Cahier du
débutant
DÉBUTER AVEC... LE DECOR
par Dominique BIELLMANN - AQUARIUM 32, STRASBOURG. (Revue Aquarama,
1990)
Un aquarium sans décor est comme un paysage sans aucun relief,
il manque assurément quelque chose où l'oeil puisse se poser.
![]() |
Bac spécifique pour Tetra aveugle, décor réalisé en polyurethane. |
Les poissons ont besoin d'un système de références
dans leur volume disponible. Ces repères sont précisement
les éléments du décor. Ils permettront le marquage
des limites territoriales, la ponte de certaines espèces; ils serviront
de refuge aux individus craintifs ou de support pour des végétaux.
Dans ce cahier nous n'envisagerons que la partie inerte du décor,
à savoir: les roches et les racines (éléments que
l'on retrouve dans la plupart des biotopes), et les structures artificielles
qui s'y substituent.
Le décor naturel ...:
Ou plutôt "décor employant des éléments
natures" dans sa constitution. En effet, vouloir reconstituer chez
soi, dans son aquarium, la copie conforme et miniaturisée d'un
coin de lac africain, d'une portion de fleuve sud-américain ou
de marais asiatique, est sans doute présomptueux. D'autant plus
que nous utiliserons le plus souvent des matériaux récupérés
dans la région où nous vivons (bois, roches, etc ...), matériaux
qui ne sont que des copies approchées de ceux qui existent dans
les biotopes d'origine.
Le premier facteur déterminant le choix des composants qui participeront
au décor de l'aquarium est leur totale innocuité
envers les hôtes qui peupleront le bac. Ainsi une roche calcaire
ne doit pas être placée dans de l'eau douce acide sous peine
de se désagréger et de modifier les paramètres physico-chimiques
de cette eau. De même certains bois libèrent des substances
toxiques pour les poissons; tous les résineux, les écorces
(exceptée celle du chêne liège), l'orme (qui de plus
devient rare du fait de l'épidémie de "graphiose")
ainsi que les bois rejetés par la mer (et donc hypersalés) sont
à proscrire.
Les roches:
classification des roches peut se faire selon leur origine. On distingue
alors les roches sédimentaires: constituées par l'empilement de
couches successives (dé pôts marins, lacustres, fluviaux, glaciaires ou
terrestres), les roches métamorphiques: issues des précédentes
mais modifiées dans leur structure par l'action de la chaleur et de la
pression, les roches magmatiques ou volcaniques provenant du magma
(roches en fusion, à grande profondeur, sous températüre et pression très
élevées). Les roches sédimentaires: Elles sont représentées par
les calcaires, les marnes, les grès. Les pierres calcaires ne conviennent
que dans les eaux dures, ou dans les eaux douces dont on veut volontairement
augmenter la dureté. Le test de l'acide (vinaigre ou acide chlorhydrique)
permet de caractériser une roche calcaire par l'apparition de "mousse
effervescente" observée à sa surface (= dégagement
de gaz carbonique) sous l'effet de l'acide. Elles s'utiliseront donc dans
les bacs de type Afrique de l'Est (Grands Lacs), Amérique Centrale
(marigots à eaux saumâtres). Elles n'ont pas leur place dans
le cas d'un milieu fluvial (Amérique du Sud, Afrique ou Asie) présentant
une eau généralement douce et plus ou moins acide.
Les roches sédimentaires siliceuses à l'inverse des
précédentes, tels certains grès, seront parfaites
dans tous les types d'eau (il existe aussi des grès à ciment
calcaire, cf. ci-dessus); d'autant plus que leur structure permet de les
déliter en plaques du plus bel effet pour créer un décor
en strates superposées.
![]() |
Utilisation de "roches du Siam" et de racines de tourbière. |
Les roches métamorphiques:
Ce sont les ardoises, les schistes et les gneiss.
Très intéressantes pour les poissons exigeant de grandes
surfaces de contact (petits Cichlidés africains par exemple); leur
faible épaisseur permet une surface importante pour un poids (volume)
limité. Il faudra cependant éliminer les plaques présentant
des reflets dorés, ces inclusions pourront se dissoudre dans l'eau
et sont toxiques. L'ardoise est noire, les schistes peuvent être
rouges ou verts. Cette variété de couleur autorise toutes
les compositions possibles.
Les roches magmatiques:
Les plus connues sont les granits et les laves. Le granit a une densité
élevée de même que le basalte; de plus les arêtes de ces roches
sont coupantes. Alors que les laves ont le plus souvent l'avantage de
proposer une masse volumique réduite offrant de ce fait un excellent
matériau pour le décor des aquariums. De couleur sombre,
ces laves s'associent très bien avec les plantes, et leurs teintes
rappellent les milieux tropicaux.
Il faut aussi mentionner les quartz, silex et galets. Les deux premiers
sont rares pour l'un et coupant pour l'autre; les galets s'intègrent
dans la reconstitution du lit d'une rivière (Amérique Centrale
ou Afrique (Congo) pour espèce rhéophile). En outre les
espaces subsistant entre les galets les plus gros serviront de refuge
aux éventuels alevins et petits poissons.
Les roches "industrielles":
Issues de la transformation de matériaux naturels, ce sont le coke
et les scories de haut fourneau, les terres cuites, la brique creuse.
Ces éléments sont tous neutres dans l'eau et permettent
des réalisations originales.
![]() |
Bac Malawi décoré avec des roches calcaires. |
Mise en place:
Les roches se posent directement sur la dalle de fond de l'aquarium et
non pas sur une couche plus ou moins épaisse de substrat, car les
poissons fouisseurs parviendraient à déstabiliser ces roches
et à les faire basculer par leur travaux de terrassement! Si le
soubassement est bien stable, l'empilage raisonné de pierres devient
possible.
Le bois:
Quelque soit le type d'aquarium choisi (Afrique, Amérique ou Asie;
eau dure ou douce; etc... .) il existe toujours, sauf à de rares
exceptions, une végétation arbustive ou arborescente dominant
le milieu aquatique d'origine. Et ces arbres finissent tôt ou tard
par tomber dans l'eau. Il est donc normal de retrouver des racines et/ou
des branches dans notre bac.
Le ramassage du bois, même mort, en forêt est souvent réglementé
et ne peut donc pas se pratiquer dans n'importe quelles conditions. Mais
ce bois mort étant généralement passablement décomposé,
il n'offre plus guère d'intérêt pour l'aqua-' riophilie.
Il est nettement préférable d'aller pêcher des morceaux
de branches et de racines dans un cours d'eau ou une mare. En immersion
les processus de dégradation sont nettement ralentis et le bois
conserve un aspect beaucoup plus intéressant.
Un brossage (à la brosse non métallique) et un lavage dans
une solution d'Eau de Javel à 1 % seront suffisants, suivis de
plusieurs rincages à l'eau claire avec brossage achèveront
la préparation du morceau de bois.
Les racines de tourbières prètes-à-l'emploi se trouvant
dans le commerce sont toujours de belles pièces bien conservées.
Les tourbières encore indemnes de toutes atteintes humaines sont
protégées en France (et peut-être ailleurs aussi),
il n'est donc absolument pas question d'aller y creuser pour extraire
des racines!
Si la racine flotte encore, il faut la lester lors de son installation
dans le bac. Soit par un fil de polyamide ("fil nylon") ancré
sur une roche de fond, soit en coinçant un caillou directement
dans un creux de la racine ou toute autre méthode l'immobilisant.
Le bois fossilisé, s'il est issu de couches sédimentaires
profondes, convient parfaitement (alors que la lignite par exemple ne
convient pas du tout). Il est remonté avec le gravier ou les galets
lors de l'exploitation d'une gravière. Le bois pétrifié
ou silicifi! la silice a imprègné les cellules végétales,
ici le processus de fossilisation n'est pas encore achevé. Ces
deux matériaux s'emploient directement, sans traitement préalable,
seul un brossage suffit.
![]() |
Aquarium de 1500 I. décor en polyuréthane teinté dans la masse. |
Le décor artificiel:
L'aquariophilie a considérablement évolué ces vingt
dernières années. La technique du décor artificiel
en est l'exemple le plus frappant.
Petit historique
C'est au début des années 70 que les premiers décors
artificiels ont été réalisés en polystyrène
expansé au sein de la section "Eau de mer" du plus ancien
club d'aquariophilie de France: "Les Amis de l'Aquarium - 1932 de
Strasbourg". Cette première génération de décors
était placée derrière le bac, à l'extérieur;
le polystyrène était recouvert de peinture classique et
donc souvent toxique (présence de plomb et autres métaux
dans les pigments).
L'apparition de colorants alimentaires (non toxiques) permis l'intégration
du décor artificiel dans l'aquarium. Mais sa résistance,
à l'eau et aux poissons, restait limitée.
La mise sur le marché des résines "époxy"
(ce sont les matières de synthèse résultant du mélange
ad hoc d'une résine et de son catalyseur) résolut le problême
de la trop faible résistance du polystyrène expansé
et de l'instabilité des couleurs.
Ces produits sont d'un coût relativement élevé par
rapport à d'autres types de résines existants, mais ces
dernières nécessitent alors l'application de plusieurs couches
de nature différente (gel-coat, mat de verre, etc...) jusqu'à
l'obtention du produit fini.
Enfin, il faut mentionner les mousses de polyuréthane, bi-composantes,
produits résultant des recherches en matière d'économie
d'énergie.
Le décor en polystyrène expansé
Plusieurs densités de ce matériau sont disponibles dans
le commerce. Il faut choisir le polystyrène dont les billes sont
les plus petites et donc la densité la plus élevée;
sa rigidité est nettement supérieure. On le trouve sous
forme de blocs (dimensions maximales courantes: 250 x 150 x 50 cm) ou
de plaques d'épaisseurs variables. Le choix du modèle est
fonction du type de décor que l'on veut réaliser: un bac
hollandais, abondamment planté, ne sera décoré que
d'une plaque sur la vitre arrière, alors qu'un aquarium fluvial
sud-américain à rives creusées nécessitera
l'emploi d'un bloc plus épais dans lequel on pourra tailler les
formes requises.
Le travail du bloc s'effectue avec différents outils: scie égoïne,
grand couteau à lame dentée, burin, tournevis, cable électrique
à noeuds (= scie pour les gros volume), décapeur thermique,
chalumeau portatif, crayon, feutre, etc....
L'utilisation des appareils thermiques ou chauffants imposent de travailler
dans un local très bien aéré ou encore à l'air
libre, mais à l'abri du vent; les vapeurs dégagées
par le polystyrène sont toxiques.
La création du décor se déroule selon les étapes
suivantes:
- tout d'abord il s'agit de réduire le bloc au volume total qu'il
occupera dans l'aquarium, en laissant un peu de marge qui disparaîtra
lors de la rétraction à la chaleur.
- les plans arrière et latéraux sont flambés (chalumeau)
ou chauffés (décapeur thermique), l'état de surface
du polystyrène est modifié (durci) par cette opération.
- il reste alors à sculpter le décor proprement dit: crayon,
feutre permettront de tracer les grandes lignes en fonction du résultat
escompté; scie, couteau, tournevis, doigts couperont, tailleront,
creuseront les failles, pics, cavernes, etc...
Il ne faut jamais perdre de vue la forme et la structure des roches et
racines qui participeront à la décoration. L'ensemble doit
rester cohérent.
Le bloc de polystyrène peut être creusé dans tous
les sens, cependent il est préférable de conserver une épaisseur
minimale (environ 1 cm), sous peine de voir apparaître des trous
indésirables et irrécupérables!
- le travail de sculpture une fois achevé, toutes les surfaces
ainsi créées sont à leur tour flambées ou
chauffées avant d'être résinées.
Il est impératif que la résine enduise tous les moindres
recoins. En effet, le polystyrène n'est pas une molécule
stable, il se dégrade sous l'effet de réactions photochimiques
en libérant du styrène toxique; d'où l'enrobage par
le résine qui l'isole totalement. De plus la colle au silicone,
qui servira à fixer le décor dans l'aquarium, adhère
à la résine et non au polystyrène
Le décor en mousse polyuréthane
Le polyuréthane se trouve sous deux formes soit à deux composants
que l'on mélange extemporanément (on peut inclure lors de
cette opération un colorant teintant dans la masse), soit en bombe
sous pression qui délivre un produit prêtà-l'emploi.
Dans les deux cas, la mousse va multiplier son volume initial par un coefficient
d'environ 25 fois! C'est-à-dire que 1 litre de préparation
va donner 25 litres de mousse polyuréthane après réaction...
Il est possible d'inclure toute sorte d'objets (brique, roche, racine,
etc. . .) au cours de la réalisation; s'ils doivent pouvoir être
retirés après polymérisation de la mousse, par exemple
pour marquer l'empreinte du futur filtre à décantation,
il suffit de les graisser (margarine ou équivalent). La mousse
adhère sur les surfaces soigneusement dégraissées
au préalables (acétone ou trichloréthylène).
La mousse de polyuréthane ne nécessite aucun flambage, étant
de structure totalement différente de celle du polystyrène
expansé. La résine s'applique directement.
![]() |
Bac marin, décor en polystyrène résiné. |
La résine époxy
Que le décor soit réalisé à partir d'un bloc
de polystyrène ou de mousse polyuréthane, la résine
intervient dans la finition dans les deux cas.
Elle isole le décor de l'environnement aquatique (cf. ci-dessus),
le renforce, permet enfin d'incruster du sable de différente nature
(coquiller calcaire, de quartz
neutre, ou autre). Le sable est projeté sur la résine encore
humide, l'excédent est éliminé après sèchage
en secouant le décor.
La réussite d'utilisation de la résine époxy repose
sur le respect des règles d'emploi, à savoir:
- il faut se conformer au mode d'emploi du fabricant.
- travailler à une température minimale de 20 °C.
Si la résine ne polymérise pas totalement, elle reste toxique
par chacun de ses composants, à l'inverse du polymère qui
est parfaitement inoffensif. Cette propriété autorise l'inclusion
d'un colorant classique dans le mélange résine-catalyseur
avant, il sera neutralisé après réaction.
La polymérisation est un processus rapide, il faut effectuer le
mélange petit à petit, en quantités limitées
immédiatement applicables sur le décor (application au pinceau).
Sur un décor polystyrène, on commence par les faces arrière
et latérales du bloc, sans sablage, puis par l'avant avec colorants
et sables de teintes variées. L'ensemble, une fois sec et complètement
polymérisé, est mis en place dans l'aquarium par collage
à la colle silicone entre le décor et les vitres; ne pas
oublier de poser un joint de colle entre tout le pourtour du décor
et les vitres, il empêchera les poissons de s'insinuer et de se
coincer dans cet espace où ils n'auraient aucune chance de survie.
Le polyuréthane est forcément déjà en place
dans le bac, l'application de la résine est ici plus délicate
dans la mesure où il faut veiller à ne pas en répandre
sur la vitre frontale, le nettoyage s'avérant difficile. Une protection
en papier journal de cette vitre est utile et efficace.
Une couche de résine suffirait normalement, mais il est souvent
préférable dans passer deux couches. Les poissons agressifs
risqueraient d'entamer le décor monocouche.
Conclusion
L'arrière-plan artificiel étant réalisé, les
éléments naturels (bois et roches) étant placés,
l'étape suivante est de déposer le substrat. Il sera constitué
de sable, de lave concassée, choisi en fonction de l'orientation
générale de l'aquarium.
Rappel: la décoration idéale devrait être cohérente.
Puis viendra le choix des plantes et des poissons, avec différentes
orientations possibles: bac hollandais (véritable jardin botanique
aquatique), bac communautaire (cohabitation de plantes et de poissons
d'origines diverses), bac régional (correspondant à un biotope
précis). Chacun réagissant selon ses goûts personnels.
![]() |
Bac Tanganyika avec décor polystyrène et roches granitiques en plaques. |
Pour en savoir plus...
AQUARAMA (pour mémoire: année(numéro)première
page)
ALLGAYER, R., TETON, J.: Des matériaux insolites au service de
l'aquariophilie. 81 (59) 77.
NAUD, P.: Les decors en matériaux synthétiques. La "rochepierre"
une roche alvéolaire reconstituée pour la decoration des
aquariums. 86 (88) 38; 86 (89) 46; 86 (90) 54; 86 (91) 66.
TETON, J.: La décoration de l'aquarium. 86 (92) 34.
TETON, J.: Les décors en matériaux synthétiques.
85 (81) 38; 85 (82) 38; 85 (83) 28; 85 (84) 57;, 85 (85) 20; 85 (86) 42;
86 (87) 39.
LIVRES
ALLGAYER, R. & TETON, J.: Plantes et decors d'aquarium. Bordas, 1986:
pp. 158.
MASSON, C.: Poissons et aquariums. Larousse, Paris 1984.
TERVER, D.: Manuel d'aquariologie 1. L'aquarium eau douce et eau de mer,
Réalisations Editoriales Pédagogiques, Paris 1986: pp. 303