Cahier du
débutant
DÉBUTER AVEC... LES POISSONS
par Dominique BIELLMANN - AQUARIUM 32, STRASBOURG. (Revue Aquarama,
1990)
Au moment de choisir votre nouveau, ou premier pensionnaire, voici
quelques indications qui vous aideront peut-être ...
Bac d'ensemble |
L'aspect général du poisson: il est brillant, d'un
éclat métallique rehaussé de reflets irisés,
son mucus est transparent;
L'odeur: elle est fraiche, ni ammoniacale, ni altérée
mais "rappelant la marée";
L'oeil: doit être clair, brillant, légèrement
saillant et remplissant bien l'orbite;
Les branchies: sont d'une coloration uniforme rouge ou rose sombre,
brillantes et humides.
Le corps: il doit être ferme et élastique.
Bien sûr les indications ci-dessus sont affichées au rayon
poissonnerie du supermarché au coin de votre rue!
En général vous y achetez du poisson frais à consommer
et non pas un nouvel habitant de votre bac .. .
Il n'en reste pas moins que certaines de ces affirmations sont toutes
aussi valables pour un poisson vivant d'aquarium que pour un poisson mort
et destiné à la consommation:
- si l'aspect général n'est pas impeccable, il y a de fortes
chances pour que l'individu soit malade, plus ou moins gravement (ceci
est un autre problême que d'évaluer le degré d'évolution
d'une affection). Un mucus laiteux, des écailles hérissées
sur le corps, un ou les deux yeux faisant saillie (exophtalmie), le ventre
creux par exemple sont des signes qui traduisent un état sanitaire
déplorable, choisir un poisson malade revient à ouvrir chez
soi un hôpital.
- vous aurez beaucoup de mal à humer votre poisson, par contre
l'odeur globale du bac dans lequel il est maintenu est souvent perceptible
et elle peut vous renseigner, si elle est désagréable ou
altérée reportez votre choix sur la population d'un autre
bac (ou changer de fournisseur).
- la forme générale du corps doit vous sembler normale.
C'est-à-dire que, l'aspect variant bien entendu d'une espèce
à l'autre (un Corydoras ne ressemble pas à un Scalaire
qui diffère d'un Guppy, etc . . .), l'individu doit être
exempt de toute déformation. Ces malformations peuvent avoir une
origine traumatique on génétique.
Si elles sont transmissibles à la descendance (origine génétique
de l'affection) vous prenez le risque de multiplier dans votre aquarium
des monstres (= êtres vivants de conformation anormale) qui ne seraient
certainement pas viables dans leur habitat naturel. La pression de sélection
qui s'y exerce, élimine les individus non adaptés au milieu
d'origine.
Il est aussi vrai que c'est par ce type de mécanisme, entre autre,
qu'apparaissent de nouvelles variétés qui déboucheront,
si elles évoluent favorablement, sur de nouvelles espèces
. . . dans quelques milliers d'années.
- le comportement du poisson est révélateur. S'il reste
prostré dans un coin du bac il est manifestement dominé
par d'autres occupants, mais il couve peut-être quelque chose que
vous aurez du mal à soigner.
Plus grave encore, s'il nage en décrivant des loopings et autres
figures, vous pouvez suspecter un empoisonnement.
Le choix du poisson peut reposer sur plusieurs critères que nous
aborderons successivement.
CHOIX LIÉ AU MODE DE VIE DES ESPÈCES.
Les poissons de fond (= de substrat):
Ils vivent près du sol ou sur les plantes, ils se nourrissent essentiellement
des restes alimentaires abandonnés par les autres poissons des
"étages" supérieurs et éliminent de ce
fait les déchets qui sédimentent (ils sont détritivores).
Ce sont en général des nettoyeurs qui, pour certains d'entre
eux, débarrassent les plantes ou le décor, ainsi que les
vitres du bac, des algues qui poussent dessus. Leur bouche est en position
inférieure, au contact direct du substrat.
Les plus connus appartiennent à la Famille des Callichthydés
avec les Genres Corydoras et Callichthys.
A noter que ces poissons présentent des barbillons ornant le pourtour
de leur bouche qui sont fragiles. Le fond de l'aquarium devra être
recouvert de sable et non pas de gravier qui abimerait ces barbillons,
blessant ces poissons. La Famille des Loricariidés est aussi composée
de nettoyeurs, mais ceux-ci ne possèdent pas de barbillons autour
de la bouche, ils sont donc à l'abri de problèmes liés
à la granulométrie du substrat. On trouve dans cette Famille
les Hypostomus (ex Plecostomus), les Rineloricaria,
Ancistrus et autres Otocinclus.
Dans cette Famille la bouche est transformée en ventouse suceuse
qui leur permet de gratter les algues fixées sur les différents
supports dans le bac.
Ces deux Familles sont américaines, provenant d'Asie on trouve
l'Epalzeorhynchus ou le Gyrinocheilus.
Dans les autres Familles, on trouve des poissons qui se délimitent
un territoire sur le fond mais qui viennent se nourrir vers la surface
(certains Cichlidés territoriaux par exemple) ou d'autres, comme
le Satanoperca jurupari (littéralement mangeur de terre):
un Cichlidé qui prend une bouchée de sable dans sa bouche,
fait le tri puis avale ce qui est comestible et rejette le reste par les
ouïes et la bouche.
Les poissons de surface
Ils se cantonnent au niveau de l'interface eau air. Ils se nourrissent
de tout ce qui flotte à la surface ou sont typiquement insectivores
dans leur milieu naturel. Ils sont alors adaptés à la capture
des insectes vivant hors de l'eau.
Les adaptations les plus surprenantes à ce régime alimentaire
se manifestent soit par un saut hors de l'élément liquide
(Famille des Gasteropelecidés = Poissons-Hachettes dont les Genres
Carnegiella, Gasteropelecus et Thoracocharax sont
les plus connus), soit par harponnage par un jet d'eau propulsé
sur la proie qui tombe à la surface où elle est alors capturée
(Toxotes jaculator).
Un aquarium abritant des poissons sauteurs devra être impérativement
bien fermé, sous peine de les retrouver sur le tapis.
De façon générale, l'adaptation à la vie en
surface est caractérisée par la position supérieure
de l'orifice buccal qui permet le nourrissage sans que le poisson n'ait
à se déplacer par rapport au plan horizontal, les yeux pouvant
continuer à surveiller les niveaux inférieurs (ou l'on retrouvera
des prédateurs de toute sorte). Beaucoup d'espèces présentent
cette caractéristique: le célèbre Guppy (Poecilia
reticulata), les Xipho. Platy, Molly et autres Poeciliidés
(Vivipares) pour ne citer qu'eux.
Les poissons de pleine eau
Ils occupent le volume de l'aquarium, par opposition aux poissons des
deux premiers types qui se limitent aux plans (fond et surface).
Les formes sont les plus diverses, variant au sein d'une même Famille:
les Characidés réunissent les Néons, les Tétras
par exemple; les formes extrêmes se rencontrent chez les Discus
(Cichlidés), les poissons-crayon (Nannostomus) ou les poissons
de verre (Chanda), etc...
Les régimes alimentaires sont tout aussi variés. Les espèces
les plus faciles sont omnivores et acceptent sans difficulté les
nourritures lyophilisées ou sèches relativement bien équilibrées
du commerce. Certaines espèces nécessitent un apport végétal
régulier (épinard ou salade le plus souvent): Helostoma
temminckii (Gourami embrasseur), Osphronemus gorami (G. géant);
si le complément est absent ces poissons se rabattront sur les
plantes du bac! Les poissons carnivores se régaleront des poissons
plus petits qu'eux qu'ils pourront attraper bien qu'ils acceptent les
aliments sèchés, les Scalaires sont un exemple de ce cas.
Les espèces les plus difficiles sont assurément celles qui
refusent toute nourriture non vivante, le maintien de tels individus est
subordonné à un élevage (ou à la récolte)
permanent de petites proies adaptées à ces poissons.
Heureusement, avec des exemplaires jeunes, on arrive à les faire
accepter des aliments non frétillants; le premier éleveur
conditionne souvent l'animal pour le restant de sa vie, des poissons d'une
même espèce mais d'origines distinctes ont parfois des habitudes
alimentaires très différentes ce qui ne facilitent en rien
leur maintenance.
Lors du choix des poissons effectué sur le critère "mode
de vie", il faudra veiller à équilibrer entre-elles
les populations des trois niveaux de l'aquarium.
L'eau devra avoir des qualités acceptables pour tous les poissons,
c'est-à-dire d'une dureté comprise entre 5° et 20°
THf et légèrement acide, sauf cas très particuliers.
Le critère alimentation des futurs pensionnaires devra être
vérifié à l'acquisition pour éviter toutes
surprises ultérieures.
Le comportement social doit dicter le nombre d'individus à acquérir
pour une espèce donnée. Les Characidés vivent généralement
en banc alors que le Combattant mâle sera solitaire.
Le dernier aspect à ne pas oublier est la taille adulte couramment
atteinte par le poisson que l'on acquiert jeune. Les surprises sont réellement
de tailles!
CHOIX LIÉ AU BIOTOPE ET A L'ORIGINE GÉOGRAPHIQUE.
Ce choix repose sur la réunion de poissons évoluant naturellement
dans des eaux dont les paramètres physico-chimiques sont similaires.
Trois cas sont à envisager:
- Les poissons indifférents (sous réserve que l'on reste
dans des valeurs acceptables). C'est le cas de la plupart des Cyprinidés,
des Poissons-Chats, de nombreux Cichlidés et de certains Characidés.
- Les poissons affectionnant l'eau dure et alcaline. Ce sont les Vivipares,
certains Cichlidés (africains souvent), les Tétraodons qui
sont à la charnière entre les milieux dulcicole et saumâtre.
Les poissons préférant l'eau douce et acide, Characidés,
Cyprinodontidés, certains Cichlidés (Discus par exemple).
On peut aussi se limiter strictement à une origine géographique
précise et essayer de reconstituer le biotope correspondant en
choissant les principales espèces qui y vivent. On tentera d'obtenir
alors des bacs type "Malawi à Pseudotropheus"
ou "Bassin de l'Amazone à Discus" ou encore "Marigots
d'Amérique Centrale à Vivipares", etc...
L'acquisition des poissons.
Le type de peuplement désiré étant à peu près
défini, fonction de ses choix, du volume disponible, il reste à
acquérir les poissons qui le composeront. Plusieurs posibilités
s'offrent à vous: le commerce spécialisé, la bourse
aux poissons de votre club aquariophile, le particulier.
Quelque soit votre choix, assurez-vous du sérieux et de la compétence
de votre fournisseur.
Le commerce professionnel vous permettra de trouver, en général,
les poissons disponibles actuellement pour l'aquariophile. Un commerçant
ne tient pas toutes les espèces, il est plus ou moins spécialisé.
Il en reproduit certaines, d'autres proviennent d'élevages (industriels
parfois, la qualité peut alors s'en ressentir), ou alors elles
sont importées directement du biotope naturel. L'état sanitaire
doit être ici irréprochable. Observez la manière dont
il nourrit ses pensionnaires, si les poissons sont déjà
habitués à la nourriture sèche ou non-vivante chez
le commerçant, ce sera une difficulté de moins à
surmonter lors de l'acclimatation chez vous.
La Bourse aux poissons de votre Club Aquariophile local vous offre deux
garanties: a priori vous êtes membre de ce Club, donc vous connaissez
les autres personnes et vous pouvez largement vous informer sur les particularités
des différents poissons proposés d'une part, et d'autre
part les spécimens mis en vente proviennent tous d'élevages
locaux, ils sont adaptés aux conditions que vous pourrez avoir
chez vous et le vendeur vous donnera certainement les "tuyaux"
pour bien les maintenir.
Par contre les espèces rares ou non reproduites ne seront pas disponibles
ici.
La solution des petites annonces dans les "journaux à distribution
gratuite" est aléatoire. Vous ne connaissez rien, ni du vendeur,
ni de son aquarium, si ce n'est que le plus souvent de telles annonces
offrent: bac + décor + plantes + poissons + accessoires...
Celles paraissant dans votre Revue Aquariophile Bimestrielle préférée
sont le fait, a priori, de personnes passionnées comme vous et
ayant le même centre d'intérêt.
Remarques:
Un poisson d'élevage sera sans doute plus résistant et plus
facile à élever que son homologue sauvage, à condition
que la reproduction soit réalisée selon certaines règles,
sous peine d'isoler une variété dégénérée
ne correspondant plus au type sauvage d'origine.
La détermination du sexe d'un poisson peut se révéler
extrêmement délicate. Faire confiance au vendeur n'est pas
toujours une excellente solution, malgré sa bonne volonté.
Il est nécessaire le plus souvent de manipuler le poisson pour
vérifier de visu la morphologie de l'orifice urogénital,
cette opération reste délicate, il faut éviter de
traumatiser le poisson. Si l'espèce est reproduite ou connue quelques
personnes sauront vous indiquer les différences existant entre
les deux sexes et donc vous renseigner valablement, mais si vous êtes
confronté à une espèce rare seul un spécialiste
pourra vous informer. En fait il est souvent utopique de n'acheter que
deux poissons "formant un couple", la déception est à
la hauteur des espérances.
Transport de votre nouveau pensionnaire.
Plusieurs conteneurs sont employables pour le transport des poissons:
Le plus classique est le sachet plastique ou polyéthylène
rempli au 1/3 du volume seulement d'eau, les 2/3 restants sont gonflés
à l'air ou à l'oxygène. Le sachet sera maintenu à
l'horizontale pour assurer une surface d'échange air/eau la plus
importante possible.
Si le poisson est épineux il faut doubler le sachet par un deuxième,
en intercalant du papier entre les deux. Les sachets peuvent être
rangés dans une caisse en polystyrène expansé (à
récupérer chez votre poissonnier par exemple). L'ensemble
du colis reste léger, relativement résistant et est surtout
fortement calorifuge (très faible déperdition de chaleur)
à condition de bien fermer le couvercle, lui aussi en polystyrène,
sur la caisse. Une autre solution, uniquement pour les trajets courts,
est l'emploi d'un seau à couvercle étanche, de 5 à 10 litres, du genre
seau à crême liquide ou à moutarde pour collectivité, bien rincé évidemment!
Conclusion
Le choix des poissons reste une affaire de goût et de sensibilité personnelle.
Il n'en reste pas moins que tout n'est pas possible. Les poissons sont
des êtres vivants qui nécessitent un minimum de considération de notre
part. Leur apporter les conditions de vie optimales est bien le moins
que l'on puisse faire. Veillez à toujour introduire les poissons les plus
petits et/ou les plus craintifs en premier dans votre aquarium. Ils auront
le temps de reconnaitre leur nouveau territoire et toutes ces cachettes.
Ils seront alors prêts à se soustraire efficacement à l'ardeur des prédateurs
qui suivront.
Pour en savoir plus
MASSON, C.: Poissons et aquariums. Larousse, Paris 1984.
TERVER, D.: Manuel d'aquariologie 1. L'aquarium eau douce et eau de mer,
Réalisations Editoriales Pédagogiques, Paris 1986: pp. 303
TETON, J. & ALLGAYER, R.: Encyclopédie du Discus. Aquarama/Sopic,
Strasbourg 1986: pp. 127