Acclimatation d' Amphiprion ocellaris
par A. BREITENSTEIN
Aquariophiles d'eau douce, nous décidons un jour de tenter la
grande aventure : l'eau de mer ! Nous entreprenons la construction d'un
bac en glaces collées, de 180 1. équipé de la manière
suivante :
I. INSTALLATION DU BAC
a) Filtration - 1 pompe Turbelle de 1 000 1/h pour filtration sur mousse
de polyeter.
b) Stérilisation partielle - obtenue au moyen d'un tube UW de 8
Watts, alimenté par 1 pompe Eheim de 200 l/h.
c) Eclairage - 1 rampe comprenant 3 Grolux et 20 Watts commandée
par 1 programmateur.
d) Température - maintenue à l'aide d'un thermostat et d'une
résistance de 100 Watts.
Il est à noter que dans le compartiment filtre, les accessoires
suivants sont placés :
- 1 écumeur HW alimenté par 1 Réna Super.
- 2 diffuseurs alimentés par 1 autre Réna Super.
II. PREPARATION DU BAC
Quelques blocs de coraux (madrépores, tubipora), une gorgone de
belle taille et quelques rochers à alvéoles, ramenés
de la côte Atlantique, du sable de corail, forment les éléments
du décor.
a) Désinfection des roches : après un bain d'eau de javel
suivi de plusieurs rinçages à l'eau courante, tout est prêt.
b) Réalisation du décor : les blocs de coraux sont placés
à l'arrière, le tubipora sur les côtés. Les
caillous à alvéoles, quant à eux, sont disposés
dans le centre du bac, prêts à recevoir les anémones.
La gorgone forme une séparation naturelle. Un bloc de corail, en
forme de cierge, installé en dernier lieu, donne du relief à
l'ensemble. Une mince couche de sable de corail termine le décor.
III. MISE EN EAU
Le 16 juin 1974, remplissage du bac à l'eau douce, pour tester
et mettre au point le matériel et régler la température.
Une semaine après, vidange, suivie d'un nouveau remplissage avec
cette fois, adjonction de sels HW pour l'obtention de la densité
désirée (1022-1023). Jusqu'à dissolution complète
des sels (3 à 4 heures) l'eau est restée trouble.
Avec un éclairage fonctionnant 12 heures par jour, les premières
algues rousses apparaissent au bout de 8 jours. Tapissant d'abord le sommet
des coraux, elles envahissent le bac après une quinzaine de jours.
Au fur et à mesure de leur développement, leur teinte se
modifie jusqu'à la teinte verte.
Après 30 jours de patience, acquisition et introduction de nos
premiers pensionnaires.
Amphiprions
dans leur anémone symbiotique. Une belle anémone genre radianthus. Photos : A. Breitenstein |
IV. ILS SONT LA !
En août 1974, nous faisons l'acquisition de quatre Amphiprion
ocellaris et d'une belle anémone, genre radianthus,
0 25 cm. Les quatre poissons sont de taille décroissante, les deux
plus gros formant le couple actuel. Quand le marchand décolle l'anémone
choisie, deux ocellaris restent nichés dans les tentacules, même
hors de l'eau. D'office, nous les adoptons !
Nos poissons ne font preuve alors d'aucune animosité. Nous constatons
quand même que les deux plus petits subissent " la Loi "
des plus gros.
A l'extinction de l'éclairage, les quatre se retrouvent ensemble.
Les deux gros se réfugient au centre de l'anémone, les petits
restent prudemment sous les tentacules de l'anémone.
Dans la journée, ils partent à la découverte du bac
mais ne s'éloignent jamais trop de leur refuge. Quelquefois, sans
raison apparente, ils se précipitent dans l'anémone et restent
alors immobiles pendant quelques secondes puis repartent comme si tout
danger était écarté.
V. ALIMENTATION DES POISSONS
Nous leur proposons deux distributions de nourriture par jour. Leur premier
repas, composé de paillettes sèches, est refusé.
Par contre, des tubifex sont goulûment avalés. C'est un bon
début !
Entre les deux principaux repas, ils broutent activement les algues vertes
tapissant les parois du bac et les coraux.
Après quelques semaines d'acclimatation, certaines habitudes sont
prises et nos protégés connaissent parfaitement les heures
des repas !
A ce jour, nous connaissons mieux leurs goûts. La nourriture sèche,
les crevettes lyophilisées sont dédaignées. Ils préfèrent
nettement Ia moule crue ou ébouillantée, les tubifex, la
coquille St-Jacques et les algues, un de nos pensionnaires ayant pour
péché mignon les oeufs de lumps (succédané
de caviar).
Nous ne remarquons pas d'apport de nourriture dans le sens poissons-anémones.
Par contre, lors de la distribution de nourriture aux invertébrés,
bien que repus, nos poissons chapardent de petits morceaux de moules,
jusque dans les tentacules.
VI. ALIMENTATION DE L'ANEMONE
Nous déposons l'anémone dans une cavité rocheuse,
mais, rapidement, elle se déplace dans les courants créés
par la pompe. Le pied placé dans une anfractuosité et solidement
ancré, elle s'épanouit alors complètement et offre
à nos poissons un refuge " longues mèches " douillet
et sûr.
Une fois par semaine, à l'aide d'une longue pince, nous déposons
parmi les tentacules la chair d'une moule crue ou un morceau de poisson
à chair blanche. Ces derniers la transportent vers l'orifice buccal
(cavité gastro-vasculaire). Après avoir " aspiré
" la nourriture, l'anémone se dilate, se gonfle, les tentacules
et le corps tout entier paraissant doubler de volume. Après quel
Le poisson est niché dans les tentacules de l'anémone. Photo
: A. Breitenstein
ques heures de digestion, la moule est rejetée par le même
orifice sous la forme d'une boulette gluante enrobée d'un film
de mucus.
La boulette expulsée, les poissons " nettoient " l'anémone
et l'aident à se débarrasser de ses rejets. Cette boulette
doit être rapidement sortie de l'eau en raison des risques de polution.
Entre-temps, nous avons fait l'acquisition de deux anémones du
même genre, pour la plus grande satisfaction de nos poissons.
Malheureusement, là ont commencé nos ennuis.
VII. MALADIES
1) Mortalité des Anémones
" Le mieux est l'ennemi du bien ". Pour améliorer le
bien-être de nos chers poissons, nous avons employé un régénérateur
d'algues. Excellent pour les algues et les poissons, il n'en est pas de
même pour les Anémones (publicité gratuite, il s'agit
d'EXTOZON).
La première dose (1/2 sachet) paraît normalement tolérée
par les Invertébrés. Les anémones présentent
néanmoins, durant quelques heures, les mêmes symptômes
faisant suite à un changement trop brutal de densité (étirement
du corps et aplatissement des tentacules).
Cette dose est certainement trop forte car 24 heures plus tard, les anémones
se gonflent, se vident, essayent en vain d'assimiler les sels dissous.
Malgré un changement d'eau immédiat (avec de l'eau préparée
48 heures à l'avance), elles périssent.
Cela s'est produit très rapidement. L'orifice buccal très
distendu laissait échapper des " nuages " de liquide
laiteux. Nous les avons retiré immédiatement de l'aquarium.
Elles dégageaient une odeur nauséabonde.
Après cette pollution subite et inattendue, l'UV et l'écumeur
ont prouvé leur efficacité !
Pour suppléer la perte d'anémone, nous plaçons momentanément
dans le bac, un petit pot à eau (Ø 15 cm). Quelle a été
notre surprise, à l'extinction des tubes, de voir nos pensionnaires,
nullement impressionnés, s'approcher du récipient de terre
cuite. Les deux plus gros s'y sont réfugiés, les plus petits
restant à l'extérieur.
Quinze jours après, nous avons acquis cinq nouvelles anémones.
Ils ont abandonné le pot à eau, visiblement sans regret,
pour se réfugier dans leurs abris vivants.
2) Maladies des Poissons
Après la disparition de l'anémone, les poissons, très
perturbés, sont atteints de points blancs.
a) Points blancs.
Nos quatre pensionnaires présentent alors des petites taches blanches,
proéminentes et nettes, dues aux parasites suivants :
- l'OODINIUM (petits points blancs) ;
- FICHTHYOPHTHIRIUS (points blancs, légèrement plus gros).
b) Constipation.
Dans ce cas, les poissons présentent alors un ventre ballonné,
même à jeun. Refus de nourriture pendant 2 à 3 jours.
c) Frottement de la tête sur les roches.
Observations : les poissons atteints se frottent plusieur fois de suite
la tête sur un angle de rocher ou de corail, d'une manière
saccadée. Cette démangeaison est probablement due à
un parasite situé au niveau des branchies.
3) Remèdes
Contre les points blancs, nous savons que le sulfate de cuivre peut être
un traitement efficace.
Ce remède, mortel pour les anémones, nous contraint à
isoler les poissons plusieurs jours. Pour plus de sécurité,
nous confions à un pharmacien la préparation de la solution
suivante :
16 g de sulfate de cuivre, dissous dans 1 000 g d'eau distillée.
Cette solution doit être employée à raison de 10 cm3
pour 100 1 d'eau de mer.
Il est préférable de poursuivre le traitement durant deux
jours en réduisant les doses, soit 5 cm3 le premier jour et 5 cm3
le second, toujours pour 100 l. Respectez la posologie, le cuivre pouvant
être mortel à fortes doses I
Les poissons, très perturbés par cet isolement, ont subi
une seule fois ce traitement sévère. Par la suite, nous
avons constaté que d'autres éruptions disparaissaient sans
notre intervention. Pour ces poissons, le contact avec les anémones
est certainement l'un des meilleurs remèdes.
D'autre part, l'entretien régulier et assidu du bac atténue
énormément les risque de maladie.
VIII. ENTRETIEN DE L'AQUARIUM
a) Journalier.
- Contrôle de la température.
- Vider et rincer, s'il y a lieu, l'écumeur.
b) Tous les 2 ou 3 jours.
- Contrôle de la densité et apport d'eau douce si nécessaire.
Les anémones étant très sensibles aux écarts
de densité, même faibles, il est préférable
d'éviter toutes variations.
c) Hebdomadaire.
- Aspiration des boulettes et déchets rejetés par les anémones.
- Nettoyage de la glace frontale.
- Des couvercles pour un meilleur éclairement.
d) Mensuel.
- Nettoyage de la mousse (passage en machine à laver à 90°).
Aspiration des déchets dans le compartiment filtre.
- Râclage des algues noires pour éviter l'étouffement
et permettre ainsi le 'développement d'algues vertes.
Si nécessaire, changement d'eau (1/3 environ) que l'on remplace
par de l'eau neuve, préparée et aérée pendant
48 heures.
Les anciens diffuseurs bois sont remplacés si besoin.
e) Annuel.
1) Nettoyage et graissage des pompes à eau
Le ventilateur des pompes aspire de l'air humide. Une croûte de
sel se dépose à la longue sur les parois internes et externes
du corps de la pompe. Il est utile, annuellement, 'd'extraire le moteur
et de nettoyer à l'eau douce les parties encrassées.
Après avoir légèrement huilé les parties mécaniques,
le matériel est à nouveau prêt.
2) Les pompes à air
Pour éviter de refouler dans le bac l'air plus ou moins vicié
de l'appartement, nous plaçons nos pompes sur le rebord extérieur
de la fenêtre.
Néanmoins, par souci de salubrité, nous intercalons entre
l'entrée de l'air et la pompe, un petit filtre en perlon (ou charbon
actif) qui prouve son efficacité par la coloration brunâtre
dont il est l'objet.
Les membranes sont changées tous les ans.
CONCLUSION
Depuis deux ans, toutes nos observations sont notées sur un carnet
de bord.
Le fait de le relire de temps en temps nous fait sourire. Ils sont loin
les moments de grandes émotions, les premiers apports de nourriture,
les premiers soins...
Avec le temps, nous avons la modeste impression de mieux les soigner,
les nourrir, donc de les aider à survivre.
En aquariophilie, la perfection est difficilement atteinte, mais c'est
une grande satisfaction pour nous d'essayer de s'en rapprocher.