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Stuart M. Grant, Malawi
1937 - 2007

" Si tu as perdu mon adresse, écris simplement à Stuart M. Grant, Malawi - cela arrivera "

 

Ce conseil, que plus d'un partenaire commercial et visiteur a entendu, peut sembler présomptueux ou ironique. Pourtant ceci n'est nullement inventé, mais possède un véritable fondement.
Le " grand homme derrière les poissons " n'était pas seulement une solide pointure de la scène mondiale des fans de Cichlidés du lac Malawi, mais au Malawi aussi quelque chose comme une autorité.
Grant, qui a marqué de son empreinte l'aquariophilie du lac Malawi au cours des 35 dernières années avec sa station de récolte et d'exportation à Kambiri Point, Salima est décédé le 11 octobre 2007 à l'âge de 70 ans dans sa propriété au bord du lac.
Grant est arrivé au Malawi en 1958 à l'âge de 21 ans, (à cette époque la colonie britannique du Nyasaland). Il venait de terminer son service militaire dans la Royal Air Force à Chypre, lorsqu'on lui a offert un poste de fonctionnaire colonial. Il s'y est tellement plu, qu'il est resté au service du gouvernement du Malawi au delà de la période coloniale britannique - qui s'est terminée avec l'indépendance du pays en 1964. Il a travaillé au total 14 années en divers endroits comme comptable, directeur de bureau et chef du personnel.
A l'époque déjà Grant s'intéressait aux poissons d'aquarium et maintenait des Cichlidés du Malawi !

La récolte de poissons a pourtant commencé avec des espèces du genre Nothobranchius, qu'il collectionnait dans l'arrière pays pour la Société Américaine des Killies. Puis un représentant des autorités de pêche lui ont proposé une licence pour l'exportation des Cichlidés du lac Malawi. A cette époque, un citoyen du Malawi devait reprendre son poste gouvernemental. Ainsi, l'occasion lui a été donnée de rester dans le pays. Tout a commencé en 1973 dans une petite caravane, qui avait été posée sur une langue de terre de la côte est du lac près de Kambiri Point, près de Salima.

Au milieu des années 80 l'entreprise de Grant donne du travail à 25 personnes indigènes. Un problème était et est constitué par les distances énormes et la présence partielle très limitée de nombreuses espèces et des variantes de couleur, ce qui a comme conséquence une récolte et un transport très pénibles ainsi qu'un coût très élevé.
Stuart Grant représentait l'hôte parfait. L'écrivain Hans J. Mayland, décédé il y a quelques années, a été l'un des premiers allemands à rendre visite à Grant au bord du lac Malawi. Une cordiale amitié a lié les deux durant de nombreuses années.
Au printemps 84 j'ai téléphoné à Mayland, afin d'obtenir l'adresse de Grant. Je voulais absolument me rendre au lac Malawi. Mayland a tendu l'écouteur à Grant - il se trouvait en visite chez lui.
En août de la même année je me suis envolé pour six semaines vers le Malawi. Dans un monde complètement étranger pour moi j'ai passé un moment fascinant et j'ai appris à connaître un homme extraordinaire au cours de ce voyage ainsi que des autres. Stuart aimait conter des anecdotes de façon informelle. On pouvait l'écouter des heures durant. Il prenait avec avidité toute information, afin de se faire une image de la situation dans les pays qui importaient ses poissons.
Outre son charme et sa façon d'être originale c'était sa connaissance des langues étrangères et ses discussions dans un anglais sans accent qui rendaient possible une entente très personnelle et courtoise. Grant mettait un point d'honneur à ce que son anglais soit " absolutely neutral ", à parler " BBC english " et à ce que des personnes à la connaissance réduite de la langue anglaise puissent le comprendre facilement. S'il sentait qu'un auditeur ne suivait pas correctement, il décrivait avec une comparaison (le plus souvent humoristique) ce qu'il voulait exprimer.
Il parlait couramment le Chichewa, la plus importante langue du pays mais également pas trop mal le Chitumbuka un dialecte largement répandu au nord du Malawi. En outre, il arrivait à bien se faire comprendre en français.
En allemand par contre il avait du mal à comprendre une phrase quelque peu longue. Mais il connaissait beaucoup de mots allemands, avec lesquels il surprenait ses visiteurs. Je me souviens bien d'un repas, il m'a donné l'ordre de goûter une sauce avec son humour typiquement britannique : " Try this, it tastes like paintstripper ". Comme je ne comprenais pas, il m'a immédiatement donné la traduction : " Cela a le goût du décapant ".
Ainsi les soirées avec Grant constituaient toujours un événement. Une certaine drôlerie, comme on la rencontre le plus souvent chez des émigrants loin de leur pays d'origine, l'a encore rendu plus aimable.
Dans les années 90 le travail et la persévérance conséquents de Grant ont porté leurs fruits. Il a agrandi sa propriété, a construit des maisons hôtes plus confortables et une nouvelle grande pisciculture. Il a installé de volumineux bacs en béton, dans lesquels il comptait élever des poissons - l'une de ses affaires de cœur. L'entreprise audacieuse était toutefois difficile et n'a réussi que pour quelques espèces.
Les voyages en groupes pour aquariophiles ont été une histoire à succès, la Red Zebra Tour, avec laquelle on pouvait visiter comme il faut les plus belles côtes en bateau et en tente. Plus de 100 collaborateurs étaient en fin de compte sous contrat.
A ce moment aussi, Grant a également trouvé son bonheur privé et a épousé Esther, avec laquelle il a eu deux enfants.
Stuart Grant a collaboré de façon active jusqu'à la fin et dirigé les destinées de son entreprise. La mort l'a brusquement surpris ainsi que son entourage, de façon totalement inattendue.
Tous ceux qui l'ont connu de façon plus proche, garderont à l'esprit un homme avec des principes et un sentiment de responsabilité élevé, plein d'humour, spirituel et chaleureux. Il avait déjà de son vivant sa place dans l'histoire du Malawi et dans la communauté mondiale des fans de Cichlidés.
Ce n'est que le futur qui permettra d'estimer ce que les aquariophiles lui doivent. Que va t'il se passer après Grant ? Que va t'il arriver maintenant à Kambiri ? Est-ce que cela va continuer, et comment cela va t'il se poursuivre ? De telles questions doivent intéresser tous les amis des Cichlidés du lac Malawi.
Ce sont des bottes relativement grandes, qui désormais sont vides. Un successeur aura du mal, à les remplir.

Andreas Spreinat

Avec l'aimable autorisation d'Andreas Spreinat pour le texte, Gerhard Gabler pour les photos.
Source : DATZ 01/2008 - Autorisation Rainer Stawikowski
Adaptation : Jean-Jacques Eckert 30/12/2007