MADAGASCAR 1992 - bis
par Jean-Claude NOURISSAT. (Revue Aquarama, 1992)
Est-ce que je rêve? Est-ce possible? Ai-je les yeux bien ouverts?
Je suis à Madagascar, perdu dans un village de pêcheurs,
au bord d'un petit lac. Ces pêcheurs sont complétement démunis,
ils ne possèdent vraiment rien. Ils vivent dans des cabanes faites
de paille. Nous sommes assis par terre; le repas, constitué d'une
énorme platrée de riz cuit à la vapeur et de quelques
"Tilapia", vient de se terminer.
Paysage typique de Madagascar avec ses Baobabs |
A la lueur du feu de bois, une dizaine de personnes sont en train de passer
quelques instants de calme quand, tout à coup, un des jeunes gens
sort une guitare faite de ses mains. Il se met à jouer un air très
répétitif, tel qu'ils ont l'habitude de les jouer à
Madagascar: une ou deux mesures qu'il répète sans cesse.
Et là, se levant... un grand diable! Tout bariolé! Avec
des vêtements fluorescents. complètement anachronique dans
ce lieu où il n'y a rien. Ce gaillard, ce géant, se met
à danser au son de la guitare. Non, je ne rêve pas, vraiment
pas, c'est...Patrick de Rham. Patrick de Rham en train de danser au son
de la guitare, devant un public de malgaches. Extraordinaire, inoubliable
spectacle! Le fou rire total s'empare de tous les malgaches moi, je suis
plié en deux également. Et, bien en rythme, pendant plusieurs
minutes, Patrick est le héros de la scène. Quand il s'arrête,
sous les applaudissements de tous, il est ravi, radieux, prêt à
partir se coucher.
C'est un des plus beaux souvenirs que je vais rapporter de ce voyage.
C'est mon troisième séjour à Madagascar. L'année
dernière, avec P. de Rham déjà, nous avons parcouru
toute la zone nord-ouest. Nous n'avions pu capturer certains poissons
et c'est pour cela que nous y retournons. Aussi, sitôt après
le Congrès A.F.C., nous voilà repartis tous les deux.
L'automne est le meilleur moment pour y aller, c'est la fin de la saison
sèche, les rivières sont au plus bas; les pluies commencent,
en général, en décembre et il faut absolument éviter
de partir à ce moment car les routes sont impraticables.
Avant de commencer ce voyage, je voudrais faire un peu de géographie
pour se remémorer la grande île.
Elle est située au sud-est de l'Afrique; c'est une île grande
comme la France et le Bénélux réunis. Ce n'est donc
pas en un ou deux voyages que nous pouvons complètement la parcourir.
De plus, tout le centre est montagneux, les routes, à l'exception
de quelques-unes, sont absolument inexistantes, et il est donc très
difficile de se rendre dans de nombreux endroits. Il est facile de circuler
sur les quelques portions goudronnées mais, tout à coup,
alors que rien ne le laisse prévoir, on tombe dans des zones effroyables
pendant, parfois, des centaines de kilomètres. Aussi quand on voit,
sur la carte, des villes situées à 400 ou 500 kilomètres,
une petite distance chez nous grâce aux autoroutes, là, c'est
vraiment une expédition et il faut parfois deux ou trois jours
pour y parvenir.
Ce voyage à Madagascar est placé sous le signe des poissons.
J'aime beaucoup voyager mais, pour cela, j'ai besoin d'avoir un but, et
il est vrai que la recherche de Cichlidés me passionne. Avoir l'esprit
en éveil, être toujours à la recherche de la pièce
rare, c'est formidable.
Arrivés à Tananarive après une douzaine d'heures
d'avion, nous louons, comme à notre habitude, une voiture. Une
Toyota Land Cruiser 4x4. Avec la voiture, il y a chauffeur qui nous accompagnera
pendant tout notre périple. Il est indispensable d'avoir un chauffeur
à Madagascar car il n'y a aucun panneau indicateur... De plus,
dès qu'on quitte les villes, personne ne parle le français
et il est donc impossible de demander le moindre renseignement à
la population. La recherche des poissons auprès des pêcheurs
nous serait, également, irréalisable sans cet interprète.
Nous avons la chance de tomber sur un garçon extraordinairement
débrouillard et dégourdi qui nous facilitera beaucoup le
travail. Il s'appelle Jean, il est malgache de pure souche, originaire
des hauts plateaux. Il sera très efficace pendant tout ce voyage.
La première chose qu'il nous apprend, avant de partir, c'est qu'il
y a pénurie complète d'essence et de gasoil dans la région
de Tananarive. On en trouve, paraît-il, à Majunga, le but
de notre voyage, mais pas dans la capitale! L'explication est politique,
Madagascar est dirigée par un Président, un nommé
Radsirake, la date des élections présidentielles approche,
c'est dans un mois. Or, sa défaite est absolument certaine car
il dirige le pays de façon catastrophique; pour éviter de
se faire battre, il veut empêcher les élections et, pour
cela, il n'hésite pas à priver le pays d'essence pour que
le déroulement du scrutin soit impossible.
La compagnie de location de voiture nous fait le plein de carburant sur
ses réserves et nous sommes partis, confiants, car la ville du
nord aura du gasoil et on pourra se débrouiller.
Après avoir acheté quelques provisions, fait gonfler notre
bouteille d'Oxygène, nous voilà en route. La technique de
recherche de poissons que nous adoptons à Madagascar est la suivante:
Nous interrogeons les habitants là où nous passons; dès
qu'on croise une rivière, un lac, une ville, on essaie de se renseigner
sur les espèces qui vivent dans la région. L'année
dernière, nous avions capturé et, ramené une bonne
quantité d'espèces de Cichlidés dont nous avons apporté
les photos. Nous ne pouvons utiliser les noms locaux de ces poissons car
ils changent d'un village à l'autre, ces photos nous aideront à
avancer plus rapidement dans nos recherches. Nous nous arrêtons
donc à chaque rivière s'il y a des pêcheurs et nous
nous dirigeons vers eux pour savoir ce qu'il y a.
Enquête policière: l'auteur montre des photos aux malgaches au cas où ceux-ci connaitraient d'autres espèces. |
Première petite rivière à une centaine de kilomètres
de Tananarive, près de la ville d'Ankazobe. C'est un joli petit
cours d'eau à l'eau claire; bien sûr Patrick s'y précipite
avec son épuisette, moi avec mon épervier, mais la pêche
n'est vraiment pas extraordinaire. J'arrive difficilement à capturer
quelques tout petits Tilapia, quant à Patrick, il lui faut
une bonne heure pour réussir à prendre ses premiers Bedotia.
Grand étonnement car les Bedotia vivent sur la côte
Est et pas du tout dans les rivières de la côte Ouest. Est-ce
une espèce nouvelle? On apprendra, ultérieurement, qu'il
y eut des introductions de ces poissons dans d'autres rivières
et que ceux-ci ne sont certainement pas venus là seuls. Par contre,
les jeunes garçons qui viennent pêcher avec moi me disent
qu'ici vit un poisson appelé Menarambo: il aurait la tête,
la queue et la nageoire dorsale rou
ges. Impossible d'en savoir plus. Ça pourrait presque ressembler
à un Gardon mais, en principe, cette espèce n'a pas été
introduite à Madagascar. On n'a pas réussi à en prendre
un seul. Ce sera pour une autre fois. Détail intéressant,
tous les après-midi des pêcheurs professionnels viennent
dans cette rivière et en attrapent de temps en temps. Comme nous
passons là dans la matinée, il n'est pas question d'attendre
aussi longtemps et nous continuons notre route.
Nous poursuivons en direction de Maevatanana, ville située à
environ 300 km de Tananarive. Nous savons depuis l'année dernière
qu'il y a dans cette région des Paretroplus car au marché,
de la capitale il y a des poissons séchés venant de ce secteur;
nous y avons repéré des P. maculatus. Nous interrogeons
tous les gens rencontrés et arrivons à déterminer
à peu près le lac dans lequel ils se tiennent. Nous verrons
cela au retour car il n'est pas utile de s'encombrer de poissons à
l'aller, la route est longue et ils seraient trop chahutés dans
la voiture.
Arrivés à Maevatanana, nous voulons faire le plein d'essence,
on nous a dit qu'on en trouverait ici. Mais... le poste est vide, il y
a une queue de voitures, de camions, le pompiste ne sait absolument pas
quand il sera livré. Nos réserves étant suffisantes,
nous partons en direction du nord, espérant en trouver plus haut.
Finalement, après avoir roulé une bonne heure, on croise
les camions-citernes qui se dirigent vers le poste, demi-tour, on double
et on se met au premier plan pour se faire servir et nous attendons...
au moins deux heures avant que les camions n'arrivent. La nuit est tombée
bien sûr. Encore deux ou trois heures d'attente pour avoir le gasoil,
les pompes ne marchent plus, cassées. Nous quittons le poste vers
minuit ou une heure du matin. Notre chauffeur est extraordinaire, il n'a
jamais sommeil au volant, il est capable de conduire 24 heures d'affilée
sans dormir. On a pitié de lui, on lui dit bien de s'arrêter
mais non, il n'a pas sommeil.
Nous allons au bord d'un lac réputé poissonneux et riche
en Paretroplus dans la région de Ambato Boeni, mais c'est
toujours pareil, et dans tous les pays du monde c'est comme ça,
il y a toujours plus de poissons ailleurs qu'à l'endroit où
on pose la question. C'est toujours mieux plus loin! En effet, à
Ambato Boeni, nous allons au marché, questionnons les pêcheurs,
les vendeurs de poissons; il n'y a plus, depuis très longtemps,
de Paretroplus dans les lacs environnants alors que, d'après
les récits que nous avions pu avoir de la part des français
au temps de l'occupation, c'était une très bonne zone de
pêche.
Nous continuons la route pour remonter vers le nord en direction de trois
villes qui se succèdent le long de la route, la première
Mampikony, puis Port-Berger, enfin Antsohihy. La route que nous devons
subir pour aller jusqu'à Mampikony est effroyable, complètement
défoncée, des trous énormes, très souvent
la piste quitte la route pour passer à côté; il faut
plusieurs heures pour franchir les 100 ou 120 km jusqu'à Mampikony.
Tout le long du chemin, dans chaque village, notre chauffeur interroge
les habitants et montre les photos. Il semble que le Paretroplus
à queue rouge que nous avions trouvé l'an passé vit
dans tous les lacs de la région. Après avoir souffert pendant
un bon moment, nous passons Mampikony et la route devient meilleure. Nous
désirons aller dans le petit village de Potamasina, où nous
les avions trouvés en 1991. Ce village minuscule est situé
au bord du lac Sarodrano. L'entrée du petit chemin menant au lac
est située exactement à 32 km du poste d'essence de Mampikony;
c'est un petit chemin défoncé qu'une voiture tout terrain
peut tout de même emprunter et qui descend sur le côté
droit de la route. S'il y a des personnes qui veulent aller rechercher
ces Paretroplus, ils sauront ainsi comment s'y rendre.
Nous sommes accueillis dans le village par les pêcheurs qui nous
reconnaissent. Ne voulant pas nous arrêter trop longtemps, nous
leur laissons une piscine en plastique pour qu'ils stockent une dizaine
ou une quinzaine de Paretroplus pas trop gros qu'ils prendront
au cours de leurs pêches. Nous laissons aussi des seaux pour le
transport. Nous préparons la piscine, la remplissons à l'ombre
dans une case. Nous avons bon espoir qu'ils nous trouvent ces poissons.
Les Tilapia séchés (Lac Kinkony) |
Nous repartons le lendemain matin en direction de Port-Berger. La route
est bien meilleure et c'est donc beaucoup plus facile. A Antsohihy nous
avons plusieurs buts. D'abord retourner à un lac où nous
étions allés l'année dernière et où
on nous avait signalé un Paretroplus avec des barres verticales
rouges, espèce que nous n'avions alors pu trouver car nous n'étions
pas restés assez longtemps. Là aussi nous avons le projet
de laisser une piscine et d'aller voir ailleurs pendant qu'ils chercheront
nos poissons. Autre objectif: retourner dans un petit village près
de Mandritsara où on nous avait signalé l'année dernière
un poisson qui devient tout rouge; nous n'en avions trouvé que
quelques très jeunes exemplaires qui, malheureusement, ne survécurent
pas. Nous n'avions pas vu d'adultes.
Nous voilà donc sur les bords de notre lac aux Paretoplus
à rayures rouges, le lac Andrapongy. Il faut environ une heure
et demi depuis Antsohihy pour y aller. Là, la route est difficile,
on emprunte des pistes sur lesquelles jamais une voiture ne passe et nous
avons vraiment besoin de quelqu'un qui parle la langue pour pouvoir trouver
notre chemin. Chose curieuse, les cabanes occupées par nos pêcheurs
l'an passé ne sont plus habitées par la même famille.
Nous décidons de rester dans ce village au moins 24 heures pour
assister aux pêches durant toute la journée suivante. Nous
passons la nuit dans nos petites tentes et au matin c'est le branle-bas
de combat. Les pêcheurs chargent dans leurs pirogues leur grand
filet d'au moins 300 ou 400 mètres de long, le déploient
et, depuis la terre, ils tirent sur les extrémités pour
le refermer complètement et emprisonner les poissons. Au cours
de la journée ils vont pêcher à différents
endroits du lac et, à chaque fois, nous espérons trouver
nos Paretroplus rouges. La chance n'est pas trop avec nous, aucun
n'est capturé lors des deux pêches de la matinée;
il y a des Paretroplus dami qui sont ici assez nombreux mais aucun
Paretroplus rouge. L'après-midi ils décident de changer
d'endroit et pour cela ils y vont en bateau mais nous ... à pied
et c'est ... de l'autre côté du lac. Ils ne veulent pas que
nous y allions en voiture avec le chauffeur car celui-ci, issu d'une tribu
des hauts plateaux, est FADY ici, ce qui signifie qu'il y a un interdit,
presque religieux, empêchant les gens de sa race de circuler le
long de ce lac.
Les malgaches sont très "superstitieux", ils ont des
tas de croyances, d'interdits qui régissent leur vie. C'est ce
qu'ils appellent des FADY. Cela peut être les choses les plus bizarres,
les plus extraordinaires: ne pas tuer des animaux, ne pas manger quelque
chose tel jour, ne pas se baigner après avoir mangé du cochon,
ne pas pêcher un jour d'enterrement etc., etc.. C'est comme ça.
Donc, notre chauffeur ne peut pas nous emmener et nous devons faire tout
le tour à pied, ce qui nous prend un bon moment.
En-haut: Paretroplus petiti du Lac Andrapongy; en-dessous: P. petiti du Lac Kinkony. |
Quand nous arrivons les hommes sont déjà en action et finalement,
après maintes pêches successives, ils capturent deux de ces
Paretroplus rouges. Enfin, on les voit! En fait nous sommes un
peu déçus car il s'agit probablement d'un Paretroplus
petiti que nous avions trouvé l'année dernière
dans d'autres lacs. Celui-ci est un peu différent car il a des
barres verticales qui ne sont pas rouges comme on nous l'avait annoncé,
mais plutôt gris sombre. Est-ce une espèce nouvelle ou une
variété géographique de P. petiti qui, normalement,
n'a pas ces marques? Robert Allgayer aura des exemplaires au formol pour
nous le dire! Les deux sujets pêchés sont placés dans
des seaux dont l'eau est changée sans arrêt mais ils sont
fragiles et n'arrivent pas vivants à la voiture pour être
conditionnés. Nous avons passé beaucoup de temps ici et
n'avons pas un exemplaire sauf. Comme nous avons plusieurs piscines, nous
en laissons une et promettons un bon prix si les pêcheurs réussissent
à nous en capturer d'autres pour notre retour.
Nous décidons de quitter le village le lendemain matin pour aller
explorer d'autres zones. Nous passons donc la nuit au bord de l'eau et
c'est cette nuit-là que Patrick dansera. Quel souvenir inoubliable!
Le lendemain nous nous levons à l' aube. Nous emmenons avec nous
jusqu'à la ville suivante les femmes qui vont vendre le poisson
séché. Nous désirons aller jusqu'à la ville
de Bealanana. Sur la carte, le secteur paraît intéressant
car il y a un grand lac au pied de la ville et plusieurs autres, plus
petits, dans les alentours. L'ensemble étant situé dans
une cuvette au milieu des montagnes, à environ 150 km de l'endroit
où nous sommes. Heureusement, la route est bonne. A l'arrivée
nous trouvons le garde des "Eaux et Forêts" qui nous renseignera
sur la présence de poissons. Après une longue discussion
avec lui, il s'avère que le lac, présent sur la carte, a
été asséché depuis longtemps et que, dans
les lacs environnants, il n'y a que des Tilapia. Un voyage pour
rien!! Nous rentrons et roulons de nuit; nous croisons une rivière
assez large, l'Anjingo, au bord de laquelle nous décidons de passer
la fin de la nuit. Des jeunes gens sont là ; bien sur nous discutons
avec eux et ils nous apprennent qu'il y a là un poisson appelé
"Lamena", et que ce poisson est rouge ... Nous nous endormons
après avoir monté nos petites tentes sous de grands manguiers.
C'est très bien de mettre sa tente sous les manguiers à
la saison des mangues! Toute la nuit nous sommes réveillés
par des explosions; ce sont les fruits qui dégringolent! Le lendemain
matin, 8 ou 10 personnes nous accompagnent pour partir à la pêche.
Leur méthode de pêche est très rudimentaire: ils barrent
les endroits un peu étroits de la rivière avec des branchages,
ne laissant qu'un petit goulet par où l'eau s'écoule et
ils y placent un filet en forme de poche; ils vont à 200 mètres
en amont et, en descendant le cours d'eau, frappent la surface avec des
bâtons pour chasser les poissons jusqu'au piège. C'est un
système de pêche complètement ... nul ! Il est totalement
inefficace pour les Cichlidés car jamais un Cichlidé ne
quitte son secteur. Quand il est habitué à un endroit, on
a beau lui faire peur, il vous passera entre les jambes plutôt que
de quitter son territoire! II remonte toujours vers le danger et ne fuit
jamais en avant. Bien sûr, pour les mulets ça peut marcher
car ils n'ont pas de zone préférentielle et ils filent devant.
Ils utilisent cette technique de pêche pendant toute la journée
et capturent deux ou trois Cichlidés peu intéressants pour
nous car il s'agit de Paretroplus dami. C'est toutefois mieux que
rien. En me promenant sur les bords de la rivière et en plongeant,
je réussis à repérer, parmi les dami, des Ptychochromis.
Nous n'en avons pas encore pêché dans cette zone. D'après
les livres de Kiener, nous savons qu'à l'intérieur des terres
vit une variété de Ptychochromis très colorée.
Ils sont difficiles à capturer mais, malgré tout, nous réussissons
à en prendre quelques-uns. Après observations, il est en
effet probable qu'il s'agisse de la variété que nous avons
tant recherchée l'an passé et qui a totalement disparu de
la région de Mandritsara. Ces poissons se révèlent,
eux aussi, très fragiles; nous avons réussi à en
prendre une huitaine mais, malgré les changements d'eau fréquents,
tous mourront dans les deux ou trois jours suivants, sauf deux que nous
capturons à l'endroit où se trouve la bouteille d'oxygène
et qui peuvent donc être immédiatement conditionnés.
Des couples étant en reproduction, je peux capturer des alevins.
Je suis content car je peux enfin ramener ce poisson, dont le nom local
est JUBA et que nous avons, auparavant, énormément recherché.
Autre espèce intéressante dans cette rivière: P.
dami. J'avais écrit l'année dernière que ce poisson
ne présente pas d'intérêt particulier pour l'aquariophilie.
Gris clair ou gris foncé, il n'a aucun attrait. Je me suis aperçu
que nous nous sommes complètement fourvoyés. Quand il grandit
le dami devient splendide. Il est gris foncé, même
noir, avec une large barre verticale rouge au milieu du corps et toute
la tête est également rouge. Les couleurs qu'il prend en
grandissant sont vraiment très surprenantes. J'ai pu voir des couples
en reproduction et ai donc pu constater que le mâle, aussi bien
que la femelle, présentent cette coloration; c'est vraiment très
intéressant. Finalement, le dami devient un des poissons
les plus colorés de Madagascar.
Par contre nous ne voyons pas la trace des "Lamena", les poissons
rouges! Je ne sais s'il y a vraiment quelque chose dans cette rivière
ou bien si ce sont les dami qui sont confondus par les habitants
avec les "Lamena" quand ils sont adultes. J'y passe beaucoup
de temps, je plonge la nuit, je fouille à la lampe mais ne trouve
rien.
Tout le village participe à la pêche aux "Lamena". |
Le lendemain, nous partons en direction d'un petit village découvert
l'année dernière, Bekitrobaka. Il est situé quelques
kilomètres avant Mandritsara. Là, le chef du village est
un ancien militaire et parle le français. En un rien de temps,
tout est préparé, tout un groupe de jeunes munis de leurs
petits filets part avec nous dans la voiture pour aller jusqu'à
la rivière distante de 5 ou 6 kilomètres. Nous revoyons
ce cours d'eau exploré l'année dernière, la Mangarara,
mais ils ne veulent pas que nous nous y arrêtions. Ils souhaitent
poursuivre jusqu'à une deuxième rivière, l'Ambomboa.
Là, c'est formidable, tout ce groupe de jeunes gens et jeunes filles
pousse des cris de joie à chaque fois qu'ils aperçoivent
un poisson; Patrick les enregistre avec son magnétophone. Ils finissent
par trouver les Lamena. L'extase! Le premier spécimen pêché,
un adulte, est rouge, rouge-cuivre, oh là là!! Quel plaisir
immense! Ils pêchent toute la matinée pour en prendre dix
ou douze. Ils les repèrent dans l'eau claire, ce qui est facile
étant donné la couleur des poissons qui doivent être
en période de reproduction; ils cernent ensuite, avec les petits
filets, la pierre sous laquelle ils se cachent et les dénichent
à la main. Nous prenons ensuite le repas dans le village et repartons
à la pêche l'après-midi, une dizaine de Lamena s'ajoutera
à notre récolte. En m'écartant un peu pour observer
les poissons, je peux constater qu'ils sont bien en période de
début de reproduction, il y a des oeufs collés sur une pierre
(substrat découvert), bien serrés les uns contre les autres,
mais, surprise, les oeufs sont rouges...! Je ne trouve pas de jeunes mais,
surtout, je n'ai pas le temps de les chercher. Ces poissons sont des poissons
de torrent (rhéophiles), ils vivent donc dans des eaux très
rapides, claires et très douces car toute la région est
granitique. Ils seront certainement faciles à conserver car l'expérience
nous a montré que les poissons de torrent survivent beaucoup mieux
dans nos boîtes que ceux des lacs.
Après avoir emballé tous nos Cichlidés, nous retournons
de nuit à la rivière visitée la veille, au pont de
l'Anjingo, où se trouvaient les manguiers et où nous avions
pêché les Juba. Nous voulons montrer les Lamena aux gens
du pays afin de savoir si ce sont ceux que nous avions recherchés
dans leur rivière. Ils ont l'air de les reconnaître et nous
disent que ce sont les mêmes qu'ici mais... je n'en suis pas sûr
du tout!
Nous retournons maintenant au lac Andrapongy pour récupérer
notre piscine. Nous y trouvons quatre Damba (nom donné dans cette
région aux Paretroplus). Deux sont bien, deux sont fatigués,
leur nage est difficile, ils ne sont pas à l'aise... C'est sûr,
ces deux-là finiront dans le formol! Les deux autres sont emballés
avec soin.
Nous attaquons le chemin de retour et arrivons au lac où nous avions
laissé la deuxième piscine. Nous avons la désagréable
surprise de ne trouver que deux Paretroplus. Les pêcheurs
prétendent que les poissons meurent dedans mais en fait, ils meurent
parce qu'ils restent trop longtemps dans des seaux dont l'eau n'est pas
renouvelée au moment de leur capture. Pendant une partie de la
nuit, je pêche à l'épervier et réussis à
prendre quelques jeunes. Le lendemain matin, les pêcheurs repartent
avec leur grand filet et en reprennent d'autres si bien que la moisson
est bonne. Une douzaine de Paretroplus à queue rouge seront
bien emballés; je leur apporte une grande attention et espère
qu'ils voyageront convenablement.
Oxylapia spec. "Lamena" qui signifie "le rouge" en malgache, en aquarium et lors de sa capture. Il s'agit d'une espèce rhéophile qui vie dans les parties rapides de la rivière. |
Nous reprenons la route épouvantable après Manpikony pour
aller en direction de Majunga jusqu'à la réserve forestière,
proche du village d'Ampijoroa, au milieu de la forêt d'Ankarafantsika,
près de la station où vivent des Paretroplus kieneri
et P. maculatus. Nous nous installons pour deux jours car il y
a des locaux dans lesquels nous pouvons déployer nos piscines;
nous y remettons nos poissons en "liberté" ce qui leur
permet de souffler avant la suite du voyage. J'en profite pour aller dans
un lac proche pour récupérer quelques Paretroplus petiti.
Nous achetons du carburant au marché noir dès que nous le
pouvons; nous arrêtons les camions pour leur acheter du gasoil et
ainsi, 20 litres par 20 litres, nous reconstituons notre stock pour entamer
le retour vers Tananarive. Notre chauffeur est vraiment débrouillard
et à chaque fois, il trouve les gens qui veulent bien nous en vendre.
Bien sûr, on la paye un peu plus cher mais ce n'est pas très
grave.
Dans la réserve, il y a un terrain réservé pour les
tentes et nous nous y installons; de grands arbres dans lesquels viennent
dormir de nombreux Lémuriens surplombent ce terrain. Au beau milieu
de la nuit des hurlements nous éveillent. Quels sont ces oiseaux
qui font un pareil bruit ? Patrick, réveillé, lui aussi
me dit que ce ne sont pas des oiseaux mais des Lémuriens.
Le vacarme est insoutenable et il est impossible de dormir. Au bout d'une
demi-heure, n'y tenant plus, je sors pour prendre une branche, la jeter
dans les arbres et essayer de les faire fuir. Mais, en me baissant, je
trouve un jeune Lémurien tombé au sol. Je le prends, il
est tout affolé. En quelques instants, il m'escalade, me grimpe
sur la tête et s'agrippe dans mes cheveux comme il s'agrippe aux
poils de sa mère quand ils vont d'arbre en arbre; impossible de
lui faire lâcher prise. Tout le groupe de Lémuriens, vingt
ou trente, est autour de moi et hurle. J'ai un peu peur qu'ils m'attaquent.
Finalement, pour me débarrasser de mon pensionnaire, je dois m'approcher
d'un tronc pas trop gros, je le pousse et il finit par bien vouloir me
lâcher. Il escalade l'arbre et ses parents, voyant cela, se précipitent,
il s'agrippe à eux et toute la troupe disparaît. Enfin, on
va pouvoir dormir! Ce petit animal accroché à mes cheveux,
ce sera vraiment un sacré souvenir!
La journée suivante est occupée à récupérer
des Paretroplus maculatus dans le lac. A l'épervier, c'est
assez facile car ils sont probablement en période de reproduction
et il y a beaucoup de gros spécimens. L'année dernière
nous n'avions pris ici que des petits, ce qui est mieux pour ramener en
France. Cette année, je ne prends que des gros, je suis même
étonné de la taille qu'ils peuvent atteindre, 25 centimètres.
A force de lancer l'épervier, je finis tout de même par capturer
une dizaine de sujets de taille compatible avec les nécessités
du transport; je tente toutefois ma chance en gardant deux ou trois gros
pour voir si j'arrive à les rapporter. Nous reconditionnons tous
les poissons mis dans la piscine, les Lamena se comportent très
bien, il y en une bonne vingtaine, leur couleur est spectaculaire en comparaison
des autres poissons malgaches qui sont, en général, plutôt
ternes. Ils sont éblouissants.
Nous refaisons, de nuit, la route jusqu'à Tananarive où
nous arrivons au petit matin. Nos poissons sont alors placés dans
la maison de Rémi. Oui, il faut que je vous parle de Rémi.
Rémi était ce malgache extraordinaire qui nous avait accueilli
lors de nos deux précédents voyages; c'était un passionné
d'Orchidées, de poissons. Il était venu avec nous faire
une petite expédition l'année dernière et nous avait
beaucoup aidé. Malheureusement Rémi nous a quitté.
Il a retrouvé ses ancêtres. Il a demandé à
sa femme, sur son lit de mort, de bien vouloir nous accueillir quand nous
reviendrions de façon à ce que nous puissions mettre nos
poissons dans ses aquariums. En effet, sa veuve est charmante avec nous,
nous aide de son mieux. Nous retrouvons sa maison et ses aquariums en
parfait état, elle a tout préparé avec l'aide de
ses employés, de façon à ce que nous puissions stabuler
nos Cichlidés pendant quelques jours.
Nous laissons donc tous nos poissons; nous les soignons quand même
un peu car le voyage les abîme, les nageoires sont en plus ou moins
bon état; on sale l'eau pour empêcher la prolifération
de nombreux germes. Enfin, nous repartons vers le Sud pour tenter de retrouver
un Cichlidé très célèbre à Madagascar:
le Marakely à bosse. Marakely est, en général, le
nom donné au Paratilapia polleni; le Marakely à bosse
est un poisson différent, il s'agit de Ptychochromoides betsileanus
signalé dans toute la zone, au Sud de Tananarive. Du moins il était
signalé car nous l'avions déjà recherché l'année
dernière dans le lac Itasy où il était, autrefois,
très abondant; malheureusement les Tilapia l'ont complètement
fait disparaître. Nous avons un peu d'espoir de le retrouver dans
le sud. Nous faisons une route assez longue. A chaque rivière,
nous demandons si les gens le connaissent. Mais les réponses sont
toujours négatives. Finalement, nous trouvons des villageois qui
en pêchent encore: il vit dans un cours d'eau... à quatre
heures de marche de là...! C'est un poisson vivant en eau courante,
très claire. Le temps nous est compté et j'ai mal à
un genou, les restes d'un vieil accident de voiture, je ne peux donc marcher
aussi longtemps. Ce sera pour l'année prochaine...
Sur le chemin du retour, dans une petite rivière proche de la route,
nous pêchons, toujours à la recherche du Marakely à
bosse. Les gens du pays nous attrapent un poisson qu'ils pensent être
celui que nous cherchons, en fait c'est un polleni mais il est
différent de ceux que nous avons pris sur la côte Est ou
dans le Nord de l'île, il est parsemé de tout petits points
qui sont vraiment bleu clair. Nous avons un adulte et une dizaine de jeunes;
cela constituera une nouvelle souche; ils sont solides et voyagent en
général assez bien, j'espère qu'ils arriveront vivants.
Nous sommes à la fin de notre périple, nous devons reprendre
l'avion dans 24 à 36 heures. Nous repassons chez Rémi dont
la femme nous accueille avec toujours autant de gentillesse. Les poissons
vont très bien, l'employé s'en est parfaitement occupé.
Nous sommes maintenant très confiants quant à la réussite
de ce voyage, les poissons devraient, normalement, bien arriver en France.
Il nous reste une journée que nous réservons pour aller
rendre visite à André Peyrieras; il s'agit certainement
du plus grand naturaliste qu'ait connu Madagascar. Il fait des élevages
d'une quantité d'animaux, en particulier des papillons dont il
vend les chrysalides ou les sujets séchés dans le monde
entier. Il les fait reproduire dans de très grandes volières.
Chez lui se reproduisent aussi: Caméléons, Grenouilles,
Mantella, Phasmes, grandes sauterelles très colorées, beaucoup
de plantes, c'est vraiment fantastique. Une journée entière
ne suffit pas pour tout voir.
Il ne nous reste plus maintenant qu'à emballer nos poissons, ce
que nous faisons avec l'aide des employés de Madame Andriamaharo,
la femme de Rémi. Trois caisses de poissons sont préparées
et nous prenons le chemin de l'aéroport. Là, je pense que
tout est fini mais... Au moment de mettre nos poissons dans l'avion, alors
que nous avons toutes les autorisations malgaches nécessaires,
le chef d'escale d'Air France refuse de les embarquer... Motif: un règlement
habituellement jamais appliqué: les animaux vivants doivent voyager
avec le fret, ce ne sont pas des bagages... Bien sûr, il est impossible,
en s'y prenant deux heures à l'avance, de les faire voyager en
fret car il faut de nombreux papiers. Dépité, je m'apprête
donc à abandonner tous mes poissons sur le quai de l'aéroport.
Heureusement, Jean, notre chauffeur, n'est pas reparti tout de suite.
Il s'aperçoit en me voyant courir d'un point à un autre
que j'ai des problèmes et il attend alors qu'il aurait dû
avoir quitté l'aéroport depuis longtemps. Je le retrouve
là; c'est mon sauveur, je vais pouvoir lui laisser les poissons
et lui donner la charge de faire les papiers et de me les réexpédier
dans quelques jours. Comme il est vraiment sérieux, qu'il sait
bien, pour l'avoir fait avec nous de nombreuses fois, emballer les poissons,
je me résigne à partir en laissant derrière moi tout
mon précieux chargement. Le suspense commence! Comment cela va-t-il
se passer? Les aquariums dans lesquels ils avaient été placés
chez Rémi ont été complètement vidés,
les pompes ôtées. Il va falloir que Jean reprenne contact
avec Mme Andriamaharo. Seul le téléphone me donnera des
nouvelles...
Une fois arrivé en France, la première chose que je fais
est d'appeler pour savoir comment ça s'est passé. Jean a
bien amené les poissons. Et là, formidables malgaches, ils
ont réussi à les maintenir en vie; les aquariums ont été
remis en route. Mme Andriamaharo a fait tous les papiers pour refaire
l'expédition et ce n'est pas facile dans ce pays. Avec l'aide de
ses employés elle a réemballé les poissons et les
a remis à l'avion. N'oublions pas qu'il n'y a plus une goutte d'essence
à Tananarive et donc un déplacement jusqu'à l'aéroport
est d'une complexité terrible. Heureusement, Philippe de Rham,
cousin de Patrick, coopérant suisse vivant à Tananarive,
qui nous accueille tous les ans est venu la véhiculer.
Une semaine après mon départ, trois caisses arrivent à
Marseille! Je viens à l'aéroport avec ma bouteille d'oxygène
de façon à pouvoir les réoxygéner si c'est
nécessaire. Miracle, il n'y a pas un mort. Tous les animaux sont
en parfaite condition.
Amis malgaches, je ne sais comment vous remercier, vous avez réussi
un exploit. Je tiens tant à ces poissons, je me suis donné
tant de mal pour les récolter et les retrouver sur le quai de l'aérogare
de Marignane m'émeut profondément; j'en ai les larmes aux
yeux de voir que vous avez réussi. Bravo et merci à tous.
Je vous dédie cet article car vous avez vraiment mérité
toute ma reconnaissance. Mme Andriamaharo, votre mari, Rémi doit
être fier de vous.
Maintenant, tous ces poissons sont dans mes aquariums, ils vont très
bien, je n'ai eu aucune perte. Les Lamena, le clou de cette expédition,
sont en parfaite santé. J'espère avoir la chance de pouvoir
les faire reproduire car, en raison de sa beauté, cette espèce
est appelée à avoir une grande diffusion.
Avant de partir, je leur avais préparé un grand aquarium,
style piscine, de plusieurs milliers de litres. Je ne pourrai pas reconstituer
à Toulon les mêmes conditions d'eau que dans la nature. Tous
ces poissons capturés dans le nord-ouest de l'île vivent
en eau très douce; c'est un massif granitique qui occupe le centre
de l'île, l'eau a 2° de dureté permanente et 3° de
dureté temporaire (non, ce n'est pas une erreur, ça arrive
quelquefois et il y a une explication scientifique à cela). Le
pH est très alcalin, 8,3 - 8,5, c'est assez étonnant. Les
analyses ont été, à peu près, semblables dans
toutes les rivières. Il me sera impossible de leur donner cette
eau à Toulon où elle est très calcaire mais ils semblent
très bien s'en accommoder.
Espèces de Cichlidés malgaches trouvées, ou retrouvées,
par notre équipe au cours des trois voyages:
Genre Paretroplus:
P. polyactis: abondant sur la côte Est
P. maculatus: Ampijoroa et Maevatanana P. petiti: Lac Kinkony
P. kieneri: Ampijoroa, Lac Kinkony, Lac Sarodrano, rivière
Ambomboa
P. dami: Lac Andraponjy, Rivière Anjingo
P. sp. "queue rouge": Lac Sarodrano
Paratilapia polleni: côte est - présent dans toute l'île.
Ptychochromis oligacanthus:
Nossy Be: poissons bleu métallique Côte est: poissons gris
Anjingo: poissons gris bleu, queue rougeâtre.
"Lamena": Rivières Ambomboa et Mangarara.
Une équipe d'une Université américaine a retrouvé,
dans la région de Marolambo au sud-est de Tananarive, Oxylapia
polli et un nouveau Ptychochromoides.
Il reste à rechercher le "Marakely à bosse", Ptychochromoides
betsileanus... Et peut-être à découvrir encore
quelques autres espèces ou variétés géographiques.
Mais ce sera pour un autre voyage...
Le nombre des Cichlidés malgaches connus est donc passé
de 9 à 12 en deux ans.