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Mullidae
Les barbillons des surmulets (poissons-chèvre)

Par Ingo Schindler - DATZ 07/2000 (photos Joachim Frische)

Des poissons perciformes avec des barbillons ? Les surmulets ont "inventé un système unique de barbillons".

Les barbillons peuvent être désignés comme des appendices filamenteux des lèvres des poissons. Ces appendices sont pourvus de nombreuses cellules sensorielles et servent essentiellement à palper la nourriture. De nombreux poissons d'aquarium connus possèdent des barbillons. Ils sont caractéristiques de la classe des siluridés. La plupart des barbus et les cyprinidés possèdent des barbillons tout comme les Cobitiidés vivant sur le sol. Les membres des ordres de poissons évoqués vivent toutefois - hormis quelques exceptions - dans l'eau douce. Dans l'eau de mer le poissons avec barbillons sont plus rares à trouver. Il est pour cette raison d'autant plus étonnant que les surmulets (Famille MuIlidae) aient développé des barbillons, car ce sont les seuls de la famille des Percoïdes qui possèdent de tels organes tactiles. Parmi les Percoïdes, scientifiquement Percoidei, font également partie en dehors des barbets environ 50 autres familles de poissons, dont les cichlidés (Cichlidae), les poissons-papillons (Chaetodontidae) et les poisons-anges (pomacanthidae).
La plupart des Percoïdes ne se différencient les uns des autres que par de très faibles caractéristiques structurelles. Les Mullidés - comme on peut aussi appeler les surmulets en rapport avec leur description scientifique - par contre possèdent outre les barbillons d'autres caractères spécialisés, qui sont en relation avec les barbillons soit de manière fonctionnelle ou structurelle. Les surmulets ne sont pas ainsi en parenté avec les barbus, comme le suggère le nom allemand (Meerbarben = barbus de mer).
Les barbillons des Mullidés se sont donc développés indépendamment de ceux des Cobitiidés et des Cyprinidés. Leur développement semble particulièrement nécessaire pour le succès évolutif de cette famille de poissons, car on trouve leurs représentants - souvent en quantités importantes - dans toutes les mers tropicales.
A l'intérieur de la famille on distingue six genres avec environ 40 espèces, dont la différenciation est essentiellement basée sur leur dentition. Outre leurs barbillons singuliers on peut citer comme autres signes distinctifs la nageoire dorsale nettement divisée en une partie épineuse molle et dure, une nageoire caudale fourchue et des écailles relativement grandes. Chez la plupart des espèces le profil ventral est quasi rectiligne, tandis que le dos semble arrondi en forme d'arc. Certaines espèces sont prisées comme poissons alimentaires et présentent dans certains endroits un important intérêt économique.

Stable et mobile
Tous les surmulets possèdent au menton deux barbillons mobiles indépendants l'un de l'autre, juste derrière l'ouverture de la bouche. Les barbillons ne sont pas fourchus. Chaque barbillon peut être mû dans diverses positions par deux complexes musculaires et osseux distincts. D'une part les barbillons peuvent se mouvoir relativement par rapport à l'arc hyoïde (un os comparativement petit situé en dessous de l'œil, derrière l'opercule branchial; les barbillons y sont fixés) et d'autre part, ils peuvent être abaissés et inclinés.
Les barbillons eux-mêmes se composent d'un tissu charnu et sensoriel, qui entoure un fin et flexible myon tissulaire branchial. Cet os fin rend les barbillons des surmulets particulièrement robustes et en comparaison avec ceux des silures exceptionnellement stables. Cet os rend les barbillons des surmulets si uniques car ce sont les seuls poissons dont les barbillons sont soutenus par un rayon osseux modifié. Chez les larves des surmulets le rayon tissulaire branchial se situe encore en position normale dans une rangée à côté des autres le long de l'opercule branchial. Seulement avec la croissance le premier rayon se déplace le long de l'os hyoïde en direction de la bouche et prend sa position nettement séparée des autres rayons tissulaires branchiaux. Au cours de l'évolution de nombreuses autres modifications des os, du cartilage et des muscles liés à la construction des barbillons lors du développement des barbillons. Nous n'en parlerons pas car ils ne sont pas visibles extérieurement.

Formes variables du museau
A ce propos, la longueur fortement variable de la partie buccale des surmulets est toutefois remarquable. Tandis que les représentants du genre Mullus possèdent un museau court, camus, chez les espèces Parupeneus et Pseudopeneus il est fortement agrandi. Ces modifications sont certes en relation avec les modes de vie les plus variés des divers membres des genres, car certains vivent de préférence en bancs plus importants en pleine eau, tandis que d'autres se trouvent plutôt en petits groupes le long des récifs. La position de la bouche le plus souvent avec des lèvres charnues est toutefois commune à tous.
Par le développement des barbillons les surmulets parfois appelés poissons-chèvres (en anglais goatfishes) ont conquis une niche alimentaire particulière. Cette niche n'est pas constituée par une espèce de nourriture particulière, mais plutôt par l'art et la manière de la recherche de nourriture. Grâce à des recherches stomacales nous savons que les Mullidés possèdent un large spectre alimentaire (Thomas .1969). Il va des crevettes aux petits poissons. Dans la nature on peut souvent observer comment les grands surmulets attrapent par des mouvements éclairs de petits poissons. Avec leurs longs barbillons ils sont également capables - contrairement à la plupart des habitants récifaux et côtiers - de fouiller les nombreuses petites anfractuosités et fentes du substrat à la recherche de proies. Ils possèdent l'avantage suivant de ne pas être dans l'obligation de modifier leur position de natation normale horizontale durant la recherche de nourriture et ainsi de pouvoir fuir rapidement face à des prédateurs. Bien que les surmulets soient d'infatigables et habiles nageurs, ceci constitue lors de la recherche de nourriture sur un sol sablonneux peu structuré certainement un avantage important pour ces poissons voyants souvent magnifiquement colorés.

Organe tactile d'un grand rendement
Tandis que par exemple les représentants du genre Parupeneus introduisent leur organe tactile dans chaque petit trou, chaque étroite fente de pierre ou de coraux, afin de repérer et de capturer de petites proies les membres du genre Upeneus labourent surtout le sol sablonneux avec leurs barbillons et attirent ainsi des partenaires de "bouffe", qui dans le cortège cherchent à capturer les animaux effrayés entre les tourbillons de sable. Il est déjà impressionnant de pouvoir observer les P. cyclostomus dans l'aquarium marin lorsqu'ils sont sans relâche à la recherche de quelque chose de consommable et ainsi tâtent le substrat à l'aide de leurs longs barbillons filamenteux.
Dans l' aquariophilie actuelle ces surmulets voyants et intéressants ne jouent toutefois pas un rôle important. Ceci est dû d'une part à l'important espace dont ces nageurs ont besoin et d'autre part que pour des raisons inconnues jusqu'à présent, leur espérance de vie en captivité est réduite. Ils acceptent certes la nourriture de substitution (de préférence de la chair de moules et de poisson, des crevettes, du mysis) cependant malgré les efforts de maintenance les surmulets ne survivent pas plus longtemps qu'une année. C'est pourquoi nous devrions plutôt y renoncer et les laisser dans leur environnement naturel.

L'auteur
Ingo Schindler, 31 ans, aquariophile et ami de la nature de puis de nombreuses années s'intéresse particulièrement aux biotopes naturels, aux adaptations morphologiques et éthologiques des poissons afin d'en tirer des renseignements permettant une conservation optimale en aquarium.

Littérature
Gosline, W.A. (1984) : Structuren function and ecology in goatfishes (family Mullidae). Pacific Science: 312-323.
Klausewitz, W. (1975): Handbuch der Meeres Aquaristik 1. Wuppertal-Elberfeld.
Thomas, P .A. (1969): Goatfishes (family Mullidae) of the I.ndian Seas. Marine Biological Association of India : 1-174.
© Extrait de la Gazette Marine N° 76 - juillet 2003
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