LE CICHLIDE
PAON
"Haplochromis" venustus BOULENGER, 1908
par R. ALLGAYER - AQUARIUM 32, STRASBOURG. (Revue Aquarama, 1982)
Ce Pseudohaplochromis avait été présenté parmi les les "Léopards du
Malawi" (AQUARAMA no 54, pp. 21-27 75). Contrairement aux espéces à robe
similaire, ce n'est pas un prédateur piscivore, son comportement en témoigne
par une certaine passivité à l'encontre des co-habitants du bac,
souvent plus petits.
Couple
typique de l'espèce venustus maintenu dans un grand aquarium
(Aquarium public de la Porte dorée Paris) Le dimorphisme sexuel est nettement marqué (mâle au premier plan) Photo : J. Teton |
APERÇU SYSTEMATIQUE
Boulenger décrit cette espèce en 1908. Regan, en 1921, examina les types
de "H" venustus, plaça le taxon dans le genre Cyrtocara
Boulenger, 1902. Il confondit les contenues dans la série-type, lesquelles
considérées comme espèces nouvelles furent décrites sous Haplochromis
simulans. En 1935, Trewavas considéra ce dernier taxon comme synonyme
et replaça le taxon Cyrtocara venusta dans le genre "Haplochromis"
Hillgendorf. 1888. A l'heure actuelle cette espèce est considérée en position
incertaine, le genre Haplochromis ayant été redéfini par Greenwood
en 1979 (Voir Aquarama no 62 pp. 11-13).
RÉPARTITION GEOGRAPHIQUE
Espèce endémique au lac Malawi. Occupe les zones côtières à
fond sablonneux.
DESCRIPTION
Haut de corps, latéralement comprimé, le front au profil légèrement fuyant.
Parmi les "Léopards" ("H" polystigma, "H" livingstoni) auxquels
l'on peut inclure "H" linni et "H" fuscotaeniatus)
"H" venustus a une gueule plus petite, et "H"
linni en forme de tube.
Malgré leur robe de camouflage similaire, les patrons de coloration
spécifiques permettent, au stade adulte, de discerner chaque espèce.
Les non "initiés" (cichlidophlles) pourront avoir quelques
difficultés lorsque les poissons présentent des tailles
inférieures à 4-5 cm.
Les sub-adultes portent une robe identique aux femelles le corps faune
métallique est recouvert de taches sombres argileuses dont la forme
est variable suivant les individus, leur humeur ou leur bien-être.
Les mâles sexuellement adultes ne laissent personne indifférent
par leur élégance (Étymologie de venustus).
Le patron juvénile laisse place à une robe chatoyante. Suivant
les mâles dominants, cette robe peut présenter 2 types de
patron ; rarement, une robe jaune lumineux, la tête jusqu'aux opercules,
bleue avec une zone jaunâtre sur le front. D'autres mâles
dominants ont une couleur corporelle entièrement bleue avec cette
zone jaunâtre sur le front. La dorsale et le pédoncule caudal
sont couverts de zones jaunàtres et bleutées. Quelques mâles
dominants, très rares, possèdent un ocelle sur la nageoire
anale, la généralité en est dépourvue. D.
XVI/10-11 ; A III/9 ; Écailles ; 32-34. Il semble que les spécimens
adultes maintenus en captivité (250 mm) dépassent en talle
les spécimens sauvages (150-200 mm)
MAINTENANCE EN CAPTIVITE
Les sub-adultes pourront être élevés dans un bac de
dimension moyenne. A la taille de 8-10 cm un bac plus spacieux (+ de 500
I) pour 7-8 individus permet un développement idéal.
Le bac sera garni en fonction des facteurs écologiques du milieu
naturel. Fond de sable fin ou quartzite à granulométrie
de 0,5 mm. L'arrière et les côtés du bac, plantés
de Vallisneria. Quelques roches offriront des refuges aux femelles
en incubation.
Eau: dans ce domaine une certaine polémique semble s'être
instaurée dans les rangs des aquariophiles. Faut-il maintenir les
espèces du lac Malawi en captivité dans une eau aux qualités
physico-chimiques identiques à celle du lac?
A un gagnant du Loto (6 numéros au moins), chimiste de surcroît,
je conseillerai vivement cette démarche. Pouvoir maintenir ces
espèces du Malawi dans une eau à 210µS/cm et un pH
de 7,8-8 serait l'idéal mais... combien d'aquariophiles chanceux
et chimistes se comptent parmi nous? Il faut savoir que pour élaborer
et maintenir une eau de cette qualité, certaines techniques sont
à mettre en œuvre, comme un déminéralisateur, un
système de goutte à goutte, de très grands bacs,
et des manipulations chimiques (élaboration et contrôle de
l'eau, surtout des nitrates). Il faut rester réaliste, l'on ne
peut pas conseiller à l'immense majorité des aquariophiles
de maintenir les poissons dans une eau aussi instable lorsque les installations
et les moyens ne peuvent être mis en œuvre. La moindre surpopulation
(CO2) ou goutte de "vinaigre" va faire chuter le pH en un temps
record dans la zone acide. Les poissons, souvent acquis grâce à
des sacrifices pécuniers, difficiles pour certains d'entre nous,
devront trouver une certaine sécurité au moins dans ce domaine
et ne pas retrouver les poissons dans l'au-delà par la faute d'une
acidose.
Jamais un poisson du Malawi n'est mort par la faute d'avoir maintenu un
pH élevé grâce à des sels (Bicarbonate de soude
ou Sulfate de magnésium). D'autres en sont morts par leur absence.
Le bicarbonate de soude présente un risque par une dissolution
rapide et une alcalose (pH sup. à 9.5 puis chute à 8.5)
alors que le sulfate de magnésium se dissout lentement, difficilement
même, mais à l'avantage de modifier progressivement les valeurs
physico-chimiques de l'eau.
Les aquariophiles ayant une eau naturelle dure et franchement alcaline,
se trouvent avantagés surtout avec un système de goutte
à goutte.
La filtration devra être énergique grâce à un
bac de décantation. Le support filtrant pourra être constitué
de mousse ou de lave concassée. Le filtre animé par une
turbine, une ou plusieurs pompes immergeables (Type Eheim 1012/250 l/h)
aux rendements de 500-1 000 l/h. L'oxygénation intensive devra
approcher la saturation. La température suivant les fluctuations
du bac pourra être comprise entre 23 et 29°C. Une luminosité
intense contribue également à maintenir un pH élevé,
tout en stimulant la croissance des plantes et des algues.
ALIMENTATION ET MALADIE
En milieu naturel "H" venustus se nourrit de petits mollusques
et crustacés présents dans le sable. En captivité,
les nourritures usuelles comme le coeur de boeuf, les paillettes. les
artémias adultes, sont consommées goulûment. Les plantes
sont également grignotées sans toutefois causer de grands
dommages.
Une ombre au tableau, cette espèce comme les autres "Léopards",
est prédisposée aux infestations intestinales des vers Trematodes
et Nematodes. Les risques peuvent être limités en excluant
la nourriture vivante au menu. Ces parasites sont facilement éliminés
avec des produits anti-parasitaires comme le Metronidazole (750 mg/100
litres en bain continu) ou le Neguvon (0,4 mg/litre), avec ce dernier
produit, retirer les poissons de fond (Synodontis).
COMPORTEMENT ET REPRODUCTION
"Haplochromis" venustus est relativement pacifique lorsque
la territorialité n'est pas mise en jeu. La présence de
M'Buna devrait lui être épargnée surtout lorsque la
reproduction est espérée. Les grands bacs spécifiques
sont plus aptes à la reproduction.
Les pontes s'effectuent d'une façon classique, maintenant bien
connues de la part des incubateurs buccaux africains. La famelle pond
quelques oeufs, mouvement observé par le mâle en position,
la tête près de l'orifice génital de la femelle. Puis
par un mouvement tournant, le mâle féconde les oeufs alors
que la femelle se retourne pour prendre les oeufs en bouche. Les mouvements
rotatifs se succèdent jusqu'à épuisement de la grappe
ovarienne. Les oeufs, puis les alevins, au nombre de 50-150, incubent
pendant 3 semaines. Une fois libérés par la femelle, les
alevins sont encore repris en bouche (protection) quelques jours par le
mâle. Ils peuvent être nourris de nauplii d'Artemia
et de jaune d'oeuf cuit.
Les changements d'eau, les nourritures variées et fréquentes
ainsi qu'un brassage d'eau énergique font croître les alevins
à la vitesse grand V.
BIBLIOGRAPHIE
AOUARAMA, 1981. Courrier des lecteurs, no 62, pp. 89. ALLGAYER
R. 1980. Les léopards du Malawi AOUARAMA no 62 pp. 21-24, 75.
ALLGAYER R. 1981. Notes sur les Pseudohaplochromis n.n. du Malawi
AOUARAMA no 62. pp. 11-13.
BOULENGER Catalogue of Freshwater fishes of Africa Vol. III 1915-16 London,
Reprinded J. Cramer,
GREENWOOD P.H. 1979. Towards a phyletic classification of the "genus"
Haplochromis (Pisces, Cichlidae) and related taxa. Part I Bull.
Britt. Mus. nat Hist. Vol. 39 no 1 pp 1-99.
HAGARD J.P. et B. 1981 Une splendeur du Malawi. Revue française
des Cichlidophiles no 12/1981.
REGAN C.T. 1921. The cichlid fishes of lake Nyasa Proc. Zool. Soc. Lond.
1921, pp. 675-727.
TREWAVAS E. 1935. A synopsis of the Cichlid fishes of lake Nyasa Ann.
Mag. nat. Hist. 16, pp. 65-118.