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La grande détresse des poissons

par Ellen Thaler - DATZ 6/2001

Récemment un aquariophile s'est plaint : "Tous mes poissons récifaux sont morts !"
De telles plaintes sont de plus en plus nombreuses. Quelles en sont les causes?

Les temps sont durs: crise de la vache folle et tremblante du mouton, porcs gavés d'antibiotiques dans les magasins de délicatesses et les supermarchés, crevettes d'élevage ayant ingéré des médicaments puissants en dose pratiquement mortelle - pourquoi devrait-il en aller autrement chez les poissons ? En tout cas, les habitants de nos aquariums ont un avantage rassurant : normalement nous ne les mangeons pas, car sur toutes les instructions des divers remèdes contre les maladies de poissons il est mis en évidence que les animaux traités ne conviennent pas pour la consommation humaine ! Non, au contraire, nous voulons donc qu'ils vivent. Malchance pour nous : ils ne le font pas !
Quel que soit le journal d'aquariophilie marine que nous prenions en main et que nous feuilletions avec soin, on tombe toujours sur des avis, descriptions, questions et plaintes semblables : mes poissons sont malades, ils ne se rétablissent pas, maigrissent rapidement malgré une excellente alimentation (oui, effectivement : jeûner est "out", nourrir est "in") ou ils arborent des taches dues aux carences ou se traînent jusqu'à ce que tôt ou tard ils rendent l'âme. D'autres sont l'objet du "sudden death", ils gisent morts apparemment sans alerte préventive.
Et en général: ils ne vivent pas assez longtemps ! Si par le passé il était possible de maintenir durant de nombreuses années un poisson après avoir été acclimaté, on est actuellement content si un Gramma loreto ou un Pseudochromis fridmani tiennent le coup au maximum durant deux années : pour ma part je n'arrive plus à trouver de : partenaire tenant le coup plus d'une année pour mon Pseudochromis aldabraensis âgé de neuf ans. La plupart du temps je n'arrive même pas à amener l'un à l'autre car le nouveau, d'abord acclimaté seul, meurt au plus tard au bout de cinq mois.

Pêche au cyanure
Entre temps chaque aquariophile récifal est au courant de la problématique concernant l'utilisation de cyanure lors de la capture de poissons et la plupart d'entre nous sommes prêts à payer plus pour un poisson capturé sans poison. Et ensuite, malgré tout, cet animal onéreux meurt chez l'un plus tôt, chez l'autre plus tard en fonction de la constitution globale du poisson ou les paramètres de l'eau de l'aquarium correspondant.
En réalité il existe de nombreux groupes de poissons, qu'on pouvait acclimater et maintenir sans difficulté il y a dix ans et qui de nos jours ne se trouvent plus dans le commerce ou alors comme candidat à la mort. Au départ des commerçants responsables ne les commandent pas. Je ne parle pas des divers poissons-chirurgiens qui en raison de leur régime alimentaire font partie des poissons à problèmes mais de robustes poissons récifaux normalement sans problèmes comme par exemple certains représentants du geme Halichoeres ! Les Macropharyngodon ou même les Anampses ne nous parviennent plus ou dans un état désolant : apathiques, aveugles et chancelants, sans savoir où aller.
Il en de même en ce qui concerne les poissons-limes et la plupart des espèces de barbiers. De nos jours il n'est presque plus possible d'obtenir les Pseudanthias pleurotaenia, P. tuca ou P. evansi, sans parler des espèces plus petites, plus sensibles comme P. randalli, P. parvirostris ou P. ventralis.
C'est justement chez les derniers groupes d'espèces cités que les importations récentes arrivent avec des couleurs brillantes et éclatantes. De minuscules juvéniles brillent dans de magnifiques habits de pariade. Ceci est particulièrement valable pour les différentes espèces de Cirrhilabrus. Ma foi, oui : ils ne brillent pas longtemps. La plupart se rapprochent de leur délivrance au bout de 10 à 14 jours, toutefois dans toute leur beauté jusqu'à la fin !
Il est possible d'observer la même chose chez le poisson-nettoyeur Labroides dimidiatus. Il y a bien longtemps que l'époque bénie est révolue, où il était possible de maintenir actifs, en bonne santé et en pleine forme durant plusieurs années ces poissons attrayants, pas trop exigeants et très importants pour l'hygiène du bac. Chez moi, nage un couple âgé de onze ans, qui pond chaque jour à la même heure.
Ces derniers temps apparaissent dans le commerce des exemplaires de Labroides dimidiatus étonnamment hauts en couleur : ces poissons possèdent des têtes couleur soufre, sont donc presque aussi beaux que les L. pectoralis et L. phtirophagus qu'il est impossible de maintenir. Eux aussi restent certes très colorés cependant ils montrent quelques jours après l'acquisition les renfoncements alarmants derrière la tête et les branchies et, peu après, ils ont disparu - pas de la manière dont les nettoyeurs aiment à le faire, par un audacieux saut hors de l'aquarium -, mais la mort subite du poisson les surprend, le plus souvent durant la nuit.
Mais lorsqu'on est capable de maintenir des poissons nettoyeurs en bonne santé en couple durant plusieurs années, on sait que la spectaculaire couleur jaune de la tête n'apparaît que chez les couples en frai et le plus souvent chez la femelle. Pendant que les poissons commencent à coordonner leurs mouvements par une nage synchrone remarquable, la coloration jaune s'intensifie. Dès que la ponte est terminée, les animaux pâlissent de nouveau pour retrouver la couleur bleue normale. Très rarement des poissons âgés, maintenus en solitaires arborent ces têtes jaunes ; ils sont alors, bien que célibataires, motivés pour la pariade !
Ces exemples peuvent être étendus à l'infini : Chelmon rostratus, Forcipiger flavissimus, Acanthurus leucosternon, A. guttatus, A. japonicus, A. triostegus et d'innombrables autres espèces sont accablées par le même sort. De certaines zones de pêche on obtient partiellement des poissons "insensibles" en tant que candidats à la mort, cependant un tel phénomène peut être de courte durée et le cas échéant être dû aux conditions climatiques du moment ou s'expliquer suite à la pêche et à l'expédition préjudiciable durant le Ramadan.
Il est une réalité alarmante qui veut que de plus en plus de poissons ayant un aspect sain ont une durée de vie extrêmement courte chez l'aquariophile, bien qu'ils soient corporellement bien nourris et d'excellentes couleurs pour ne pas dire exagérément multicolores.

Teneur en sel réduite

Maintenant il faut être au courant du phénomène suivant : de nombreux{, si ce ne sont tous les poissons coralliens sont maintenus dans les zones de pêche ou chez l'intermédiaire avec des concentrations salines non naturelles. La faible densité ralentit la multiplication de nombreux ectoparasites. Certains poissons la tolèrent, d'autres pas du tout (comme les poissons-coffre, qui réagissent de manière particulièrement sensible aux variations de densité à cause de leur carapace corporelle rigide). Certaines importations récentes à l'aspect boursouflé (poissons-anges nains) en souffrent également ; leurs organes sont souvent si endommagés que même une acclimatation prudente durant plusieurs heures dans des conditions normales n'est plus d'aucune utilité.

Antibiotiques et sédatifs

D'importantes concentrations de poissons augmentent la réceptivité aux maladies ; une stabulation étroite est liée à un stress extrême. C'est pourquoi les antibiotiques et les sédatifs les plus variés sont généralement utilisés à titre préventif. Il est bien inutile, justement de nos jours, de discuter des risques concernant l'administration de tels médicaments dangereux; le chloramphénicol fait justement partie chez certains intermédiaires de l'équipement standard. Outre de nombreux parasites et germes bactériens, il tue à coup sûr aussi la flore intestinale des poissons. S'il est réellement exempt de parasites, il va mourir de faim, car il n'est plus capable de digérer quoi que ce soit ! Les sédatifs, aussi, ne sont en aucun cas inoffensif; ils endommagent le foie et leurs effets sur l'organisme des poissons sont inconnus. Cependant la prudence est recommandée, lorsque des poissons importés, nagent à travers les bacs complètement pacifiques et désintéressés de leur environnement, ne montrant ni crainte ni peur des autres poissons mêmes plus grands et agressifs et qui nous font jubiler car ils s'intègrent si agréablement dans la communauté. Pas de ça ! Le lendemain ou au plus tard le surlendemain ils s'abritent au moindre trouble et sont complètement angoissés même si personne ne les importune !
Mais le processus d'acclimatation certes naturel mais toujours chargé de stress se décale simplement vers une période plus tardive et dure aussi plus longtemps ce qui n'est absolument pas un avantage sans tenir compte des dégâts sanitaires inconnus.

Hormones stéroïdes
Et, last but not least, un quelconque ingénieux exportateur a constaté que l'addition de certaines hormones renforçait l'intensité de coloration des poissons. Dans la pratique de l'élevage diverses hormones stéroïdes (hormones sexuelles mâle) sont utilisées depuis longtemps dans un but de synchronisation et de stimulation du cycle de reproduction. Il se conçoit aisément d'ajouter de telles substances à cette mixture d'ores et déjà affreuse faite d'antibiotiques, de bactériostatiques, de fongicides, de sédatifs, ainsi de suite ! Ce qui nous est maintenant imposé, malheureusement de plus en plus souvent, sont des candidats à la mort boursouflés, incapables de digérer, sans couleurs. Lorsque enfin ils gisent morts sur le fond du bac, aucun bernard l'ermite, aucune ophiure même aucun vers polychète ne touche cette bombe empoisonnée - ceci devrait également nous donner à réfléchir.
Des analyses chimiques, qui pourraient éclairer la charge de poison de ces cadavres de poissons sont tellement onéreuses qu'elles dépassent largement la valeur d'un tel poisson. Pourtant de telles analyses pourraient justement être très profitables à l' éclaircissement et finalement l'empêchement de cas mortels non élucidés. D'importantes entreprises d'importation pourraient, comme ceci est déjà le cas aux USA, s'unir et ainsi diminuer les coûts. Ces résultats profiteraient à égalité au commerce comme aux aquariophiles (Paletta 2000). Sinon il ne nous reste que la possibilité d'observer le plus précisément possible tous les symptômes. S'ils se reproduisent chez différents aquariophiles, la méfiance est alors justifiée.


Illustration : Henri Hornecker
- COULEURS VIVES, BOURRES DE MEDICAMENTS, DROGUES,
J'AI L'IMPRESSION D'AVOIR UN AQUARIUM PLEIN DE CYCLISTES !


Invalides du comportement
Ce qui me touche particulièrement : si on désire en priorité observer le comportement de ses pensionnaires, il est extrêmement frustrant d'obtenir de certains poissons, qui devraient offrir une pariade passionnante ou un comportement social raffiné, des animaux présentant une nage stéréotypée ou un vagabondage apathique, qui néanmoins se nourrissent avec avidité mais qui en dehors de cela n'ont plus de "comportement". En outre, il s'agit le plus souvent de mâles absolument décolorés, incapables d'une modification sexuelle et ils meurent, avant d'avoir dégradé leur charge médicamenteuse et retrouvé leur constitution nonnale. Si ceci ne constitue pas une désolation?

A qui la faute?
Il n'y a hélas pas d'autre solution. Il me faut encore ajouter un post-scriptum hérétique, plutôt une pensée impulsive. Finalement, n'est ce pas à cause de nous aquariophiles récifaux qui sont à l'origine d'un nouveau mode de durée de vie raccourcie pour les poissons? Non pas, comme jadis, à cause des embarras techniques liés à l'eau - ceci est maîtrisé depuis longtemps grâce à la technique moderne -, mais peut être quand même à cause de ces coraux certes multicolores mais statiquement immobiles : n'est ce pas ennuyeux - pour ne pas dire insipides -, de ne voir durant des années que le même poisson jaune ou rouge devant notre mur récifal toujours d'une beauté identique? La diversité est stimulante, le noir est moderne mais des patrons avec des points ou des rayures sont justement "in". Nos préférences, nos souhaits et nos exigences deviennent incohérents, un changement régulier est annoncé. Des aquariums publics de dimensions toujours plus colossales décorent les jardins zoologiques et les architectures utilitaires. Les banques et les assurances friment avec des super-récifs, sensés augmenter la sensibilité pour plus d'alliance avec la Nature. Le raisonnable, le raffiné est absent. Ces immenses châteaux d'eau régulent maintenant le marché, aussi le marché des poissons, car utilisation et usure encouragent comme on sait l'économie.
Cependant l'effectuent-ils vraiment? Bon, comme je l'ai déjà dit au début : les temps sont vraiment durs...

Bibliographie
Holthuis, P. (1999) : Verifying the quality of your fish. Aquarium Systems 16. Ohio. USA.
Hyatt, K.D. (1979) : Feeding strategy. ln: Fish Physiology 3. New York.
Kahl, A. (2001) : AIle Fishe tot. Koralle 7: 77-80.
Luty, A. (1999) : Dok~orfische. Ettlingen.
Paletta, M. (2000) : Is the reef hobby in trouble ? Aquarium Systems 17. Ohio, USA.
Thaler, E. (1999) : Noch einmal Gitterdoktorfisch, Acanthurus triostegus. Der Meerwasser-Aquarianer 4:33.