le bassin de frai à cet effet. Ils ont un millimètre de diamètre. L'incubation, à 15°C, dure cinq jours. A 20°C, elle ne dure plus que trois jours. La résorption du sac vitellin dure environ cinq jours pendant lesquels les embryons sont fixés aux plantes grâce à une glande adhésive placée au niveau de leur tête. La croissance est rapide, à condition de disposer de suffisament de zooplancton: Daphnies et Cyclops sont des aliments de choix qu'il est souhaitable de pouvoir distribuer abondamment.

Argulus spec. le Pou des Carpes. Photos: J-E. HAY


LES MALADIES
Après tous les bons conseils que je viens de vous prodiguer si vos nishikigoïs tombaient encore malades, ce serait bien triste! Et pourtant ...
Une eau polluée par de trop larges distributions de nourriture, un bassin surpeuplé, ou un manque d'oxygène peuvent être la cause d'une "défaillance" physique de vos carpes, exposant les poissons à tous les dangers qui guettent l'être affaibli ...
La première chose à faire en cas de "pépin", consiste à effectuer un changement d'eau partiel. Le reste n'est qu'affaire de patience, de diagnostics et d'expérience.
Une des maladies les plus courantes et des plus graves (mortelle) est la pourriture des branchies: les ouïes du poisson perdent leur couleur rouge intense pour virer au gris-vert. Parfois, ce sont des protozoaires qui colonisent une plaie chez une carpe qui s'est blessée.
Et puis, il existe des parasites, nommés poux, ou Argulus, qui peuvent atteindre 5 mm et qui se fixent sur les poissons avant de faire des ravages: ils atteignent la peau, puis la chair, tant et si bien que les malheureux parasités ressemblent à des lépreux: leurs corps semblent mutilés par une gangrène dont la progression n'est pas facile à enrayer. Un jour, Axel, un homme passionné par les Koïs, m'appela, affolé: ses Carpes décédaient les unes après les autres, et le spectacle de leurs corps dévorés était horrible: c'était l'Argulus!
Après enquête, il s'est avéré que les poux avaient étés introduits par Axel, qui, croyant bien faire, avait laché des poissons de rivière dans son bassin! Les poissons provenaient de la Sarre et Axel, ayant bien remarqué des "blessures" chez l'un ou l'autre, n'y avait guère prêté garde. Résultat: de nombreux cadavres parmi ses magnifiques nishikigoïs!
Aussi, je vous mets en garde: n'introduisez aucun poisson dans un bassin qui se porte bien, sans l'avoir scrupuleusement observé, ou mieux, sans lui avoir fait observer une période de quarantaine. Il
pourrait vous en coûter. Après un traitement adéquat, tout rentra dans l'ordre.
Parfois, les Koïs sont atteints d'hydropisie (écailles hérissées), qu'on a peu de chances de pouvoir guérir. Enfin, il se peut que vos poissons, récemment acquis, fassent une poussée de points blancs (Ichthyophtirius) due à un stress prolongé (à ne pas confondre avec les points nuptiaux blancs des mâles en période de frai)! Dans tous les cas, il est conseillé de diagnostiquer la maladie le mieux possible, puis d'aller voir un spécialiste qui saura vous indiquer le traitement adéquat.
Le meilleur remède?
Pisces sani in aquario sano (des poissons sains dans une eau saine)!
EN GUISE DE CONCLUSION
Ami lecteur, après cette (brève) présentation de la Carpe Koï, sache que le céleste sourire de la nishikigoï n'a d'égal que celui de la Joconde, et que le baiser du Japonais qui donne la becquée à ses préférées est plein d'espoirs (génétiques) dont la portée échappe aux occidentaux que nous sommes!
Il te faut retenir que la Koï est un animal d'une étrange familiarité, qu'elle est robuste, si maintenue dans de bonnes conditions, que si elle ne meurt pas, elle vivra longtemps! (M. Komei Koshihara possède une femelle âgée de 227 ans! Elle pèserait 9 kg et mesure 75 cm. En moyenne, une Koï peut vivre facilement une cinquantaine d'années. Ainsi, tu pourras transmettre ton poisson, amoureusement, de génération en génération. Tu retiendras que les Koïs sont des poissons paisibles, qui ne se mordent pas et ne se mangent qu'accidentellement (si grande différence de taille); que l'homme considère leur beauté comme une lumière intérieure, qui luit dans nos regards, et parfois dans nos estomacs. Les Japonais (comment ça? Encore eux?!) les nomment aussi "poissons samouraïs", parce qu'ils ne bronchent pas quand on les découpe en rondelles pour s'en empiffrer!
Tu noteras qu'on nourrit les Koïs en moyenne deux fois par jour, mais que si l'on veut faire des super-Koïs, il faudra les nourrir au moins dix fois dans la journée (ah! Ce complexe d'infériorité des nippons: il n'y avait qu'eux pour inventer les Sumos).
Enfin, tu n'oublieras pas, en allant au marché aux Koïs, de te munir de 8 000 à 30 000 euros en petites coupures, et plus si tu es un grand sentimental et que tu veux les mêmes poissons que sur les photos ci-jointes. Bonne chance!