LES BOÏDÉS
OU SERPENTS CONSTRICTEURS
Eryx johni (Russell, 1801) et sa reproduction en captivité
par Gilbert et Jeanine MATZ (1984)
Eryx
adulte montrant ses caractéristiques anatomiques (voir texte). Photos G. Matz |
Le " Boa de sable des Indes " dont l'aire de répartition
s'étend de l'Iran, à travers le Pakistan et en Inde jusqu'au
Bengale, vit comme les autres espèces du genre (MATZ, 1974) dans
des régions arides mais aussi dans des forêts clairsemées
où on le rencontre dans le sol argileux meuble, plus rarement dans
le sable alors qu'il est absent dans les biotopes rocheux. On le trouvera
souvent au pied d'une plante où règne une légère
humidité qui est recherchée, contrairement aux autres espèces.
Il est terrestre et fouisseur, ce mode de vie étant facilité
par des particularités anatomiques qui lui permettent de s'enfoncer
et de se déplacer dans la terre : écailles petites, lisses
et serrées empêchant la pénétration du sable
sous elles, tête petite et aplatie portant des yeux minuscules et
une très large écaille rostrale surplombant la bouche qui
se trouve en retrait du museau.
Les adultes ne dépassent pas un mètre ; si les femelles
peuvent approcher cette longueur, les mâles restent en-dessous de
90 cm ; la queue est obtuse et courte, elle mesure environ 10 pour cent
de la longueur totale. Le corps est de section circulaire. La coloration
est brune mais varie du brun très clair au brun chocolat ou au
brun presque noirâtre ; parfois des taches irrégulières
ornent le dos.
Ils vivent enterrés ou cachés le jour et ce n'est qu'exceptionnellement
qu'ils se tiennent perchés. Le soir ils chassent à l'affût,
toujours enterrés mais près de la surface, laissant apparaître
leur museau. Ils se nourrissent de lézards, parfois d'oiseaux mais
surtout de rongeurs, en captivité de souris ; pour les nourrir,
nous les introduisons le soir, isolément dans une boîte en
plastique muni d'un sol en sable, avec une souris et la nourriture de
celle-ci dans l'éventualité d'un refus relativement fréquent
de s'alimenter. Malgré leur petite taille, et leur petite tête,
ils sont capables de maitriser des proies allant jusqu'à la souris
adulte et qui sont tuées par constriction. Les exemplaires qui
mangent de suite, une ou plusieurs proies, regagnent ensuite le terrarium
alors que ceux qui refusent de s'alimenter sont laissés la nuit
avec leur proie. Leur comportement est calme ; ils ne cherchent pas à
mordre, sauf lorsqu'ils ont très faim, mais s'enterrent rapidement
dans le sol lorsqu'ils sont dérangés.
LE TERRARIUM
L'installation du terrarium se fera en fonction des moeurs particulières
de ces serpents fouisseurs. Le terrarium, à grande surface basale
(1 m2 pour 3 ou 4 exemplaires) est muni d'une couche de sable d'au moins
5 à 10 cm ou davantage ; éviter le sable trop fin et utiliser
des grains de 1 à 2 mm de diamètre. On dispose par endroits
quelques pierres plates et légères (ardoises) ou une épaisse
branche couchée.
Une température diurne de l'air de 25 à 35° C (notre
salle d'élevage est à 28 à 30° C) est obtenue
par chauffage de la salle ou par des ampoules électriques disposées
à distance au dessus du sable et sous lesquelles les serpents se
tenant à proximité de la surface de sable se réchauffent
; la nuit, la température est ramenée à 20° C.
Sur une faible surface seulement, le sol est chauffé à environ
28 à 30° C par un câble électrique (ou résistance)
disposé sous le terrarium (si on ne dispose pas d'un matériel
adéquat, mieux vaut renoncer au chauffage du sol pour éviter
de brûler les animaux). Enfin, comme bassin d'eau, contenant en
permanence de l'eau propre, nous utilisons une grande soucoupe en grès
qui maintient sous elle le sable continuellement humide ; cet emplacement
est souvent recherché par les animaux ; si nous n'avons jamais
vu les Eryx se baigner, on peut par contre les voir très souvent
venir boire dans la soucoupe, même de jour.
REPRODUCTION
Les reproductions en captivité des différentes espèces
du genre Eryx sont encore rares : nous avons pu relever dans cinq
volumes de l'Int. Zoo Yearbook 6 naissances dans le genre Eryx
dont 1 seule pour E. johni alors que dans le même temps sont
répertoriés 47 cas de reproductions chez le Boa et 32 chez
le Python molure.
Eryx johni est ovovivipare. Les reproductions connues et obtenues
en captivité l'ont été tout d'abord par SCHWEIZER
(1964, 1966). Cet auteur a obtenu d'abord 5 jeunes (et 1 mort-né)
d'une femelle importée gravide puis 6 autres avec une femelle importée
juvénile 9 ans auparavant ; dans ce cas, deux accouplements ayant
été observés à 40 jours d'intervalle, la durée
de gestation est estimée à 100 ou 140 jours.
Les préludes et l'accouplement ont été décrits
par SCHWEIZER (1966) puis en détail par STEMMLER (1969). Ils ont
lieu à la surface du sol ; le mâle tente avec sa tête
de dégager la femelle du sable ; les accouplements, multiples,
ont été observés le soir, moment sans doute également
choisi dans la nature.
Nos animaux ont été importés du Pakistan en 1970
; ils ont vécu dans les conditions décrites plus haut jusqu'en
1980, puis pendant 3 ans chez M. COLLIGNON, pour enfin nous revenir fin
1983. Ils ont toujours occupé ensemble un même terrarium
et n'ont jamais été mis en hibernation. Nous n'avons pas
eu l'occasion de voir un accouplement, ni aucune manifestation de nature
sexuelle pendant les 14 ans de leur vie en captivité.
Le dimanche 25 mars 1984, notre attention fut attirée par l'état
inhabituel du terrarium littéralement labouré : l'ensemble
du sable était ramené vers un des côtés du
terrarium, la soucoupe contenant l'eau renversée ; cette activité
inhabituelle durait depuis deux jours. Nous avons trouvé 6 jeunes
serpents : 2 étaient déjà enfouis dans le sable,
3 restaient en surface, quant au sixième, il était resté
enfermé, replié en trois, dans la membrane ovulaire desséchée
et qu'il n'arrivait pas à quitter ; nous l'avons trempé
dans de l'eau tiède et lorsque la membrane s'était rehydratée,
nous avons libéré le serpent.
Nouveau-nés
d'Eryx johni Photos G. Matz |
Le mâle mesure 75 cm pour un poids de 340 g, la femelle 83 cm et,
après l'accouchement, 405 g. Elle se retrouvait très amaigrie,
ses flancs présentant des plis. Elle n'avait pas accepté
de nourriture depuis 7 semaines, son dernier repas ayant été
pris le 7 février. La première proie lui fut présentée
le lendemain de la naissance des jeunes mais refusée. Elle accepta
de s'alimenter une semaine plus tard, pour avaler 9 souris en 4 repas
dans le mois qui suivit et qui lui ont fait retrouver son corps cylindrique
typique. Les 6 jeunes serpents mesuraient à la naissance de 25
à 29 cm (25, 26, 27, 28, 28, 29 cm ; moyenne : 27). Leur coloration
est très belle : rouge brun à saumon avec des anneaux sombres
plus ou moins nombreux et surtout bien marqués dans la partie postérieure
du corps ; de même le museau et le pourtour de la tête sont
bleu noir. Ils ont été logés isolément, chacun
dans une boîte en plastique muni d'un couvercle, de trous d'aération
et d'un fond de sable sur une hauteur de 5 cm. Une fois par semaine, une
coupelle d'eau est introduite et retirée le lendemain. Les jeunes
Boïdés ne s'alimentent en général qu'après
la première mue que nous voulions attendre avant de passer à
la distribution de nourriture mais elle tarda à intervenir et nous
avons fait un premier essai le 10 avril, soit 16 jours après la
naissance et la souris disparut. La première mue eu lieu du 11
au 12 avril, soit à l'âge de 17 à 18 jours. Le 12
au soir, une souris nue fut posée sur le sable de chaque boîte
: elle fut consommé immédiatement, les jeunes serpents se
comportant comme les adultes, en attrapant et s'enroulant autour de la
proie. Puis les repas se sont succédés au rythme d'une souris
(âgée de 4 à 6 jours) tous les 4 à 6 jours
; dix jeunes souris furent ainsi mangées par chacun des 6 serpents
en 7 semaines. Les jeunes serpents sont très actifs et sortent
du sable même en plein jour ; ils font le tour de leur habitat et
surtout, acceptent la nourriture dès son introduction, également
de jour.
En comparant avec les reproductions de SCHWEIZER, dans les trois cas le
nombre de jeunes a été de 6 ; seule une reproduction annoncée
par le Zoo de KYOTO comporte 16 jeunes (Int. Zoo Yb., 1979). Ce chiffre
peut surprendre, même si dans la littérature on estime de
6 à 15 le nombre de jeunes pour l'espèce (PETZOLD, 1977).
D'autres espèces du genre Eryx semblent par contre plus
prolifiques, notamment Eryx colobrinus loveridgei : SCHWEIZER (1972)
qui possédait un mâle et trois femelles a obtenu dans un
intervalle de 15 jours, trois naissances, ses trois femelles lui donnant
respectivement 15, 12 et 10 jeunes. Le Zoo de HIROSHIMA (Int. Zoo Yb.,1977)
annonce 15 jeunes pour Eryx c. loveridgei et le Zoo de Prague 26
pour Eryx colobrinus (sans indication de la sous espèce).
Enfin, il se pose un autre problème : quels sont les facteurs qui
induisent la reproduction chez les Reptiles. Si l'on sait que les cycles
sexuels saisonniers sont sous dépendance de facteurs climatiques
également saisonniers (longueur de la photopériode, température,
humidité, etc.) pourquoi les serpents dont il est question ici
ne se sont pas reproduits pendant 13 ans et quels sont les facteurs qui
ont déclenché une reproduction dans la 14' année
de captivité ? Ce problème est discuté par ailleurs
(MATZ, 1984)
SCHWEIZER
(1964)
|
SCHWEIZER
(1966)
|
Auteurs
|
|
Longueur
femelle
|
84
cm (91)
|
84
cm (92)
|
83
cm
|
Longueur
mâle
|
87
cm
|
75
cm
|
|
Nombre
de jeunes
|
5
(+ 1' )
|
6
|
6
|
Longueur
des jeunes
|
27-29
cm
|
27-28
cm
|
25-29
cm (moy. 27 cm)
|
Date
de naissance
|
24.7.64
|
2.8.65
|
25.3.84
|
Date
de l'accouplement
|
10.3
et 21.4.65
|
-
|
|
Durée
de gestation
|
140
à 100 jours
|
-
|
Eryx
johni âgés de 4 mois Photos G. Matz |
BIBLIOGRAPHIE MATZ G. 1974. Les Boïdés ou Serpents constricteurs. 4. Eryx DAUDIN 1803. Aquarama, 8 (26) 53 - 55. MATZ G.1984. La reproduction des Reptiles et les facteurs de son induction. Acta Zool. Pathol. Antwerp., (sous presse). MINTON S.A. 1966. A contribution to the herpetology of West Pakistan. Bull. Amer. Mus. Nat. Hist., 134, 27 -184. PETZOLD H.-G. 1977. Eryx johni (Russel, 1801) Indische Sandboa. Aquarien Terrarien, 24, 71. SCHWEIZER H. 1964. Eryx johnii und seine Nachzucht im Terrarium. D.A.T.Z., 17, 372 - 373. SCHWEIZER H. 1966. Fortpflanzung von Eryx johnii im Terrarium. Salamandra, 2, 12 -15. SCHWEIZER H. 1972. Eryx colobrinus loveridgei Stull, 1932, seine Pflege und Nachzucht im Terrarium. AquaTerra, 9, 52 - 56. STEMMLER 0. 1969. Über das Paarungsverhalten von Eryx johnii johnii (Serpentes, Boidae). Salamandra, 5, 23 - 31. TRUTNAU L.1979. Schlangen.1. 200 p. Verlag E. Ulmer, Stuttgart. Int. Zoo Yearbook, 1969, 1971, 1974, 1977, 1979, respectivement : 9, 11, 14, 17, 19, Zool. Soc. London. |