Sphaeramia
nematoptera
Le poisson-cardinal pyjama
par Rolf Hebbinghaus (Aquazoo-Lôbbecke Museum Düsseldorf) - DATZ 10/2003
Formulé avec exagération, ce beau mais peu remarqué poisson possède trois défauts: de tout temps il a été possible de l'acquérir, il est presque toujours disponible et il est trop bon marché.
La
famille des Apogonidae regroupe environ 250 espèces, dépassant
rarement la taille de 15 centimètres. La plupart d'entre eux, essentiellement
les formes rouges qui leur ont donné le nom ( " rouge cardinal"
), sont des poissons d'activité nocturne, que l'on peut vaguement
apercevoir dans des fentes rocheuses voire pas du tout lors de plongées
diurnes. L'identification des espèces est souvent très difficile.
Mais l'appartenance à la famille des Aponogidae est presque toujours
facile à reconnaître: grande gueule et gros yeux, deux nageoires
dorsales séparées, un pédoncule caudal nettement
décroché et une nageoire dorsale, le plus souvent fourchue.
De nombreux Aponogidae possèdent un mode de vie très intéressant,
et certaines espèces conviennent très bien pour la conservation
en aquarium. Lors du choix d'un Apogonidae il faut, abstraction faite
de la taille, répondre à deux questions : l'espèce
concernée est-elle uniquement nocturne ou a t'elle aussi une activité
diurne. Les espèces d'activité nocturne restent très
timides en aquarium ! Quel est le comportement face à leurs congénères
? Bien que les poissons-cardinaux se rencontrent en grands groupes dans
la mer, de nombreuses espèces sont très agressives entre
elles dans un aquarium, si bien que dans des bacs de taille normale il
convient de les maintenir seul ou en couple.
Également pour des bacs plus petits
Justement parce que le poisson-cardinal pyjama n'est pas vivement coloré,
mais exceptionnellement nuancé, il me plait bien ainsi. Je trouve
aussi son aspect corporel impressionnant : les énormes yeux rouges,
les grandes écailles entourées de noir au milieu du corps,
les magnifiques nageoires ! En outre, ce poisson a un mode de vie intéressant,
un comportement pacifique face à tout autre habitant de l'aquarium
dépassant la taille de sa gueule et est assez résistant
aux maladies.
En ce qui concerne le temps d'activité et son caractère
conciliant, ce poisson fait partie de la minorité positive. Même
s'il développe sa plus grande activité vers le soir, on
peut le désigner comme actif dans la journée et le crépuscule.
Un véritable comportement de groupe n'existe pas ; cependant il
semble qu'ils se sentent mieux à l'aise à plusieurs. Les
congénères de même sexe se tiennent à distance,
mais il n'y a de vrais combats que lorsque l'aquarium est trop petit ou
qu'il contient trop peu de cachettes.
Cette espèce mesure jusqu'à dix centimètres, mais
il n'atteint cette taille maximale que dans de très grands aquariums
et au cours d'une longue présence. Nos exemplaires les plus anciens
ont été acquis, il y a huit années.
Comme il s'agit d'un nageur posé, un couple peut être maintenu
et observé dans un bac de 200 litres. Ces poissons souffrent en
compagnie de poissons vivaces, à l'appétit démesuré
et conviennent ainsi mieux à un aquarium pour invertébrés
avec des poissons calmes. Les juvéniles introduits ont déjà
une taille de cinq centimètres. Les mâles subadultes peuvent
déjà être reconnus d'après le premier rayon
de la deuxième nageoire dorsale légèrement étiré.
Dans le récif de corail ces animaux vivent en bancs lâches
par des profondeurs comprises entre un et six mètres. C'est pourquoi
ce poisson provenant de l'océan Indien et de l'Océan Pacifique
convient aussi pour des aquariums récifaux puissamment éclairés,
surtout en présence de grands coraux. La journée ces animaux
préfèrent se maintenir dans le dédale de branches
d'Acropora à croissance svelte. Dans un bac récifal
de 500 litres cinq à six poissons cardinaux adultes disposent de
suffisamment de possibilités d'évitement afin de s'échapper
en cas d'éventuelles disputes.
Occasionnellement est importée l'autre espèce du genre Sphaeramia
orbicularis qui n'en comporte que deux. Les deux formes se ressemblent
assez et étaient dans le passé considérées
comme espèce unique en tant que variante de coloration. A mon goût
S. orbicularis possède un patron moins attrayant en outre
il atteint deux centimètres de plus et son comportement est plus
rugueux aussi bien intraspécifque qu'avec des espèces étrangères.
De plus il habite les mangroves et pour cette raison il convient moins
pour l'aquarium récifal.
Pour ses déplacements il se sert de ses nageoires pectorales la
nageoire caudale ne sert que de gouvernail. S' il aperçoit une
proie correspondant à la taille de sa gueule, il est capable d'un
véritable sprint en se servant de sa nageoire caudale. La nourriture
n'a pas besoin d'être absolument vivante mais en mouvement. Ce chasseur
de plancton n'aime pas prendre sa nourriture à même le sol
ou en surface.
Après adaptation il accepte de la chair de moules hachée
de la nourriture en forme de vers même des paillettes. Il préfère
néanmoins des crustacés, comme du mysis des artémias
adultes, du krill et des puces d'eau mais aussi de jeunes poissons. Des
exemplaires adultes peuvent consommer des guppys adultes et des crevettes
ce qui signifie qu'il ne faut pas maintenir des poissons ou des crevettes
de taille identique en leur compagnie. Ceci est aussi valable pour les
crevettes nettoyeuses, sauf Stenopus hispidus, dont ils ignorent les services
!
Multiplication
A ma connaissance Sphaeramia nematoptera n'a pas encore été
reproduit, bien que les couples matures produisent régulièrement
des jeunes. Avec une longueur de 3 mm les larves sont relativement grandes,
toutefois beaucoup plus petites que chez Pterapogon kauderni plus
facile à multiplier. Toutefois le comportement reproducteur de
ce poisson dont le mâle incube les œufs est très intéressant
et facile à observer en aquarium - un autre argument en faveur
de cet attrayant poisson.
© Extrait de la Gazette Marine N° 78 - janvier 2004
Publication réservée aux membres des Amis de l'Aquarium
1932.