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LE BOSSU DU MALAWI
"Haplochromis" moorii (BOULINGER, 1902) (Pisces, Cichlidae)

par R. ALLGAYER - AQUARIUM 32, STRASBOURG. (Revue Aquarama, 1982)
L'attrait des "Haplochromis" du Malawi a certainement comme promoteur cette espèce. Sa morphologie et sa coloration avaient, à l'époque (1972), étonné les aquariophiles européens.

Haplochromis" moorii (Couple : mâle en haut). (Photo : J. Teton)


APERÇU SYSTÉMATIQUE
"Haplochromis moorii" a été décrit par BOULENGER en 1902 comme type du genre Cyrtocara. En 1935, dans le synopsis des Cichlidés du lac Nyassa, Madame le Professeur Ethelmyn TREWAVAS place cette espèce dans le genre Haplochromis HILGENDORF, 1888. Cette espèce fut dédiée en l'honneur du professeur MOORE.
Comme je le fais remarquer dans Aquarama no 62, p. 11-13, les espèces du lac Malawi classées actuellement dans ce genre sont en position incertaine du fait de la redescription du genre par GREENWOOD (1979). Dans cette révision les espèces du Malawi n'ont pas été examinées.
D'autres espèces assez proches par leur morphologie et comportement sont : " Haplochromis" annectens (REGAN, 1921)' et " H." electra BURGESS, 1979. Ces trois Pseudohaplochromis pourront parfaitement cohabiter dans un bac.
RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE
Endémique au lac Malawi, vivant dans les zones sablonneuses.
DESCRIPTION
La silhouette du poisson, très typique, permet de reconnaître cette espèce au premier coup d'ceil. Le corps élevé, la gibbosité frontale, les lèvres débordantes font que la mimique de ce poisson rappelle grossièrement le Dauphin, nom commun qu'il porte d'ailleurs en Allemagne : Blauer Delphin = Dauphin bleu. En France nous l'appelions communément " Haplomoorii ".
Les nageoires dorsale et anale dépassent le pédoncule caudal. La nageoire caudale se termine en croissant de lune. D XV-XVI/11 ; A III-IV/8-9. Les écailles sont finement denticulées au nombre de 33-36 dans le sens de la longueur. Elles couvrent la tête, les joues et les opercules.
Coloration : les mâles dominants sont bleu azur, unis. Chez les individus dominés des taches bleues sombres apparaissent sur les flancs et le pédoncule caudal, d'autres plus petites le long de la nageoire dorsale. Ce dernier patron est également adopté en cas d'indisposition ou de frayeur. Aucune tache anale n'est visible.
Peu d'éléments permettent de discerner les sexes. Une gibbosité et une taille plus importante pourraient être quelques indices de présomption pour identifier un mâle. L'examen de l'orifice génital étant dans ce cas le seul critère valable.
Taille : 200 mm pour les mâles, 160 mm pour les femelles.
MAINTENANCE EN AQUARIUM
Bac spacieux , plus de 200 Iitres (100 x 50 x 40 h) pour 1 mâle et femelle. Le fond du bac sera garni de sable fin (Silice ou quartzite), planté d'espèces rubannées comme Valisneria ou Crinum disposées sur le pourtour du bac. Un espace libre important est souhaité pour permettre les évolutions des poissons.
L'éclairage composé en partie d'un gros-lux, met généreusement la coloration de ce poisson en valeur. Eau : pH supérieur à 7,2 ; THf 20-300; Température 27° C ; conductivité : 600-1000 µS/cm. Cette eau devra être oxygénée et limpide grâce à une préaréation du bac de décantation et une filtration sur support bactérien (mousse de polyuréthane, lave concassée). Réaérer l'eau avant son rejet dans le bac. Changement d'eau 1/4 du bac par semaine.
ALIMENTATION ET MALADIE
"Haplochromis" moorii s'alimente d'animalcules que le poisson trouve en remuant le substrat. Cette nourriture est généralement composée de petits crustacés. En captivité, les nourritures usuelles comme le coeur de boeuf, les crevettes, les moules et artémias adultes suffisent à son alimentation.
Maladie: Les spécimens sauvages demandent une quarantaine d'acclimatation sérieuse. Ils sont particulièrement fragiles pendant cette transition alimentaire dû à la captivité. En aucun cas des Tubifex devront leur être présentés. Les risques d'infestation du tube digestif par des Trématodes auraient des conséquences catastrophiques dans les premiers temps de la vie en aquarium. Cette espèce est d'ailleurs très réceptive à ces parasites. Elle peut être rapidement débarrassée des hôtes indésirables par un traitement (bain continu) au Metronidazole (5 mg/l) qui remettra rapidement le poisson sur " pied ".

"Haplochromis " electra (Photos : J. Teton)
"Haplochromis " fuscotaeniatus (Photos : J. Teton)

COMPORTEMENT EN AQUARIUM
Cette espèce est assez docile, les déplacements sont majestueux. Les femelles aiment se réfugier dans les touffes de plantes, surtout celles en incubation buccale. Les mâles dominants, surtout ceux de grande talle, imposent parfois cette dominance avec un excès de poursuites, mais ne devenant jamais tyrannique. Les femelles attendent le bon vouloir du "Pacha" dans une attitude passive.
Les territoires sont généralement difficiles à délimiter pour chaque individu du bac, mais l'on remarque que le mâle dominant s'octroie la totalité du bac... si d'autres individus d'une espèce différente à moeurs moins craintifs le permettent. Les relations interspécifiques sont souvent au désavantage de "H" moorii. Ainsi les M'bunas ou
"Haplochromis" prédateurs comme "H" polystigma REGAN, 1921, "H" livingstonii (GUENTHER, 1893) ou "H" fuscotaeniatus REGAN, 1921 entre autres ne devraient pas lui être imposés. Par contre des espèces aux moeurs analogues ou proches comme Aulonocara nyassae REGAN, 1921, les espèces des genres Trematocranus TREWAVAS, 1935 et Lethrinops REGAN, 1921 ainsi que les "Haplos " précités comme co-habitables, formeront une population de bac régional dont le coup d'oeil vaudra le déplacement.
REPRODUCTION
Comme tous les "Haplochromis", cette espèce pratique l'incubation buccale. La ponte a lieu en contact du substrat (roche ou cuvette de sable) en un mouvement tournant, les partenaires adoptant une position en T.
Les oeufs, d'une taille de 2,5 mm sont blanc-jaunâtres, au nombre de 50 à 100. Ils sont pris en bouche par la femelle après chaque mouvement tournant lors de la ponte.
La femelle s'isole dans un coin du bac, certaines lors du nourrissage, s'alimentent de quelques particules avec précaution, d'autres par contre jeûnent pendant le temps de l'incubation. Les oeufs sont "mâchonnés" afin de leur imprimer un mouvement tournant dans la cavité buccale, ainsi les couches successives d'oeufs et de larves sont en étroit contact avec l'élément liquide dont le renouvellement est assuré par l'appareil respiratoire.
Le temps d'incubation est de 18 à 20 jours. Une fois libérés, les alevins sont autonomes, mais restent près de la mère. A la première alerte, ils trouvent refuge dans la gueule de la femelle. Cette protection se poursuit jusqu'à l'âge de 10-15 jours suivant le nombre et taille des alevins.
Les alevins sont nourris de nauplii d'artémias, alternées de poudre spéciale pour alevins (jaune d'oeuf + miel). La croissance est relativement lente pour des " Haplos ".
En bac commun les alevins sont pourchassés par les congénères, c'est pourquoi l'on recommande, soit d'isoler la femelle après 15 jours, soit de lui faire cracher les oeufs après 10 jours d'incubation.
L'esthétique de ce poisson peut largement rivaliser avec celle des poissons coralliens, avec en prime, sa prolifération.

3. Aulonocara nyassae.
4. Trematocranus jacobfreibergi.
5. "Haplochromis" polystigma.
6. "Haplochromis" livingstonii. Photos : J. Teton


BIBLIOGRAPHIE
ALLGAYER R. 1980 Les leopards du Malawi. Aquarama no 54. pp 21.24.
ALLGAYER R & M.L. 1980. L'incubation buccale, protection optimum des oeufs. larves et alevins Aquarama no 55. pp. 20-21 et 70-72. No 56. pp. 20-23 et 39.
BOULENGER G.A. 1902. Diagnoses of New Cichlid Fisches Discovered by Mr J.E.S. Moore in Lake Niasse Ann. Mag. Nat. Hist. (7). 69-71.
GREENWOOD P.H. 1979. Towards a phyletic classification of the genus u Haplochromis (Pisces, Cichlidae) and related taxa , (Part. 1) Bull. Brit Mus. nat. hist. ser. Zool. Vol. 35 (4) 265-322.
HACARD J.-P. 1981. Haplochromis moori. Revue française des Cichlidophiles no 6, pp. 2-6.
REGAN C.T. 1921. The Cichlid fisches of Lake Nysse. Proc. Zoo! Soc. Lond. 1921, 675-727.
REGAN C.T. 1922. The Cichlid fishes of Lake Victoria. Proc. Zool. Soc. Lond 1922,157-191.
TREWAVAS E. 1935 A Synopsis of the cichlid fishes of Lake Nyasa. Ann. Mag. nat. Hist. (10) 16 , 65-118

* Cette espece ne doit pas être confondue avec le taxon Haplochromis annectens REGAN 1922. synonyme actuel de Ptychochromis annectens REGAN. 1922 du lac victoria