Site d'échanges et de partage d'informations sur l'aquariophilie et le milieu aquatique

Anthozoaires des mers tropicales - Les animaux fleurs

par Peter WILKENS - adapté par J. SCHNUGG / AQUARIUM 32, STRASBOURG. (Revue Aquarama, 1978)
La classe des Anthozoaires, de la grande tribu des Coelentérés, offre à l'amateur qui s'intéresse non seulement aux poissons mais également aux Invertébrés marins, une grande quantité d'animaux qui s'acclimatent très bien en aquarium. Déjà au début de l'aquariophilie marine, vers le milieu du siècle dernier, de nombreux Anthozoaires, surtout ceux de l'ordre des Anémones de mer ou Actinies, figuraient parmi les pensionnaires vivant le plus longtemps en aquarium et ce sous les conditions 'précaires de l'époque.

Anemonia sulcata dans son biotope. L'anémone est fixée sur un récif schisteux couvert de concrétions calcaires. L'endroit est très ensolleilllé. L'eau est d'une limpidité absolue. Un flux et un reflux apportent au milieu un taux d'oxygénation élevé. Photo : J. Teton


Les Actinies de la Méditerranée, Actinia equina, Anemonia sulcata, Aiptasia mutabilis et A. diaphana, ainsi que de nombreuses autres également originaires de l'Atlantique modéré, étaient déjà à cette époque, et le sont encore à l'heure actuelle, des Invertébrés très appréciés par les amateurs. De nos jours, grâce aux moyens de transport rapides, on importe en plus des Anthozoaires des mers tempérées et subtropicales, de nombreuses Anémones originaires des mers tropicales, depuis quelques années les grandes et très décoratives Anémones des récifs et Anémones symbiotiques du genre Stoichactis, Radianthus, Physobrachia et Cryptodendrum, pour ne citer que les plus fréquentes, jouissent d'une popularité sans cesse croissante.
Mais on importe également différents coraux : Alcyonacea, Gorgonacea et Scleractinia, des plumes de mer Pennatulacea de la sous-classe des Octocorallia, les Anémones Zoanthiniaria ainsi que les merveilleuses Ceriantharia.
Dans cet article nous voulons présenter quelques Anthozoaires vivant très bien en aquarium.
Commençons par quelques Anémones des récifs. Parmi des géantes figure, comme son nom scientifique l'indique, Stoichactis giganteum. Cette Anémone des récifs ou Anémone symbiotique colonise les récifs coralliens de la mer Rouge et de grandes régions de l'océan Indien et Pacifique. Dans leur environnement naturel on rencontre ces grandes Actinies le plus souvent en compagnie de divers poissons et crustacés avec lesquels elles vivent partiellement en symbiose plus ou moins véritable.
Dans la mer Rouge Stoichactis giganteum est presque toujours habitée par un couple d'Amphiprion bicinctus ainsi que par des Dascyllus trimaculatus juvéniles. A l'ouest de l'océan Indien nous les trouvons habitées, outre les Dascyllus, par d'autres espèces d'Amphiprions, tels A. chrysogaster, A. sebae, A. allardi, etc. Souvent nous rencontrons dans cette Anémone également des petites crevettes Periclimenes brevicarpalis et des crabes porcelaines Petrolistes maculatus.
Stoichactis giganteum est assez difficile à tenir en aquarium. Il en est de même pour ses parents importés de temps à autre en provenance de l'est de l'océan Pacifique : St. kenti et St. haddoni. Ces merveilleuses sont naturellement plus délicates que par exemple Actinia equina de la Méditerranée et de l'Atlantique modéré. Conformément à leur environnement naturel le récif de corail, ils demandent en aquarium une eau très propre et bien brassée. Comme d'autres animaux fleurs des récifs tropicaux, en particulier ceux-là mêmes qui construisent le récif : les coraux pierres hermatypiques, les grandes roses de mer contiennent dans leur tissu des algues symbiotiques, les Zooxanthelles avec lesquelles elles vivent en communauté appelée endosymbiose. Il en est de même pour d'autres animaux fleurs des récifs tropicaux, en particulier ceux qui forment les récifs : les coraux constructeurs de récifs.
Les roses de mer sont tributaires de ces cohabitants végétals. Les algues unicellulaires nécessitent pour leur bien-être et prolifération beaucoup de lumière. Celui qui a eu l'occasion de voir l'intensité de la lumière qui règne aux endroits naturels où se tiennent les Anémones des récifs, comprend qu'il nous est difficile de fournir la même lumière en aquarium. Et malgré cela ces animaux sensibles peuvent très bien vivre dans un aquarium éclairé par plusieurs tubes néons. Par contre, si on veut pouvoir observer la très intéressante symbiose avec des poissons du genre Amphiprion, on est obligé de réunir plusieurs Anémones avec seulement un seul poisson ou, si on a de la chance, avec un couple d'une des espèces citées ci-dessus.
Faire cohabiter une seule Anémone avec plusieurs poissons c'est la condamner à mort. L'Anémone se sent alors continuellement importunée, ne peut plus s'étaler complètement et devient de plus en plus petite. De plus, dans ces conditions il est presque impossible de la nourrir correctement. Les fragments de viande de poissons et de moules, les petites crevettes, etc., seront toujours arrachés des tentacules par les poissons. De nos jours la légende du poisson qui apporte de la nourriture à son hôte devrait être définitivement reléguée au royaume de la fantaisie.
En raison de la taille d'une Stoichactis giganteum, les amateurs ont tendance à croire qu'il lui faut une grande quantité de nourriture, Cela les amène à distribuer des morceaux bien trop grands. En réalité même ces très grandes Actinies sont mangeuses de plancton et se nourrirent principalement de minuscules organismes animals flottant dans l'eau. Elles sont incapables de digérer des morceaux qui auraient par exemple la taille de la moitié d'une moule. Par contre les nourritures lyophilisées sont très valables, surtout celles à base de crustacés. On fait tremper cette nourriture dans un peu d'eau de mer puis on l'aspire à l'aide d'une pipette en plastique ou en verre et on l'épand au-dessus des tentacules de l'Actinie.
Les Anémones sont plus faciles à conserver dans un aquarium sans poissons. Elles supportent cependant très bien la cohabitation avec la délicate et presque transparente crevette Periclimenes, ainsi qu'avec le crabe Petrolistes maculatus. Ces animaux ne dérangent pas les Anémones autant que les poissons.
Comme substrat pour les Anémones il faut choisir des roches avec des gros trous ou aménager le matériau de décor de manière à laisser de grosses fentes. Les Anémones doivent pouvoir cacher l'ensemble de leur disque pédieux. Elles se déplacent sans cesse dans l'aquarium si elles ne trouvent pas de substrat qui leur convient. Elles le font d'ailleurs aussi en cas d'insuffisance de l'éclairage.
A part les espèces du genre Stoichactis, d'autres Anémones symbiotiques du genre Cryptodendrum, Physobrachia et Radianthus sont également importées. En aquarium toutes demandent les mêmes soins que ceux indiqués plus haut pour Stoichactis giganteum.
Les espèces du genre Radianthus aux longs tentacules sont très appréciées par les amateurs, en particulier Radianthus malu avec ses tentacules aux extrémités rouge-vin à violet et Radianthus ritteri avec ses tentacules jaunâtres. Les deux se conservent d'ailleurs très bien en aquarium. Dans la nature elles atteignent un diamètre de 50 à 70 cm. Parmi le genre Radianthus on trouve également des représentants plus petits, d'un diamètre de 10 à 15 cm, tel par exemple Radianthus simplex. Ce ne sont pas des Anémones au vrai sens du terme mais dans la nature, et dans l'aquarium, en l'absence d'autres de grande taille, elles sont également fréquentées par les Amphiprions, surtout par A. ocellaris (ancien nom A. percula).
Radianthus malu, R. ritteri, R. paumatensis, R. koseirensis et autres colonisent les rochers fragmenteux et exposés des récifs. Par contre Radianthus simplex vit toujours sur sable ou éboulis. Par ce comportement cette espèce ressemble totalement aux roses de mer du genre Condylactis, par exemple Condylactis aurantiaca.
Dans les zones sablonneuses et d'éboulis des récifs de l'Indo-pacifique on rencontre Radianthus simplex le plus souvent par groupes, ce qui donne l'impression d'une seule grande Anémone. En aquarium on peut également
L'acclimatation des coraux constructeurs de récifs, appelés coraux pierres hermatypique, de l'ordre des Scleractinia, est considéré comme le summum de l'aquariophilie marine. Actuellement des espèces vivant bien en aquarium sont couramment importées. Selon mes expériences personnelles elles se conservent durant des années dans des bacs spécifiques. La description détaillée de l'installation d'un tel bac fera l'objet d'un autre article. Ici je signale simplement qu'une technique très complexe est nécessaire pour maintenir ces joyaux des mers tropicales en vie.
Signalons en guise d'introduction un des plus intéressant corail pierre des récifs de l'Indo-pacifique : le corail champignon Fungia actiniformis.
Comme tous les animaux fleurs, Fungia se développe aussi à partir d'une forme larvaire en nage libre : la Planula. Celle-ci se dépose au bout d'un certain temps sur un substrat adéquat, le plus souvent sur du corail mort, et développe le polype qui commence ensuite par produire le squelette calcaire. Par manque de place je ne peux pas décrire ici plus amplement ce processus fort intéressant.
Au fil des années le polype de Fungia actiniformis forme un squelette calcaire rond, composé à sa partie .supérieure de lamelles radiaires ressemblant à celles des champignons de nos prés et forêts.
La partie inférieure de Fungia est fixée au substrat par une courte tige calcaire. A l'état vivant ce corail ressemble à une grande Actinie (voir son nom scientifique : actiniformis). Le corail champignon est d'ailleurs désigné comme corail solitaire car il ne forme pas de colonie animale avec de nombreux polypes individuels, mais se compose d'un unique grand polype. Lorsque Fungia a atteint un diamètre de 5 à 10 cm, le manche du squelette se détache, on ne sait pas encore de quelle manière cela se passe, et le corail devient un être vivant mobile qui colonise le sable et les éboulis des récifs coralliens.
A ces endroits le danger de sédimentation est bien plus grand pour ces animaux que dans le récif proprement dit. Après une tempête les Fungias peuvent par exemple être complètement recouverts de sable. H est donc indispensable qu'ils puissent se " déterrer " ou se débarrasser de déchets. Cela peut se faire par gonflement et dégonflement du tissu du polype qui peut absorber de l'eau, puis la refouler. C'est ainsi que le corail champignon peut se déplacer, millimètre par millimètre.
S'ajoute à cela que les Fungias et leurs parents sont densément recouverts de cils microscopiques ou ciliés qui peuvent non seulement transporter de la très fine nourriture animale, plancton ou détritus organique de nature " animale ", vers la bouche, mais également éloigner toutes les particules qui ont pu se déposer sur le corps.
En aquarium Fungia actiniformis s'est révélé comme pensionnaire valable et durable sous réserve de lui offrir de bonnes conditions du point de vue lumière, brassage de l'eau, écumage et filtrage. Le grand polype solitaire peut avaler d'assez gros morceaux de nourriture : fragments de viande de poisson ou de moule de la taille d'un petit pois, petites crevettes et même des fragments de comprimés de nourriture sèche tel par exemple Tetratips. Les tentacules qui ressemblent à ceux des Actinies, peuvent très fortement retenir leurs proies et les transporter jusqu'à la fente buccale qui se trouve au milieu de l'animal.
Le corail champignon contient également des algues symbiotiques, les Zooxanthelles et, en aquarium, exige également beaucoup de lumière, comme tous les autres animaux fleurs des récifs coralliens tropicaux.
Je n'ai donné ici qu'un court aperçu sur l'énorme diversité des Anthozoaires. Il reste encore beaucoup à dire sur leur environnement naturel, leur mode de vie et leur acclimatation en aquarium, mais je suis d'avis qu'il est préférable d'y revenir ultérieurement par des récits détaillés sur des animaux fleurs de tous les ordres, tant qu'ils se prêtent pour vivre en aquarium.
Cet article a simplement été conçu comme introduction dans l'étonnant monde d'un groupe d'animaux dont l'organisation est encore très primitive.

1 Stoichactis giganteum. 2 Radianthus malu. 3 Radianthus ritteri. 4 Radianthus simplex. 5 Condylactis gigantea. 6 Condylactis passitlora. 7 Cerianthus orientalis. 8 Fungia actiniformis. Photos : J. Teton