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LES BOÏDÉS OU SERPENTS CONSTRICTEURS
Reproduction de deux Boïnés : Epicrates c. maurus
GRAY et Acrantophis dumerili JAN

par Gilbert et Jeanine MATZ et Maurice VANDERHAEGE (1982)

Epicrales cenchria maurus né en captivité en 1972.Photos G. Matz

 

Longtemps le terrariophile se contentait de " monter une collection " d'exemplaires uniques, surtout pour les espèces de grande taille. Dans un but de protection et d'observations biologiques nous avons toujours insisté sur la nécessité de constituer au contraire "des groupes de reproduction " de 4 à 8 exemplaires selon les espèces. Ces reproductions ne peuvent être obtenues qu'avec des animaux en bonne santé et vivant dans des conditions optimales de température, de lumière, d'humidité, d'alimentation. d'hygiène, etc. (MATZ, 1974). Les premières reproductions de grandes espèces de Boïdés furent d'abord obtenues par les Zoos disposant d'installations spacieuses puis par les terrariophiles. La biologie de reproduction des Pythons a fait l'objet d'un fascicule intitulé " The Python breeding Manual " (1978) et de nombreuses observations sur la reproduction de Boïdés ont été publiées dans des revues spécialisées (nous donnerons prochainement une liste bibliographique détaillée); pour notre part, nous voudrions signaler les nôtres, concernant deux espèces de Boïdés ovovivipares.

EPICRATES CENCHRIA MAURUS (par G. et J. MATZ)
Epicrates cenchria
ou Boa arc-en-ciel vit en Amérique Centrale et du Sud. du Costa Rica au nord de l'Argentine la sous-espèce Epicrates c. maurus dont le dos de l'adulte est uniformément brun, est originaire de l'Amérique centrale et du nord de l'Amérique du sud, de la Colombie aux Guyanes.
Nos animaux habitent un grand terrarium de 140 x 90 x 70 cm. muni de fortes branches et de plantes robustes à grandes feuilles (Monstera) et qu'ils partagent avec trois Python regius. Le Boa arc-en-ciel est un serpent terrestre que l'on rencontre dans les anfractuosites du sol, sous les arbres et plus rarement dans les arbres. Dans notre terrarium, ils cherchent abri sous les plantes et des écorces de chêne-liège ; ils séjournent longuement dans le bassin d'eau. Les plantes et une partie du sol sont quotidiennement aspergées d'eau. La température diurne de la salle d'élevage est de 27 à 30° C et elle est abaissée la nuit à 24 ou 25 °C, sans repos hivernal : la régularité du contrôle de la température est assurée par des thermostats et un programmateur. Enfin, une " Belbul " d'aquarium assure la circulation de l'air, en insufflant dans le terrarium de l'air prélevé dans la salle d'élevage. La nourriture consiste en souris, parfois en jeunes rats ou en Meriones : les serpents, isolés pour la prise de nourriture, reçoivent 3 à 4 proies adaptées à leur taille, tous les 8 à 10 jours. Dans la nature, ils se nourrissent de rongeurs et d'oiseaux ; il est à noter que malgré leur taille relativement faible, ils sont capables de maîtriser et d'avaler des proies relativement importantes.
A la suite d'une reproduction obtenue par M. N. CHAPON, celui-ci eut l'amabilité de m'offrir quatre serpents nouveau-nés en mai 1972. Ils furent élevés dans un terrarium, d'abord de plus faibles dimensions, mais sous les conditions climatiques énoncées plus haut. Ils se montrent au départ très agressifs et dans un réflexe de défense mordent vers tout ce qui les approche, proie ou main du soigneur. Ce comportement facilite leur alimentation : des souris nouveau-nées, puis de plus en plus grandes en fonction de la croissance des serpents, sont présentées, happées et tuées par constriction puis englouties. Contrairement à celle de jeunes Corallus, l'alimentation de Boas arc-en-ciel ne présente donc aucune difficulté, si ce n'est leur gloutonnerie : ainsi, un moment d'inattention a suffi pour que l'un des serpents étrangle son jeune frère tenant une proie dans la bouche à partir de ce moment, les trois serpents restants furent isolés lors des distributions de nourriture. Ils ont grandi pour atteindre en 1980, à l'âge de 8 ans, une longueur moyenne de 120 cm (110 à 130) pour un poids moyen de 1 650 g. Pour obtenir une croissance harmonieuse, le nombre de repas et de proies distribuées a été le même pour les trois individus qui ont donné naissance à une deuxième génération née en captivité.

Epicrales cenchria maurus né en captivité en 1972.

Les trois serpents ont toujours vécu ensemble dans le même terrarium et malgré une surveillance constante, nous n'avons jamais pu observer de préludes à l'accouplement tels qu'ils sont connus chez les Boidés. Un seul accouplement eut lieu à notre avis : le matin du 15.1.80, nous avons trouvé un couple, légèrement enlacé dans la partie postérieure du corps et de la queue, cloaques collés l'un sur l'autre ils restèrent ainsi, dans l'eau, jusqu'au milieu de l'après-midi. La femelle, reconnaissable à sa coloration plus claire, présenta, même après quelques mois, des flancs à peine élargis et non pas le corps gonflé comme nous avions pu l'observer chez d'autres Boïdés gravides et comme elle continua de s'alimenter (dernier repas 9.6.) nous avions perdu l'espoir d'assister à une naissance. Mais celle-ci est intervenue le 28.6.80, soit 165 jours après l'unique accouplement observé : le matin, à 9 heures, nous avons trouvé 11 jeunes serpents, tous sortis des membranes ovulaires et rassemblés tous, couchés sur une espèce de gelée. Ils avaient été déposés dans un abri, sous une écorce de chêne-liège aucun des trois adultes ne se tenait à proximité. Ils furent retirés du terrarium et installés dans un autre de petite taille et comportant un bassin d'eau où ils séjournent fréquemment et des écorces de chêne-liège comme abri. Leur longueur à la naissance était comprise entre 34 et 38 cm. Les premiers jours, la nourriture fut refusée. Après la première mue qui eut lieu entre le 8 au soir et le 9 juillet pour les différents serpents, soit à l'âge de 10 ou 11 jours (de 11 à 13 jours chez OBERMAYER), un premier repas fut accepté par les 11 petits serpents le 16 juillet ; il consista en une souris nouveau-née, proie utilisée pour les premiers repas les proies sont plus tard de plus en plus grandes, des souris âgées de 3 semaines étant utilisées lorsque les serpents ont atteint un an.
En une année, chaque serpent a absorbé 63 Souris, à raison d'une ou de deux par repas, ceux-ci se succédant au rythme d'un tous les 4 (à 6 jours) pendant les premiers mois, puis tous les 8 jours. La longueur moyenne des serpents est de 70 cm à l'âge d'un an. Alors que la coloration des adultes est uniformément brune, les nouveau-nés présentent une ornementation et une coloration particulièrement brillantes : le dos présente deux rangées de taches plus ou moins circulaires, crème brunâtre ou orangées et entourées de brun foncé, disposées sur deux rangs et plus ou moins confluentes. Les flancs sont brunâtres mais s'éclaircissent vers la face ventrale blanche et portent plusieurs rangées de petites taches brunes irrégulières, celles de la rangée supérieure étant entourées de blanc et formant des ocelles. La tête porte 5 lignes brun foncé dont une médiane, du museau à la nuque et deux horizontales à l'arrière de chaque oeil. D'autres reproductions connues ont donné des portées comportant 7, 11 et 13 et, chez Epicrates c. cenchria 18 jeunes (MURPHY et coll., 1978); enfin STEMMLER (1971) a obtenu le croisement entre Epicrates maurus et Epicrates c. cenchria.

Epicrates cenchria maurus né en captivité (de deuxième génération) en juin 1980.

ACRANTOPHIS DUMERILI (par M. VANDERHAEGE)
Le Boa de Dumeril habite Madagascar et la Réunion. Il est terrestre et vit dans les régions chaudes et humides de la savane, à proximité de l'eau où il habite un terrier dont il a chassé et sans doute dévoré les premiers occupants ou un trou dissimulé dans les entrelacs des racines de Banyans ou de buissons touffus d'épineux. En mars-avril 1976, nous l'avons rencontré dans le sud-ouest malgache, aux environs de Tuléar, Miary, Amboimavelona, de la piste d'Ankilibe. A cette époque, automne sous cette latitude, le serpent est actif le soir. principalement peu de temps après la tombée de la nuit. aux alentours de 19 heures. Nous l'avons trouvé essentiellement sur les pistes où il est particulièrement visible, soit en déplacement, soit lové, probablement à l'affût. Aux dires des Malgaches, il ne serait pas rare de pouvoir observer, de jour. un serpent près de son terrier, se chauffant au soleil mais malgré tous nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à le découvrir pendant la journée, peut-être l'époque ne s'y prêtait-elle pas !
Nos Acrantophis sont logés dans un Vivarium abritant d'autres Boïdés (Boa constrictor, Corallus caninus, Sanzinia madagascariensis, Epicrates cenchria, différents Pythons). Leur terrarium, dont les dimensions sont de 140 x 75 x 85 cm, est construit en dur (agglomérés de béton), la paroi arrière et le plafond étant constitués par une cloison et le plafond du Vivarium. Les parois latérales sont munies chacune d'une grille d'aération occupant les deux tiers de la surface, la face antérieure est constituée d'un cadre en aluminium anodisé dans lequel coulissent deux glaces bloquées par une serrure. La décoration a été réalisée au moyen de roches directement enchâssées dans le mur. L'ensemble du local est chauffé le jour à 28-30°C, la température s'abaissant la nuit à 23- 24°C en période estivale ; à la mi-novembre, nous abaissons progressivement la température diurne à 24°C et nocturne à 20-22°C pour remonter ensuite progressivement à partir de fin février. Au sol, un bassin d'eau occupe sur toute la longueur la partie avant de la cage, sur une largeur de 25 cm ; l'humidité de l'air est maintenue en été voisine de 90% par arrosage du sol et pulvérisations dans la cage et descend l'hiver à 65%. La ventilation est assurée par un extracteur à deux vitesses logé dans le mur extérieur du Vivarium, relié à un thermostat et fonctionnant en permanence, la vitesse supérieure étant enclenchée automatiquement dès que la température atteint 28°C. Enfin, l'éclairage est assuré 12 heures par jour par des tubes fluorescents Durotest de type Truelite de 40 watts. Les serpents sont nourris régulièrement, le soir, de souris, rats, hamsters, poussins, certains individus ayant une prédilection pour l'une ou l'autre proie ; les repas sont moins fréquents en hiver. La digestion est rapide et les excréments sont presque toujours déposés dans le bassin d'eau.
Au printemps 1980, une femelle fut introduite chez nos quatre mâles. Courant juin, nous pouvions observer deux mâles tentant de s'accoupler avec la femelle, le tiers postérieur du corps enroulé autour de celui de la partenaire et leurs ergots grattant en un mouvement de va-et-vient le dos et la région cloacale de la femelle. Après quelques jours, un seul mâle poursuivit ses efforts et pendant tout le mois de juillet nous pûmes observer des accouplements quasi quotidiens qui duraient parfois plusieurs heures. En septembre, la femelle cessa de s'alimenter et il nous semblait qu'elle avait pris un certain embonpoint : nous estimions alors que la mise bas pourrait avoir lieu en janvier ou février. Mals tout l'hiver se passa sans que le tour de taille du serpent n'augmente et ce n'est qu'à partir du début du mois de mars que les rondeurs de l'animal recommençaient à s'accentuer, celles-ci devenant d'autant plus évidentes que toute la région vertébrodorsale avait maigri. Le Boa, après être passé par une période de quasi léthargie, devenait beaucoup plus actif et se déplaçait dans tout le terrarium mais ne s'alimentait toujours pas.
Le 29 avril 1981 au matin, nous avons trouvé 6 jeunes Acrantophis mesurant 420, 440, 445, 450, 450 et 460 mm et relativement gros, leur diamètre devant approcher 20 mm. Deux jours après la mise bas, la mère a mué et aussitôt après elle s'est alimentée. Les jeunes ont été installés dans un petit terrarium de 60 x 30 x 40 cm, muni d'un bassin d'eau, d'une écorce de chêne-liège servant d'abri et d'une ampoule de 25 W. La première mue est intervenue trois semaines après la naissance et à partir de ce moment. les petits Boas ont commencé à s'alimenter de jeunes souris âgées d'une dizaine de jours.

Acrantophis dumerili né en avril 1981.
Acrantophis dumerili né en avril 1981.

Le maintien en captivité d'Acranlophis dumerili est relativement aisé (MATZ, 1978) et sa reproduction devrait être obtenue régulièrement. Il nous semble préférable sinon indispensable de séparer les sexes et de mettre la femelle en compagnie du ou des mâles après la période de repos hivernal, puis de les séparer ensuite, au moins après la naissance des jeunes. La longue période de gestation et d'anorexie de presque dix mois nous fait penser à une ovulation retardée ou à un phénomène de diapause embryonnaire celle-ci pourrait être la conséquence de la baisse de température dans notre vivarium en hiver. D'autres observations, dans les conditions naturelles et en captivité, seraient nécessaires pour avoir une idée plus précise de la biologie de reproduction de cette espèce.
En conclusion, la biologie, surtout celle de reproduction, est encore peu connue pour de nombreuses espèces. Aussi, toutes les observations, même fragmentaires peuvent être intéressantes et, si elles sont publiées faire avancer nos connaissances. Aquarama avait déjà publié les observations concernant des reproductions obtenues chez l'Anaconda (DESCHANEL et CHAPON, 1977) et le Boa constrictor (LAMOUILLE, 1980); nous invitons nos lecteurs à faire le compte rendu de comportements ou de reproductions dont ils ont été le témoin. Il est évident que plus les données sont complètes, plus elles gagnent en valeur ; elles devraient comporter : la description des installations et des conditions climatiques. l'origine, l'âge, la taille et le poids des parents, la date et les observations de l'accouplement, la durée (et les conditions) de gestation ou d'incubation, la date de ponte ou de parturition, le nombre et la taille des œufs et le nombre d'éclosions (Pythons) ou le nombre et la longueur des jeunes, la mue, la prise de nourriture et la croissance de ceux-ci.

RÉFÉRENCES
DESCHANEL J.-P. et CHAPON N. 1977. Reproduction d'Anacondas (Eunectes murinus) au Jardin zoologique de Lyon. Aquarama, 11 (39) 37-40
FITCH H.S. 1970 Reproductive cycles in lizards and snakes. Unit,. Kansas. Mus. nal Hist., misc. Publ.. (52). 247 p
HUFF TA. 1980. Captive propagation of the subfamily Boinae with emphases on the genus Epicrales. S.S.A.R Contnb Herpetol. (1), Reproductive Biology and Diseases ot captive Reptiles, MURPHY, J.B et COLLINS J.T. 125-134.
LAMOUILLE M. 1980. Observations sur une reproduction de Boa constrictor L. Aquarama. 14 (53) 50-52.
MATZ G. 1974. Sur la reproduction des Reptiles en captivité. Aquarama. 8 (27) 49-53.
MATZ G. 1978. Les Boidés ou Serpents constricteurs. 5. Aquarama, 12 (41) 40-41.
MATZ G. et MATZ J. 1970. Les Boidés ou Serpents constricteurs. Aquarama, 4 (11) 38-41.
MATZ G. et MATZ J. 1973. Les Boïdés ou Serpents constricteurs. 3. Corallus DAUDIN et Epicrates WAGLER. Aquarama. 7 (22) 29-31.
MURPHY J.B. - BARKER D.G. et TRYON B.W 1978. Miscellaneous notes on the reproductive biology of Reptiles. 2. Eleven species of the family Boidae. genera Candoia, Corallus, Epicrates and Python. J. Herpetol., 12. 385-390.
OBERMAYER G 1970. Nachzucht von Regenbogen-Boas (Epicrates cenchria). D.A.T.Z.. 23. 223.
ROSS R.A., Edit. 1978. The Python breeding manual. 51 p. inst. Herpetol. Res.
ROSS R. 1980. The breeding of Pythons (subfamily Pythoninae) in captivity. S.S.A.R. Contnb. Herpetol. (1). Reproductive Biology and Diseases ot captive Reptiles, MURPHY J.B. et COLLINS J.T. Edit.. 135-139.
STEMMLER 0. 1971. Gefangenschaftsnachzucht von Epicrates cenchria maurus x Epicrates cenchria cenchria (Reptile Boidae). Aquanen Terranen. 18, 415-420.