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Les fleurs de la mer
Observations sur les Corallimorphaires et Zoanthaires

par P. WILKENS (Aquarama - 1984) / adapté par Jean SCHNUGG

Les espèces du genre Rhodactis atteignent individuellement en aquarium, sous fort éclairage, un diamètre de 20 à 30 cm. Ils font également partie des Corallimorpharia.
Photo : P. Wilkens


L'ordre des Corallimorpharia englobe un petit groupe d'animaux fleurs dépourvues de squelette, au sein des Hexacorallia qui, en raison de quelques caractères morphologiques et anatomiques se situent dans le système zoologique entre les Scleractinia et les Actinaria. Les Corallimorphaires sont présents dans toutes les mers ; les différentes espèces peuvent être confondues avec certaines Anémones et même avec certains coraux. Ce sont principalement les représentants du genre Corynactis, originaires des mers froides et tempérées, qui ont une grande ressemblance avec les Actinies. Cependant, comme les coraux, ils forment des colonies, mais ces dernières ne sont pas compactes. On connait bien la gracieuse Corynactis viridis des mers européennes où on la trouve régulièrement sur les côtes rocheuses de la Méditerrannée et de l'Atlantique tempéré. Elle apparait toujours par petits groupes. En aquarium elle se conserve bien en eau fraîche. Bien nourrie avec des moules et de la chair de poisson hachée, des petites crevettes, etc., elle se multiplie rapidement. Les individus-filles qui apparaissent au pied restent longtemps reliés au polype mère par des filaments, de sorte qu'il se crée de vraies colonies animales.

Dans cet aquarium, divers Anthozoaires ont été réunis en une communauté multicolore sur la pente d'un récif artificiel. Au centre une grande colonie de Actinodiscus spec. en brun-orange. En haut une espèce verte. A côté divers Scleractiniaires et Zoanthaires.
Photo : P. Wilkens


Alors que les espèces des genres Corynactis et Corallimorphus ne jouent pas un rôle important en aquariophilie marine, certaines formes tropicales sont devenues très populaires et appréciées par les amateurs.
Dans les récifs de l'Indo-Pacifique et de la Mer Rouge les espèces des genres Actinidiscus et Rodactis se trouvent régulièrement sur des branches de corail mort ou sur la roche même. Ce sont des habitants d'eau peu profondes où il se retrouvent parfois à sec. Ces animaux-fleurs résistent au brusque changement de leur milieu, marée haute et marée basse, pluie, avec l'adoucissement partiel de l'eau de mer, les variations de température, l'importante insolation, la sédimentation par substances minérales, etc., qui en résultent. Il est possible de les libérer de leur substrat, mais le plus souvent cela ne peut pas se faire sans leur causer des blessures, de sorte qu'ils meurent par la suite. Selon les observations faites en aquarium, ils ne se déplacent jamais, sauf si les conditions de leur emplacement sont vraiment trop mauvaises.
Depuis déjà quelques années, ces animaux-fleurs sont importés en grandes quantités du Golfe du Siam et de l'Indonésie. Toutes les espèces contiennent des algues symbiotiques dans leur tissu. D'autres ne subsistent que par le métabolisme de leurs cohabitants végétaux. D'autres encore se nourrissent avec de petits fragments de chair de moules ou de crevettes. Des comprimés de nourriture fabriquée sont parfois acceptés. La distribution de la nourriture pose quelques problèmes à l'amateur, car seuls ceux possédant encore des petits tentacules retiennent les fragments. Tous ont besoin de beaucoup de lumière. Si cette condition est fournie, il est possible de les conserver durant plusieurs années sans les nourrir individuellement et on aura même la surprise de constater qu'ils se multiplient.

Cette colonie d'Actinodiscus est originaire de l'Indonésie, elle se développe très bien en aquarium. Photo : J. Teton


Ces Corallimorphaires, en ce qui me concerne je les nomme "Anémones coralliaires", figurent parmi les animaux-fleurs les plus durables. En fait, ils ne meurent (lentement) que s'ils manquent de lumière ou qu'ils sont "brûlés" directement par d'autres Cnidaires, les Actinies et les Cérianthes étant dans ce cas les plus dangereux. Par contre, on peut les faire cohabiter sans problèmes avec divers Alcyonaires, ainsi qu'avec des Zoanthaires qui demandent également une forte lumière.
Ces groupes d'animaux, très robustes si les conditions d'éclairage sont respectées, permettent à un aquariophile marin débutant d'installer un bac de 100 à 1501. comportant un petit récif.
Parmi les membres du genre Actinodiscus, environ 6 espèces non encore déterminées scientifiquement avec certitude, sont régulièrement importées de l'Indo-Pacifigue. Des blocs similaires nous parviennent sporadiquement des Caraïbes. Il s'agit principalement de Ricordia florida de couleur verte, appelé "Faux corail". Parfois le commerce nous propose des espèces du genre Rhodactis, principalement de l'Indonésie, appelées "Champignons géants" ou "Oreilles d'éléphants", qui se développent très bien en aquarium. Dans mon bac, une Rhodactis sancthithomae des Caraïbes mesurant 15 cm de diamètre a atteint 40 cm en une année. Durant tout ce temps je n'avais pas réussi une seule fois à lui faire accepter la nourriture présentée. Celle-ci fut toujours repoussée lorsque je la posais au milieu des tentacules. Il est donc possible que les Rhodactis ne vivent que du métabolisme de leurs algues symbiotiques. On sait que cela est également le cas chez les Alcyonnaires du genre Xenia.

Certaines espèces du genre Actinodiscus n'ont plus que des tentacules en forme de verrues, telle cette colonie fréquemment importée du golfe du Siam. Photo : J. Teton


L'ordre des Anthozoaires sessiles, les Anémones encroûtantes Zoantharia, nous offre également des hôtes pour I'aquarium qui sont d'une grande beauté. Les env. 300 espèces forment principalement des colonies animales, quelques unes seulement vivent en solitaires. On les trouve dans toutes les mers, mais en premier lieu dans les zones subtropicales à tropicales. Certaines espèces sont des épithytes, c'est-à-dire qu'elles vivent sur d'autres animaux, mais sans être des parasites. Les Zoanthaires ressemblent aux coraux, mais ils se distinguent de ces derniers par l'absence d'un squelette solide. Ils se protègent par ce qu'on nomme l'exosquelette, une cuticule dans laquelle des corps étrangers (par ex. grains de sable, foramifères, etc.) peuvent être logés. Ils n'ont pas de sole comme les Actinies. Chez les espèces solitaires l'extrémité pointue du corps est fixée dans le sol ou dans le corps d'autres animaux (par ex. éponges). Les formes colonisantes naissent d'une masse corporelle commune et envahissent les roches ou d'autres animaux sessiles sous forme de croûtes à différents aspects. Les polypes dépassent rarement 2 cm en longueur et en largeur. Les courts tentacules sont disposés en deux cercles alternants au bord du disque buccal, leur pouvoir urticant est faible chez la plupart des espèces.

Des colonies de Palythoa ayant la taille d'une main sont souvent importées de l'Indo-Pacifique tropical. Ce Zoanthaire est souvent sessile sous forme de coussin épais. Photo : J. Teton


Le magnifique Parazoanthus axinellae se trouve dans la Méditerranée et dans l'Atlantique tempéré. Il vit sur les pentes escarpées ombreuses, dans des grottes et surplombs où il colonise principalement des éponges du genre Axinella. Cette espèce préfère une eau fraîche et un courant fort. Au-dessus de 20°C les polypes ne se déploient plus, cela mis à part P. axinellae est très robuste. Des nouveaux polypes apparaissent en continuité si on le nourrit avec du plancton artificiel.
Pour d'autres espèces, Epizoanthus paxi, E. arenaceus et E. incrustans les soins sont identiques. Elles colonisent les roches, mais également les coquilles de gastéropodes, même si ces dernières sont encore occupées par un Bernard-l'hermite. Des mers tropicales nous parviennent principalement des espèces du genre Palythoa. Certaines d'entre elles sont vénéneuses, surtout celles de couleur jaune-vert lumineux, et même les typiques mangeurs de polypes tels par ex. Chaetodon austriacus, Ch. ornatissimus, Ch. meyeri et d'autres encore, les dédaignent.
La plupart des espèces du genre Palythoa provenant de l'Indo-Pacifique, par ex. Palythoa caesia, n'absorbent plus de plancton animal. Leur système gastro-vasculaire est très réduit, de sorte qu'elles aussi ne vivent plus que par la symbiose avec les zooxanthelles. En aquarium il faut donc les éclairer intensivement. Les croûtes en marge de la colonie produiront toujours de nouveaux polypes, même sans apport de nourriture de la part de l'aquariophile.

Bac d'invertébrés marins. Photo : J. Teton


Par contre d'autres espèces de ce genre sont très voraces. Ainsi, Palythoa ignota de l'Est du Pacifique et quelques parents indo-australiens avalent des proies de la taille d'une crevette (Mysis). En aquarium elles se multiplient rapidement si elles sont bien nourries. Elles hébergent également des algues symbiotiques et demandent une forte luminosité. Les polypes des colonies d'importation récente mesurent 1,5 cm à diamètre égal. En aquarium, sous bonnes conditions alimentaires et d'éclairage, ils atteignent très vite le double de leur taille initiale.
Les espèces du genre Zoanthus sont importées en étant fixées sur d'autres animaux. Ainsi, Zoanthus danae du Pacifique et Zoanthus sociatus des Caraïbes se trouvent régulièrement sur des éponges. Leur couleur va du vert lumineux au vert foncé. Zoanthus sociatus nous parvient fréquemment sur des algues calcifiées du genre Halimeda ou sur les espèces spongieuses Codium. Epizoanthus gabrieli sert souvent de masque aux Araignées de Mer (Majidae).

La belle espèce jaune Parazoanthus gracilis se développe dans l'aquarium en magnifiques colonies si on lui offre beaucoup de lumière et du plancton artificiel. Photo : J. Teton


Parazoanthus gracilis de la zone indo-australienne est une espèce magnifiquement colorée en jaune lumineux. Cette espèce s'expose en plein soleil. Dans l'aquarium les rubans ou taches jaunes, importés le plus souvent d'Indonésie sur des branches de corail mort, se développent en magnifiques colonies de P. gracilis si on les éclaire fortement tout en les nourissant de plancton artificiel.

Genre Sarcophyton Photo : J. Teton


En compagnie des animaux-fleurs présentés ici, les Anémones encroûtantes se prêtent bien pour l'aménagement d'un récif partiel dans l'aquarium. Si l'on réunit différentes espèces de ces Anthozoaires sessiles il faut absolument respecter un espace d'environ 20 cm entre chaque groupe afin d'éviter les brûlures. Cela s'applique particulièrement aux espèces à croissance rapide, donc les Alcyonaires des genres Sarcophyton, Sinularia, Lobophytum etc. Rappelons-nous que chez certains Scleractiniaires, tel Plerogyra sinuosa, les tentacules deviennent souvent très longs durant la nuit.
De toute manière il faut renoncer à la cohabitation avec Actinies et des Cérianthes qui se déplacent tôt ou tard et endommagent les Anthozoaires sessiles. Les Cérianthes font exploser des milliers de capsules urticantes lors de chaque nourrissage et transforment l'eau de l'aquarium en une véritable "eau de feu" à laquelle aucun animal-fleur résiste longtemps. Et il ne faut pas oublier que les Cérianthes quittent parfois leurs tubes muqueux et se déplacent à travers l'aquarium.

Genre Plerogyra. Photo : J. Teton


En ce qui concerne les "Fleurs de la mer" sessiles ici présentées, il faut également se limiter dans le choix des poissons que l'on veut faire cohabiter. Renoncer de toute manière aux grandes espèces. Seul un aquarium de 2501 et au-delà permet la présence d'un Poisson-chirurgien comme pôle central. Tous les Acanthuridae sont inoffensifs envers les Anthozoaires décrits ci-dessus.Je donne la préférence à Paracanthurus hepatus et Zebrasoma flavescens qui se maintiennent d'ailleurs mieux comme solitaire dans un aquarium d'invertébrés que dans une grande communauté de poissons.
Pour terminer je voudrais encore traiter d'un problème qui préoccupe de nombreux aquariophiles possesseurs d'animaux-fleurs sessiles : les algues vertes filamenteuses. On sait que ces algues marines se développent particulièrement bien dans un aquarium d'invertébrés. Principalement diverses espèces du genre Derbesia qui témoignent par ailleurs de la bonne qualité de l'eau, causent des dégâts vu qu'elles envahissent rapidement. Les Scleractiniaires et Zoanthaires à petits polypes sont particulièrement menacés.
Un endommagement direct des animaux par les algues ou par des substances nocives libérées par ces dernières fait partie du domaine de la fantaisie, même s'il est parfois prétendu le contraire. Or, il serait très facile de détruire ces algues vertes filamenteuses en employant une des préparations à base de cuivre appliquées habituellement pour combattre les maladies d'origine ectoparasitaire chez les poissons. Mais on sait que dans un aquarium d'invertébrés cela est illusoire, car ces animaux ne suportent pas une haute concentration de cuivre et autres métaux lourds. La limite entre une concentration d'importance vitale des métaux précités, que l'on nomme également oligo-éléments, et une dose létale est très faible.
De sorte que pour endiguer la croissance des algues vertes filamenteuses il ne nous reste que la lutte par méthodes biologiques. L'une d'elles, toujours couronnée de succès, est la culture d'algues marines du genre Caulerpa. Celle à croissance rapide, Caulerpa prolifera de la Méditerranée, très bien adaptée à l'eau chauffée de nos aquariums, évite que les algues filamenteuses prolifèrent. C'est la concurrence alimentaire qui joue un rôle, en particulier la lutte pour le dioxyde de carbone.

Les Cérianthes sont assez dangereux vis à vis des autres invertébrés sessiles. Ici : le genre Cerianthus. Photo : J. Teton


Pour lutter contre les algues, j'emploie surtout des mangeurs d'algues. Déjà avant que l'une ou l'autre forme se manifeste dans l'aquarium j'introduis un Poisson-chirurgien, plusieurs oursins des genres Tripneustes, Paracentrotus, Heterocentrotus et Echinometra, ainsi que des gastéropodes des genres Trochus, Turbo, Caltiostoma et autres mangeurs d'algues.
Ne voulant renoncer aux effets favorables que les algues marines supérieures exercent sur la qualité de l'eau, je cultive principalement diverses algues (à feuilles) dans un compartiment séparé. Celui est pratiquement constitué par un compartiment d'eau claire du système de mon filtre intérieur. Ce compartiment reçoit un éclairage intense.

Un autre extrait d'une paroi récifale en aquarium. Elle est complétée par Parazoanthus gracilis, Palythoa ignota et une grande colonie de Lobophytum crassum. Photo : P. Wilkens


Par manque de place il ne m'a pas été possible d'entrer dans tous les détails concernant les Anthozoaires sessiles. D'ailleurs beaucoup d'expériences restent encore à faire pour élargir et améliorer nos connaissances dans ce domaine. Mais c'est justement cela qui rend la maintenance en aquarium de ces êtres marins, ainsi que de nombreux autres invertébrés, si intéressante et passionnante pour les aquariophiles marins.
(1) Prochain article : Les Oursins dans l'aquarium marin.
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