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Les Henioques

de W. KLAUSEWITZ
Musée d'Histoire Naturelle et Institut de Recherches de Senckenberg, Francfort-sur-Main

Traduit de la D.A.T.Z. par Mlle le Docteur M. T. GRUNER

Le vrai Porte-drapeau, Heniochus acuminatus
(Photo : Hoppe, D.A.T.Z.)

Ces merveilleux poissons de coraux jouent dans l'aquarium marin à peu près le rôle du Scalaire dans l'aquarium d'eau douce. Outre leur forme et leurs couleurs, c'est le long étendard qu'ils portent au début de la dorsale (soutenu par le quatrième rayon de la dorsale), qui a largement contribué à leur popularité. Cette singulière expansion est érectible. Elle peut prendre une position proche de la verticale ou s'allonger à l'horizontale (pendant le repos ou la nage rapide).
Ils sont paisibles et pas querelleurs, ni envers leurs semblables, ni envers les autres poissons. Leur nage est élégante, majestueuse et variée. Ils ne sont pas souvent immobiles, mais jamais ces poissons ne se posent sur le fond. On devrait leur fournir un grand espace.
Ils s'habituent rapidement à la captivité et s'acclimatent bien, vu que les jeunes sujets se développent rapidement. Un aquarium marin garni de sable brun chaud et décoré de gros rochers d'amazonite par exemple, serait parfait pour mettre en valeur quelques exemplaires (3 à 5) de ces beaux poissons.
Dans l'aquarium, leur nourriture se compose de chair de bivalves et de vers marins, de même que des petites crevettes et des vers de vase. Au fur et à mesure de leur acclimatation, on pourra les amener progressivement à accepter des nourritures artificielles spéciales pour poissons marins.
Nom français : Henioque, Porte-drapeau, Cocher.
Nom allemand : Wimpelfisch.
Nom anglais : Angelfish.

Lorsqu'on a la possibilité de contrôler chez l'importateur les rentrées de poissons-corail, on découvre, sous la dénomination " Porte-drapeau " de la famille des Chaetodontidae, des poissons de coloration très diverse. Ils font tous partie de la famille, mais l'on se demande si les aberrations dans la striation foncée sont à considérer comme caractéristiques de l'espèce, ou comme variantes. Cette question n'est pas tranchée dans quel ques cas par les spécialistes, c'est pourquoi je me suis occupé de plus près de cette famille. Les différentes espèces d'Henioques se distinguent d'une part par une striation transversale foncée, d'autre part par une épiphyse osseuse sus-oculaire ou frontale. Ces formations ne sont cependant visibles que chez l'animal adulte. Les jeunes animaux, ce sont ceux que l'on importe, n'en ont au maximum qu'une ébauche, donc leur seule différenciation est la striation. La détermination des différentes espèces est donc rendue plus difficile, puisque certains auteurs ne considèrent certaines formes que comme des variétés ; il fallait donc dans certains cas définir l'espèce.

Les Henioques que nous décrivons brièvement et que nous représentons sur les dessins ci-joints, sont des espèces bien définies, même dans leur forme jeune. Tous ont été importés comme poissons d'aquarium, il ne s'agit pas de comparaison fictive, mais réelle des espèces importantes pour l'aquariophile. Le plus connu parmi eux et le plus souvent importé est Heniochus acuminatus, le vrai Porte-drapeau (fig. 1a, 1b). Chez lui, partant de la partie antérieure de la nageoire dorsale, une bande foncée nettement limitée s'étend vers l'arrière, par-dessus la base de la nageoire pectorale vers la nageoire ventrale. Une deuxième bande, parallèle à la première, s'étend de la partie postérieure de la nageoire dorsale, piquante, vers l'arrière et se continue sur le segment postérieur de la nageoire anale. Une variante individuelle peut comporter une teinte noirâtre de la membrane du quatrième rayon très effilé de la nageoire dorsale. De même, le ventre peut être foncé en totalité. Dans chaque cas, une bande foncée parcourt le front d'un oeil à l'autre, mais ne descend pas sur la joue. Souvent aussi la partie supérieure de l'orifice buccal est noire.

Le faux Porte-drapeau, Heniochus permutatus (fig. 2), porte la première bande large plus en avant. Elle débute sur la tête, s'étend du front jusqu'à la nuque, parcourt l'oeil, la région jugale et la région pectorale ; puis, vers l'arrière, les nageoires ventrales qui sont teintées aussi. La deuxième bande large est analogue à celle de acuminatus, comporte la partie moyenne de la nageoire dorsale piquante, ainsi que le rayon effilé et s'incurve vers la partie postérieure de la nageoire anale. Une troisième bande mince, noirâtre, parcourt la base de la partie souple de la nageoire dorsale, se continue sur le rayon caudal le long de la base de la nageoire caudale.

Chez l'Henioque masqué, Heniochus monoceros (fig. 3), la première bande débute également très près de la nageoire dorsale, sur la nuque, mais s'étend en arrière vers la région mentonnière. Pour être précis, elle englobe toute la région buccale jusqu'au bord postérieur de l'oeil, cependant que la zone foncée est interrompue par une bande claire frontale et une autre bande préoculaire, ce qui donne une apparence de masque. Les lèvres sont blanches. La deuxième bande, nettement délimitée, débute sur la partie moyenne de la nageoire dorsale épineuse et parcourt assez verticalement la base de la nageoire pectorale, le ventre et la nageoire ventrale. La troisième bande débute sous les dernières épines de la nageoire dorsale et forme une large zone, nettement délimitée chez l'animal jeune, plus floue chez l'adulte, s'étendant jusqu'à la base de la nageoire anale dont elle teinte normalement toute la partie souple. Déjà chez l'animal jeune, on peut reconnaître sur le front une petite surélévation qui se transforme plus tard en épiphyse osseux central, en outre, une prolongation se forme au-dessus de chaque oeil.

Alors que les espèces décrites ont des bandes nettes sur la tête et le corps, les trois suivantes ont des bandes plus ou moins floues.

Chez l'Henioque rare, Heniochus singularis (fig. 4), le dos du museau est noir, les lèvres de même, sauf la partie extrême qui est blanche. La région préoculaire est blanche, liniaire chez l'animal adulte et s'élargissant sur la région jugale ; l'animal jeune, par contre, porte une bande large déjà dans la région oculaire. Le front et la région jugale sous-oculaire sont noirs. La nuque est plus claire, mais pas très nette, et s'étend en zone claire et large de l'opercule sur le poitrail. La pre mière bande corporéale débute aux premières épines de la nageoire dorsale, descend obliquement jusqu'à h base des nageoires ventrales qui sont également noires, et s'étend le long du bord ventral jusqu'aux épines de la nageoire anale où elle s'unit avec la deuxième bande corporéale. Celle-ci débute à la moitié postérieure de la partie épineuse de la nageoire dorsale, n'est pas nettement délimitée, et s'étend en biais vers la base de la nageoire anale qu'elle englobe dans sa majeure partie.
Chez les adultes, les flancs peuvent apparaître assez uniformément foncés, de sorte que les deux bandes ne sont plus nettement séparées. Dans ce cas, on trouve dans la partie préoculaire une petite épine osseuse, et au milieu du front un appendice osseux plus important. Ce dernier se retrouve comme une petite surélévation chez le jeune poisson.

L'Henioque noir, Heniochus varius (fig. 5), porte une tête presque uniformément noire, de la nuque vers l'oeil et la région de la gorge. Chez le jeune poisson, la région jugale et la gorge peuvent être plus claires. Une bande claire parcourt le corps du début de la partie épineuse de la nageoire dorsale, l'opercule, la poitrine jusqu'à la nageoire caudale. Partant des rayons durs du milieu de la nageoire dorsale et jusqu'au bas du corps, les flancs sont noirs, de même que les nageoires ventrale et anale. Une zone claire s'étend à partir de la base des rayons épineux postérieurs de la nageoire dorsale jusqu'à la queue. La zone longeant les rayons souples de la nageoire dorsale est aussi foncée, de même que souvent la nageoire caudale, qui peut aussi être claire. Les poissons adultes portent une plus forte " corne " frontale et une petite épine préoculaire.

Le Porte-drapeau fantôme, Heniochus pleurotaenia (fig. 6), n'était pas classé comme espèce, ce que l'on ne peut cependant plus mettre en doute. Ce poisson porte quatre régions nettement noires ; la région buccale, la région entre les yeux, continuée par une bande verticale sur le front jusqu'à la nuque, la troisième sur la partie antérieure du corps, la nageoire pectorale jusqu'au ventre et les nageoires ventrales, et enfin la quatrième zone sur la partie postérieure, à la base de la nageoire anale et la nageoire même. Par ailleurs, toute la région céphalique sus-oculaire est foncée, mais non bien délimitée ; les mêmes remarques sont valables pour la partie moyenne du dos, en descendant vers la région ventrale et d'autre part en allant vers l'arrière jusqu'à la nageoire anale. La partie souple de la nageoire dorsale et souvent aussi la nageoire caudale sont également foncées. La différence la plus importante avec l'Henioque noir, Heniochus varius, est la présence chez H. pleurotaenia d'une zone claire nettement identifiable entre la grande tâche noire pectorale et la partie postérieure également noire. Même si H. pleurotaenia n'est que rarement importé, nous en avons observé de grands bancs ne comportant que cette espèce dans l'océan Indien, dans la région des Malédives. Les adultes ne portent non seulement une corne frontale, mais aussi au-dessus de chaque oeil une grande corne incurvée.
Même si ce tableau ne se limite qu'à des caractéristiques externes les plus importantes, il pourra tout de même permettre à l'aquariophile marin de déterminer l'espèce d'Henioque qu'il possède ou qu'il va acquérir.

(Dessin : M. Bechtle - D.A.T.Z.)