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Les DROSOPHILES

Texte et photos par J. P. TRIBI (1968)
Le plus souvent, une préoccupation essentielle de l'aquariophile est la reproduction de ses pensionnaires ; la ponte, l'élevage des jeunes est le critère absolu de la réussite en la matière, la preuve que l'animal est en accord avec son milieu, que toutes les conditions vitales essentielles sont respectées. Un facteur primordial de cette réussite est l'alimentation. Les nourritures sèches si bonnes soient-elles, ne suffisent pas à elles seules à résoudre le problème. beaucoup d'espèces, peu domestiquées, j'entends par là qui n'ont pas derrière elles de longues années de captivité et qui n'ont pas souvent été reproduites dans nos aquariums (le Guppy présente des phénomènes de domestication, cela est incontestable) refusent les poudres ou flocons.

L'élevage, facile, nous le verons plus loin, de cette mouche, doit permettre à ceux d'entre nous qui ne peuvent se procurer dans le commerce de la nourriture vivante, d'avoir à leur disposition, un moyen commode et aux autres de varier au peu l'alternance monotone Tubifex-Vers de vase pendant les mois d'hiver. Il est d'ailleurs étonnant que l'élevage de la Drosophile par sa facilité n'ait pas connu un succès et une résonnance plus grands auprès des amateurs.

La mouche du vinaigre, Drosophila melanogaster, est un petit insecte de 2 mm de long environ. Elle appartient à l'ordre des Diptères, insectes qui n'ont qu'une paire d'ailes, semblables à la mouche domestique, mais en modèle réduit. Le genre Drosophila (éthymologiquement du grec : qui aime la rosée ; les auteurs allemands l'appellent, de ce fait, Taufliege) comprend plusieures espèces :

- D. melanogaster (à ventre noir) ; la plus souvent utilisée en génétique d'origine américaien ;

- D. ampelophila (qui aime la vigne) prédomine chez nous ;

- D. virilis (possède 5 paires de chromosomes ; 4 pour D. melanogaster)

Nous ne parlerons ici que du genre melanogaster. L'insecte adulte ou imago présente un dimorphisme sexuel notable : les femelles sont plus grandes, leur abdomen se termine en pointe et sa pigmentation présente une alternance d'anneaux clairs et sombres ; les mâles, plus petits, ont leur abdomen plus arrondi et coloré uniformément noir. Ces caractères se reconnaissent à l'oeil nu ou mieux à la loupe.

La biologie des Drosophiles :

Les mouches vivent à la belle saison, seules quelques femelles passent l'hiver. La mouche femelle fécondée pond ses oeufs sur des fruits blets qui éclosent au bout de quelques heures. De l'oeuf sort une larve apode et acéphale (sans pieds, ni tête), un asticot, qui se nourrit du fruit en fermentation. Elle mue ; puis, au maximum de sa taille, elle passe à l'état de nymphe ou pupe, stade immobile où l'insecte subit en remodelage complet. De la pupe sort l'insecte adulte ou imago, sexué. Après l'accouplement, la femelle pond. Le cycle est ainsi bouclé en 12 jours environ. En automne, saison des fruits, les mouches se rencontrent partout en très grand nombre dans la nature ou dans les habitations.

Drosophila melanogaster a fait le tour du monde et il n'est actuellement pas de laboratoire biologique qui n'en possède quelques cultures. Sa facilité d'élevage, son cycle reproducteur de 2 semaines, la simplicité de son appareil nucléaire qui se compose uniquement de 4 paires de chromosomes, l'existence à l'état larvaire de chromosomes géants dans les glandes salivaires, la précision des caractères morphologiques en font un animal prédestiné à la recherche génétique. Il aurait fallu l'inventer s'il n'existait pas. C'est cet ensemble qui ont permis à Morgan et à ses élèves Bridges, Sturtevant, Muller de fonder la génétique moderne.

Le but de cet article n'est pas d'approfondir l'ensemble des problèmes que pose cette science et ses relations avec D. melanogaster. L'auteur n'a pas la qualification ni ne trouverait la place nécessaire dans le cadre de cette revue pour en traiter. Ils n'ont d'ailleurs rien à y faire. Mais quelques mots d'explication semblaient nécessaires. D'une souche "sauvage" celle qu'on trouve dans la nature, les chercheurs ont pu sélectionner, isoler un grand nombre de mutants, individus nouveaux dont les caractères morphologiques ou physiologiques sont différents de ceux des parents. Les mutations artificielles ou naturelles obtenues chez D. melanogaster portent sur la forme et la couleur des yeux, la forme des poils (absence ou présence, courts, longs, fourchus, etc.) sur la couleur du corps, la forme des ailes. La seule mutation sur la forme des ailes permet de distinguer une dizaine de formes différentes dont une, remarquable à notre point de vue, la forme "Vestigial". C'est une mouche à ailes réduites, incapable de voler par conséquent. La précision de ces recherches a été telle que tous ces caractères ont pu être "localisés" sur les chromosomes et produire ainsi la preuve que l'hérédité a bien son siège au niveau des chromosomes. bref, Morgan et ses élèves ont expliqué et éclairci la génétique moderne à la suite des travaux du moine tchèque Mendel et du français Naudin, considérés comme les fondateurs de cette science.

 

 

 

 

 

 

 

Comment élever cet animal ?

Il faut :
- quelques verres à confiture (250 cm3 environ) ;
- du coton pour les boucher ;
- un milieu nutritif ;
- un peu de laine de bois ou papier filtre ;
- 20 mouches environ, 10 mâles, 10 femelles.

Il existe un grand nombre de recettes. Elles sont en général complexes et nécessitent des produits difficiles à trouver dans le commerce (agar-agar). En voici une que l'auteur a expérimenté et qui lui a donné entière satisfaction.
Pour 4 verres à confiture, il faut : 140 gr de bananes épluchées ; 120 gr de pommes râpées ; 60 gr de biscottes écrasées (éventuellement chapelure) Y ajouter la valeur d'une noix de levure de boulanger fraîche et une bonne pincée de fongicide (Nipagin M dans les pharmacies allemandes) Mélanger et écraser le tout avec une fourchette et répartir le mélange qu fond des verres. Ajouter ensuite la laine de bois, les mouches, et boucher avec le coton. La levure est indispensable car elle provoque la fermentation alcoolique des fruits du milieu de culture et ceci est nécessaire aux mouches. D'autre part, le fongicide empêche la prolifération des moisissures sur la culture. Sans cet additif, elles envahissent rapidement le bocal et empêchent l'évolution normale de la culture. Les biscottes s'écrasent très facilement dans un moulin-légumes. La capacité des verres à culture doit être telle que le milieu nutritif ait une hauteur de 3 à 5 cm, un étalement sous une épaisseur trop faible amène une déssication rapide de la culture. La culture peut se faire en tout lieu pourvu que la température soit suffisante, de l'ordre de 18 ° C ou plus, et que l'air ne soit pas trop sec. Dans ces conditions, la culture ne sèche pas et dure environ deux mois. Les épouses pointilleuses qui ne voudornt pas admettre pareil attirail dans leur cuisine ou leur salle de bains peuvent être rassurées, la culture est dépourvue d'odeur, tou au plus une légère sensation de fruits en fermentation est perceptible, mais de très près.Toute odeur serait d'ailleurs le signe que la culture "ne tourne pas rond". Travaillez proprement ! Les verres à culture doivent être lavés préalablement à l'eau chaude additionnée d'un détergent usuel, puis séchés avec un chiffon propre. La stérilité n'est ni nécessaire, ni possible, mais il faut tout de même éviter le plus possible des souillures grossières, le fongicide n'en viendrait pas à bout ; don ne plus laisser traîner les verres ouverts avant d'y mettre les mouches.

 

 

 

 

 

 

 


Pour prélever les mouches, leur anesthésie préalable s'impose. Il s'uffit de les transvaser dans un verre vide, renversé au-dessus du verre à culture. Les mouches sont, en effet, sensibles à la lumière et se dirigent là où l'éclairement est amximum. Pour séparer les deux verres, on peut y glisser un bristol. L'anésthesie peut se faire simplement avec un tampon en coton imprégné d'éther. Dès que les mouches cessent de voler, elles dorment et il faut retirer le tampon, sous peine de les tuer. Elles se réveillent, en général, quelques minutes après.
Pour maintenir les mouches au fond du verre, taper celui-ci fortement sur son support.
Pour l'heureux possesseur d'une souche "vestigial", les mouches ne peuvent voler ; retourner le bocal au-dessus de l'aquarium ou du terrarium est le seul geste à faire. Certains auteurs conseillent de mettre les mouches dans de l'eau et les y agiter, empêcher de voler ensuite pendant quelques minutes et favoriser ainsi leur capture par les poissons. Cela n'est pas impératif, je m'en suis toujours passé.
Les larves peuvent servir également, certains poissons les préfèrent d'ailleurs aux mouches. Pour les faire sortir du substrat qu'elles ne quittent normalement que pour muer, chauffer le fond du verre, 40° C environ. Un autre procédé consiste à anesthésier les mouches dans leur verre à culture même, sans transvasement. L'éther, dans ces conditions, fait monter également les larves. Aérer ensuite la culture et retirer le tampo avec l'éther.
La souche "vestigial" doit être entourée d'un certain nombre de précautions pour garder à sa culture son caractère de mouches à ailes réduites. Il faut notamment trier celles qui présentent ce caractère. Les individus "vestigial" peuvent évidemment se croiser avec ceux du type sauvage, leur descendance serait pour le plus grand nombre sauvage, donc à ailes normales. Le développement ultérieur d'une telle souche hybride amènerait inévitablement la perte du caractère "vestigial". Or là n'est pas le but recherché.

Où trouver ces mouches ?

Les Drosophiles de nos régions ne sont pas d'une grande productivité, ni d'un grand rendement. Les Facultés des Sciences dans les villes universitaires font très souvent des élevages de D; melanogaster. On trouve également dans des annonces de la littérarure spécialisée des adresses de revendeurs.
Quels sont les poissons qui prennent cette nourriture ?
Il faudrait dire quels sont ceux qui ne la prennent pas ? En effet, à partir d'une taille de 3 à 4 cm, presque tous les poissons de surface ou de demi-profondeur l'acceptent, quand on sait que dans la nature, l'alimentation essentielle, exclusive parfois, est constituée de divers insectes comme le prouvent des analyses stomacales effectuées. De plus, la mouche par son mode de vie sur les fruits en décomposition met à la disposition du poisson toute une série de substances (certains glucides, des lipides et des vitamines en particulier) qu'il ne peut pas trouver par les vers de vase ou tibifex, animaux essentiellement aquatiques ou aquatiques à l'éta larvaire pour les larves des chironomes. N'oubliez pas que vos poissons voient certainement des mouches pour la première fois et ne soyez pas étonnés s'ils ne se précipitent pas immédiatement, un certain dressage doit se faire. Il est très rapide en général.
Il me reste à souhaiter, à ceux qui entreprennent un élevage après lecture de cet article, le succès de leur entreprise. Elle est facile, peu coûteuse et sa réussite presque certaine. Vos poissons surtout y gagneront.

Bibliographie sommaire :
Génétique et hérédité, W. Caullery. P.U.F.
Futter für Vivarientiere, W. Jocher, Collection "Das Aquarium", Kosmos-Verlag, Stuttgart.
Praktische Futterkunde, H. Geyer, A. Kernen-Verlag, Stuttgart.