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OSMOSE INVERSE - DETARTEUR

par Robert ALLGAYER - AQUARIUM 32, STRASBOURG. (Revue Aquarama, 1992)
Plus notre eau "potable" se dégrade et plus les appareils de traitement de l'eau fleurissent. Une grande part de notre courrier des lecteurs que nous recevons à la Revue concerne des renseignements sur ces appareils. Nous nous sommes toujours efforcés de garnir une certaine réserve face aux "performances" et aux "qualités" annoncées de ces appareils. Nous ne voulons mettre personne à l'index, nous nous contenterons de rappeler les principes de fonctionnement et les matériaux employés, ce sera à l'aquariophile de faire son choix.

Le choix d'un appareil à osmose inverse n'est pas difficile actuellement ... mais il faut y mettre les moyens. Photos: R. ALLGAYER.


Sans vouloir rentrer dans une polémique, il est parfois nécessaire de remettre les pendules à l'heure en ce qui concerne les appareils de traitement de l'eau.
Noue éliminerons d'emblée la permutation et la bipermutation qui sont totalement inconpatibles avec l'aquariophilie.
Plusieurs cas de figure peuvent se présentent à l'aquariophile suivant ses besoins, le but à atteindre, et les conditions physico-chimiques imposées par son eau de conduite.
Le même appareil ne sera compatible si vous habitez la Bretagne, l'Auvergne, ou la région parisienne. Que vous voulez reproduire des Néons ou du Discus, préparez de l'eau de mer pour votre bac à invertébrés, etc.
Actuellement, en aquariophilie, le polluant le plus nuisible dans l'eau de conduite est certainement la présence de nitrates à un taux plus ou moins élevé selon la région. Mais j'entends déjà les chalands crier en se frottant les mains "les performances de nos appareils dépassent largement les besoins de vos poissons" (sic!). Rien n'est moins vrai !
Il serait illusoire de croire que pour 3000 ou 5000 FF vous allez avoir un appareil qui vous restituera une eau parfaitement pure ... à fortiori pour 1000 FF bien que l'offre existe dans le cas de l'osmose inverse.
QUE CHOISIR?
En Bretagne où le taux de nitrate dépasse allègrement la norme de l'OMS (50 ppm) pour parfois atteindre 100 ppm au robinet, la seule solution consiste à traiter l'eau sur des résines cationiques et anioniques séparées ou mélangées. C'est la seule garantie d'une élimination TOTALE des nitrates, ce que l'osmose inverse "aquariophile" ne peut pas garantir.
Dans une région où l'eau est fortement ou faiblement minéralisée et où le taux de nitrate est faible ou moyen l'osmose inverse s'impose pour par exemple reproduire des espèces d'eau douce à faible minéralisation ou nulle.
En eau de mer, principalement pour la maintenance des invertébrés il est nécessaire de préparer son eau avec celle de conduite, mais ... si le taux de nitrate atteint déjà 20 ppm au robinet mieux vaut en rester là. Beaucoup d'invertébrés ne supportent déjà plus cette teneur en nitrate.
Je propose les choix suivants:
- Bac eau de mer sans invertébrés: eau de conduite ayant un taux de nitrates jusqu'à 50 ppm.
- Bac eau de mer avec invertébrés. Eau de conduite jusqu'à 20 ppm de nitrate
- Bac eau de mer avec invertébrés: Osmose inverse pour une eau de conduite de 20 à 70 ppm de nitrate
- Bac marin: au-dessus de 70 ppm de nitrates dans l'eau de conduite, utilisez des résines ou l'osmose inverse mais dans ce cas de figure l'appareil devra avoir un pouvoir de rétention supérieur à 95% pour les nitrates ( ne pas confondre avec la rétention globale des appareils).
AVERTISSEMENT: dans le cas de l'utilisation de l'osmose inverse pour la préparation de l'eau de mer, il est extrêmement important de rétablir le pouvoir tampon des carbonates afin de stabiliser le pH en eau de mer
- Bac eau douce: eau de conduite jusqu'à 30 ppm de nitrates
- Bac eau douce: eau de conduite de 30 à 70 ppm - l'osmose inverse
- Bac eau douce: Résines sur lit mélangée si l'eau à plus de 70 ppm de nitrates
- Reproduction d'espèce d'eau douce à minéralisation nulle: Osmose inverse jusqu'à 70 ppm de nitrates, au-dessus utiliser les résines sur lit mélangée.
Pourquoi les résines dans le cas d'un taux de nitrate élevé et pas l'osmose inverse?
Cas de l'osmose inverse.
Je ne voudrais pas revenir sur le principe théorique de l'osmose inverse, mais plutôt sur son application et les résultats que devraient fournir ces appareils issus du commerce aquariophile.
L'aquariophile s'il franchit le pas pour se doter d'un tel appareil ce n'est certainement pas pour faire ses glaçons, ou pour le goût des boissons (ROCA; 1989: 2529). En outre il faut rappeler que pour une personne en bonne santé, l'eau "pure" pourra être préjudisciable à terme par l'absence de certains oligo-éléments indispensables à la vie (caries dentaires, rachitisme etc.) C'est donc un appareil qu'il ne faut en aucun cas brancher sur le robinet servant à l'alimentation de la famille.
Après cet avertissement revenons à notre osmose inverse. L'appareil est doté d'une membrane semi-perméable, qui part le passé était de qualité biologique (vessie de porc, cellulose, par ex.) mais la technologie des plastiques a permis la réalisation de membranes artificielles plus ou moins performantes voir très performantes selon les appareils.
Les appareils à haute performances, par exemple ceux utilisés en milieu hospitalier pour la dialyse, les capacités de rétentions des contaminants sont les suivants:
Ions 95% à 99% de rejection globale
Organiques dissous > 99% (> 300 Daltons)
Particules > 99%
Bactéries > 99%
Le passage des molécules d'eau à travers la membrane se fait par transfert successif d'un site d'une liaison hydrogène à l'autre. La rétention des sels est en relation avec la valence des ions. Ainsi la rétention n'est pas absolue et environ 10% des sels monovalents diffusent à travers la membrane. Plus la charge ionique est élevée, meilleure sera la rétention. Les ions divalents ou trivalents (Ca++ ou Al+++) sont repoussés plus loin de la surface de la membrane que les ions monovalents. Ainsi 90 à 95% de tous les éléments minéraux sont retenus et 99 % des éléments organiques et matières colloidales, bactéries, virus etc.
Selon la matière constituant cette membrane, l'appareil sera plus ou moins performant. Elle sera souvent, soit en cellulose, acétate, triacétate, sulfon pour les moins performantes ... les passoires; en polyvinyle pour la meilleure. Il importe donc de s'assurer, avant l'achat, que la membrane de l'appareil soit réalisée en cette matière. Par la suite, il vous importera de connaître la capacité de rétention par ion surtout dans le domaine qui vous intéresse (Calcium, Magnésium, bicarbonates) et dans tous les cas, les nitrates, herbicides et pesticides. Tous les autres éléments présents dans l'eau potable, souvent à l'état de traces (10ème ou 100ème de ppm) sont de toute façon retenus à près de 98% - 99%. Quel intérêt avons-nous de savoir que le Cadmium, le Chrome, le Nikel sont retenus à 99% alors que leur teneur dans l'eau potable est de toute façon infime. Que représente 99% de rétention de 0,5 ppm pour nos poissons?
Mais le Breton, par exemple, sera confronté à une eau qui pourra atteindre 100 ppm de nitrate selon le lieu de captage de l'eau de conduite et la saison. Un appareil à osmose inverse de qualité moyenne, possède un pouvoir de rétention des nitrates de 60% à 75% au mieux 80% et laissera donc encore passer 20% à 40% de nitrates dans son perméat. Avec ce genre d'appareil, notre Breton aura encore des problèmes avec son bac marin à invertébrés malgré la préparation de l'eau de mer avec l'osmose inverse.
Bien entendu il existe des appareils à osmose inverse qui atteignent des performances élevées en rétention des nitrates. Ils sont alimentés par un compresseur, leur débit de perméat est dix fois supérieur, le rejet à l'égout n'est plus que de moitié, ... mais leur prix est aussi multiplié par cinq. Dans ce cas précis, il serait plus judicieux d'opter pour une désionisation totale à partir de résines cationiques et anioniques ou mélangées.
Malgré les inconvénients dus à la régénération des résines, il est parfois au stade actuel, préférable de choisir cette solution en fonction des moyens pécuniers disponibles.

Le détarteur peut, dans certains cas, "fonctionner", cependant il n'a qu'une faible incidense sur le TAC. Il n'abaisse que le seuil de sursaturation.


Les détartreurs électriques
Les foires, les expositions et les boites aux lettres, avec les piles de prospectus aguichants vous promettent un détartrage total de votre installation sclérosée ou une eau "débarrassée" de son calcaire.
Qu'en est-il?
La lecture de ces prospectus est déprimante, voir hilarante, et ne sont exploités que par des gens aux préoccupations essentiellement commerciales. Ces commerciaux sont, dans la plupart des cas, incapables d'expliquer les bases théoriques, le mode d'action de ces appareils et par voie de conséquence de leur utilisation optimales ... s'il y en avait une!
Les premières tentatives de traitement de l'eau à partir de procédés électriques datent du début du siècle, et jusqu'en 1945 il s'agisait de procédés assez empiriques.
Pendant près de 10 années (1945-1955), des études ont conclue que les résultats du traitement électrique de l'eau sont assez aléatoires et imprévisibles.
Et jusqu'aux années 1979 les scientifiques ont une attitude assez critique étant donné qu'aucun élément rationnel permettait d'échaffauder une thèorie cohérente. Depuis les années 1970, de nombreux appareils apparaisent, malgré l'inconsistance des notices commerciales, et le doute s'installe grâce à des témoignages favorables, sans pour autant démontrer l'efficacité réelle des dispositifs.
Quelque soit la forme ou la présentation de ces appareils, il repose tous sur le principe de l'électrolyse de l'eau dû au passages d'un courant électrique faible entre une anode et une cathode, cette dernière produisant des ion OH- dans son environnement immédiat.
Cette production augmente avec l'intensité du courant, fait augmenter le pH jusqu'à la formation homogène de cristaux de CaCO2 et cela d'autant plus facilement que l'eau à traiter est entartrante.
Pour que le procédé reste efficace il importe qu'il n'y ait pas de germination de cristaux au niveau de la cathode, car les dépots sur l'électrode provoque rapidement sa polarisation et un blocage de l'électrolyse. Pour éviter cet inconvénient il importe que la vitesse de l'eau à travers l'appareil soit suffisament rapide afin d'y empêcher le dépot de cristaux.
L'anode produit de l'hydrogène et tend à abaisser le pH. Si l'anode est métallique, celle si est facilement oxydable et pourra participer à une adhérence faible du tartre par floculation.
L'efficacité relative du procédé réside dans une relation de l'augmentation du temps de germination après le passage de l'eau dans la cellule et l'intensité du courant appliquée et ces caractéristiques.
La libéralisation de faibles quantités d'ion OH- devrait normalement favoriser une précipitation de CaCO3 et devrait pouvoir être constatée sur l'eau traitée.
C'est ce qu'à fait J. M. GABRIEL (1982). Effectivement une eau traitée qui à l'origine possède un TAC de 32° f diminue de 5° f TAC, ce qui est suffisant pour empêcher le dépôt de tartre en diminuant le degré de sursaturation et prévenir le phénomène de gemination hétérogène sur les parois des conduites ou des installations. Par contre il y a formation par germination homogène de cristaux de Vatérite et d'Aragonite secondaires (qui affectent souvent l'étancheité des robinets au niveau des presse-étoupes).
L'efficacité de ces appareils semble démontrer, mais pas comme le croit le commun des mortels, par une élimination totale du calcaire, mais uniquement par cet abaissement du seuil de sursaturation.
L'inefficacité des appareils semble principalement due:
- à la polarisation des électrodes par une mauvaise étude de leur conception (utilisation de courant continu, forme de la chambre d'électrolyse symétrique),
- par un passage trop lent de l'eau sur la cathode (formation de cristaux).
Les courants éléctriques impulsionnels semblent plus efficaces par une préservation de la cathode de sa polarisation. Le courant utilisé ayant les caractéristiques suivantes: signaux rectangulaires de 10 ms à une fréquence de 25 Hz dans une chambre d'électrolyse disymétrique.
CONCLUSION
L'achat d'un appareil à osmose inverse doit être mûrement réfléchi en fonction de la finalité recherchée par l'aquariophile, par la compostion ionique de son eau de conduite, principalement la teneur annuelle moyenne de nitrate, et les moyens pécuniers disponibles.
Quant aux détartreurs, si son installation peut rassurer l'aquariophile sur l'état de sa conduite d'eau courante de son habitation ... dans le cas d'un choix judicieux de l'appareil, ce dernier n'aura aucune incidence quelconque sur la pratique de l'aquariophilie. Vous aurez toujours des dépôts de calcaire près de la surface de l'eau de votre bac, l'eau ne sera pas beaucoup plus douce et les nitrates n'auront pas disparus.

Bibliographie
GABRIEL, J.-M. (1982) Les procédés électriques des traitements de l'eau. Thèse 3ème cycle INSA Toulouse. LAVIGNE, R. (1992) Coraux-ions Aquarama 123 (1): 46-48.
ROCA, J.-M- (1989) Nouveau procédé de déminéralisation par osmose inverse à la pression de l'eau de canalisation Aquarama 107 (3): 25-28.