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Les algues et l'aquariophilie

par Michel TASSIGNY. (Revue Aquarama, 1987)

Résumer tout ce qui a été dit, en ces colonnes et ailleurs, au sujet des algues en aquarium étant impossible, je me bornerai aujourd'hui à rappeler certains des points essentiels qui toujours et encore, amènent les mêmes et éternelles questions.

Aquarium envahi par les algues bleues (Cyanophycées) Photo : J. Teton


La classification des algues
Les algues qui apparaissent spontanément en aquarium d'eau douce ou d'eau de mer, en général, des formes microscopiques appartenant aux clases des
- Cyanophycées ou algues bleues ou cya
nobactéries,
- Chlorophycées ou algues vertes,
- Diatomées, (un groupe parmi les algues brunes).
En nature on rencontrera encore les grandes algues brunes du goémon, des algues brunes flagellées, des algues rouges, des eugléniens, des péridiniens, et surtout, de très nombreux groupes d'algues vertes autres que ceux qui fréquentent nos bacs, puis des groupes discrets comme les cryptomonadines, etc... Moins d'un pour cent ou pour mille des espèces d'algues apparaissent spontanément en aquarium.
En aquarium, si les algues vertes sont toujours de couleur verte et les diatomées tou
jours jaune, brune ou marron, les algues, bleues sont rarement bleues, mais vert-bleu ou franchement vert, voir marron, chocolat ou rouge-sang. Les algues bleues sont généralement confondues avec les algues vertes.
Toute masse filamenteuse qui apparaît blanche, blanc sale, grisâtre ou noirâtre, est formée de bactéries ou de champignons, même si quelques algues mélées à cette masse lui donnent un reflet verdâtre. C'est toujours l'indice certain d'une pollution de l'aquarium.

1. Les algues bleues forment un film qui recouvre les plantes et les décors de l'aquarium.
2. Cyanophycées du genre Ana baena. Photos : 1 : J. Teton ; 2 : P. Mouchet


Les nuisances des algues
Les Diatomées et les algues vertes qui croissent sur les glaces de l'aquarium les opacifies. Il n'existe pas de remède chimique à ce problème qui ne soit pas en même temps dangereux pour l'équilibre de l'aquarium. La raclette, les escargots, les Plecostomus restent les moyens essentiels de lutte contre la croissance de ces algues.
Les algues vertes filamenteuses étouffent les plantes qu'elle envahissent.
Il faut retirer ces algues à la main jusqu'à ce que ce soit les plantes aquatiques qui prennent le dessus. L'équilibre se fait alors en faveur des plantes qui éliminent les dernières algues par voie bio-antagoniste. Si l'on ne parvient pas à ce résultat c'est que les plantes sont .mal adaptées au milieu de l'aquarium ou réciproquement. Au dernier stade de l'agonie de la plante, les algues vertes, (que l'on dit épiphytes lorsqu'elles croissent sur une plante), sont remplacées par des algues bleues. L'aquariophile qui confond la cause et la conséquence accuse alors à tord ces algues d'étouffer la plante.

Cyanophycées du genre Microcystis. Photos : P. Mouchet


Tous les anti-algues chimiques, quels qu'ils soient, qui agissent contre les algues vertes sont actifs, bien que normalement à un moindre degré, à l'égard des plantes. Eliminer les unes sans tuer les autres est une question de dose et de doigté. Des produits du commerce, voir plus simplement du cuivre en plaque ou en sulfate, peuvent permettre l'éradication des algues, mais ils représentent toujours un risque pour la végétation.
Une prolifération d'algues planctoniques vertes peut opacifier l'eau jusqu'à ce que les poissons ne soient plus visibles. C'est toujours le signe d'un déséquilibre. Cette nuisance frappe généralement les aquariums de mise en eau récente. Tout rentre normalement dans l'ordre si l'on a la patience d'attendre. Des produits du commerce ou le cuivre, utilisés avec beaucoup de discernement et de parcimonie peuvent mettre fin à cette prolifération.
Les avantages des algues
La croissance des algues en aquarium ne présente pas que des inconvénients. Cette croissance est accompagnée de la consommation des matières azotées issues des déjections des animaux. En eau douce cet intérêt est secondaire dans la mesure ou cette fonction est dévolue aux plantes supérieures formant la décoration du bac. En eau de mer seules les algues sont susceptibles d'assumer ce rôle. Contrairement aux bactéries agissant au sein du filtre, les algues ne se contentent pas de la transformation des formes azotées toxiques en formes relativement neutres, mais éliminent ces matières par assimilation. Il ne faut cependant pas rêver et compter uniquement sur les algues pour effectuer le travail de dépollution : le rapport masse d'algues épuratrices/masse de poissons pollueurs devient vite incompatible avec le rôle décoratif de l'aquarium.
Les algues vertes et dans une certaine mesure les algues bleues apportent un complément naturel de nourriture aux espèces "broutantes" en particulier aux poissons vivipares d'eau douce.
Dans l'aquarium, la présence discrète d'algues à la prolifération contrôlée par l'action des plantes supérieures, est un indice d'équilibre, c'est à dire de la santé de l' aquarium.

Cyanophysées du genre Lyngbya. Photos : P. Mouchet


En derniers propos
Si l'on exclue les germes pathogènes, tous les hôtes spontanés de l'aquarium y apportent autant d'avantages que de nuisances. La discrimination entre organismes utiles et nuisibles est artificielle. Chaque situation est ponctuelle et l'espèce d'algue qui peut être gênante dans un cas est bénéfique dans un autre.
Cependant les algues sont l'un des éléments fondamentaux du monde aquatique, elles sont présentes dans la neige comme sous la glace, dans les lacs sursalés comme dans l'eau distillée vieillie ou dans les sources thermales à plus de 70° C. Le milieu aquatique qui ne contient aucune algue est par essence malsain. Vouloir éliminer les algues de l'aquarium est un non-sens, c'est vouloir recréer un ensemble vivant en éliminant le premier et le plus fondamental de ses éléments. La présence des algues, quelque soit leur couleur, est un signe de bon fonctionnement d'un aquarium. Si leur prolifération, signe de déséquilibre, est gênante, elle a le mérite, comme un signal d'alarme, d'anticiper et de prévenir de menaces plus graves pesant sur la santé du bac.
On a beaucoup cherché à dire : "telles algues, (les algues vertes), sont signe de pureté de l'eau, telles autres, (les algues bleues en particulier), sont signe de pollution". Ces indications incertaines sont utilisables par un aquariophile qui observe depuis des années l'évolution de ses propres aquariums, mais dangereuses lorsqu'il veut transférer le sens de ses observations à d'autres cas. Les observations écologiques en nature, montrent que les algues vertes fréquentent beaucoup plus les eaux sales qu'on ne le pense et que les algues bleues, sont plus des plantes réussissant en situation exceptionnelle, qu'en milieu pollué.
En aquariophilie, ces affirmations sont d'autant plus nuisibles, que l'on confond allègrement les algues bleues et vertes et que l'on a encore du mal à imaginer une vérité première que tout naturaliste ne devrait jamais oublier : la nature est toujours beaucoup plus complexe que ce que l'on imagine.

1. Algues filamenteuses sur un support de bois fossile.
2. Algues filamenteuses sur un support rocheux.
3. Algues filamenteuses (détails).
4. Algues filamenteuses étouffant un Aponogeton madagascariensis.
Photos : J. Teton