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Récolte et maintien en aquarium d'animaux aquatiques de nos côtes

par R. TONGIO - Section " EAU DE MER ", AQUARIUM 32, STRASBOURG. (Photos M. Dessinais)
Comme chaque année de nombreux aquariophiles vont passer leurs vacances au bord de la mer, et, passionnés par le monde marin qui se trouve maintenant à leur portée vont capturer, ou essayer de capturer, conserver sur place pendant quelques jours, voire quelques semaines, des poissons, des invertébrés, des algues, avec plus ou moins de bonheur selon le cas, et finalement tâcher de ramener ces animaux " chez eux " dans un aquarium dans lequel ils vont essayer de les conserver le plus longtemps possible en vie...

Invertébrés, vue d'ensemble
Anemonia sulcata
Cerianthe
Cynthia papillosa, Ascidies

Personnellement, animé par cette passion, tous les ans je puis constater en faisant le bilan, en échangeant mes expériences avec d'autres, que s'il ne reste que peu de choses vivantes au bout de quelque temps, que ce sont toujours les mêmes erreurs qui sont à l'origine de ces échecs.
C'est dans cet esprit et pour essayer d'aider d'autres " récolteurs ", dans la mesure de mes faibles connaissances, pour tâcher aussi d'éviter les massacres inutiles d'espèces déjà trop rares, que j'ai pensé rédiger ces lignes sous la forme de simples constatations que d'aucuns pourront trouver élémentaires...

PREMIERE PARTIE : LES INVERTEBRES
1) Les éponges
On évitera de prendre des éponges fixées sur des substrats formés de matières friables constituées de milliers d'animalcules pourris, qui pollueraient l'aquarium (ceci élimine déjà une certaine quantité d'éponges). Beaucoup d'expériences restent à faire dans ce domaine par les aquariophiles marins. Les plus indiquées semblent être les éponges en forme de doigts.
2) Les étoiles de mer
L'étoile rouge " Echinaster sepositus " semble tenir relativement bien si elle est capturée au stade juvénile. Elle est croquée par certains Labridés, notamment par les girelles. Elle aime (semble-il) se nourrir d'ascidies.
La petite Coscinasterias tenuispina est très résistante. Les deux exemplaires capturés cet été ont perdu quatre bras sur les sept d'origine et les ont régénérés entièrement au bout de deux mois. Attention, très vorace, elle est capable de dévorer un pagure deux fois plus gros qu'elle.
Les Astropecten tiennent bien en aquarium, semblent peu fragiles aux qualités d'eau. Elles s'enfouissent dans le sable et en ressortent de temps à autre pour grimper le long du décor. Elles nettoient le sol des débris de nourritures qui s'y trouvent, ce qui nous arrange bien. Astropecten aurantiacus semble particulièrement résistant.
Asterina gibbosa se reproduit relativement facilement en aquarium. Le genre " coussin " tient bien dans un bac d'invertébrés sans poissons.
3) Les limaces et lièvres de mer
Les limaces ne semblent pas tenir plus de deux à trois mois en aquarium, diminuent de volume au fil des jours et finissent par mourir sans explication aucune. Toutefois, elles peuvent être nourries avec des scyphoméduses au stade polypaire (obtenues en nourrissant très souvent avec des Artémias).
Les lièvres de mer ou Aplysies tiennent plus facilement à condition que l'on puisse leur fournir suffisamment d'algues supérieures pour leur nutrition.
4) Les oursins
Sphaerechinus granularis, l'oursin violet tient bien en aquarium, mais se nourrissant d'algues, est à déconseiller pour votre culture de caulerpas. L'oursin commun capturé jeune est résistant et se nourrit d'algues. Il peut s'habituer à d'autres nourritures telles que des débris de moules cuites ou même à des moules vivantes qu'il dévore entièrement (constaté au bout de trois mois d'acclimatation).
5) Les gorgones
Une gorgone rouge violacée Paramuricea clavata pêchée à 40 mètres (donnée comme nocive) a été introduite dans un bac d'invertébrés, développait ses polypes en permanence et ne semblait pas incommoder son voisinage. D'autres aquariophiles ont constaté que cette gorgone lâchait un produit toxique capable de foudroyer les girelles en un très court laps de temps. Ne serait-elle toxique que pour les poissons ? Le mystère reste entier.
Les gorgones jaunes Eunicella cavolini et blanches Eunicella verrucosa se comportent bien si l'eau est bien brassée, les polypes s'épanouissent même dans un bac contenant des poissons. Elles semblent apprécier un complément de vitamines.
6) Les anémones
Contrairement aux idées toutes faites, la Sulcata paraît fragile aux changements d'eau (et de lumière). Les Sulcata blessés à la capture ne survivent pas. Elles se tournent toujours vers la lumière du jour. Leur coloration verte et bouts de tentacules violacés ne semblent rester que dans la mesure où le bac est planté d'algues. Profondément urticante, elle n'est pas très conseillée dans un bac d'invertébrés.
Actina equina et autres (communément : tomates de mer), même très abîmée à la récolte ne semble pas souffrir de ses blessures et est très indiquée pour nos aquariums. Ses homologues atlantiques se reproduisent à merveille en aquarium. La coloration va du rouge uni au vert bronze. Il existe des espèces similaires criblées de petits points blancs ou " tigrées " bicolores. Elle convient à tout aquarium d'ensemble, mais peut être gênée par certains poissons (labridés) qui viennent lui " voler " sa nourriture.
Bunodactis verrucosa compagnon favori du Bernard l'Hermite qui s'en sert en tant que protection par sa coquille forme un réel cas de symbiose avec ce crustacé.
Beaucoup d'autres espèces d'anémones plus curieuses et plus rares existent en Méditerranée, avis aux amateurs ! Toutefois méfiez-vous des mélanges d'espèces qui ne se supportent pas dans un même bac.
7) Les crevettes
Très territoriales, les crevettes éliminent souvent les autres espèces et vont même jusqu'à attaquer certains poissons (Gobidés, Blennidés). Elles sont consommées par la plupart des Labridés. Certaines vivent en symbiose avec une anémone. Elles s'attaquent très souvent aux panaches des vers tubicoles, muent fréquemment en aquarium (même l'aquariophile averti, subit un petit choc à chaque fois qu'il trouve une carapace vide au sol).
Il existe beaucoup d'espèces de crevettes en Méditerranée, notamment rouges unies, rouges à petites rayures telles Lysmata seticaudata, vertes unies (dans les herbiers) et vertes à motifs.
Ces animaux sont trop souvent délaissés par l'aquariophile et mériteraient qu'on en parle plus souvent (notamment des espèces rares).
8) Autres crustacés
La petite cigale de mer, relativement fréquente dans les herbiers, se capture facilement au jugé, à l'aide d'une grosse épuisette avec laquelle on râcle les herbes.
En aquarium elle se cache, très ocraintive, et ne paraît pas s'alimenter. On la maintient en survie pendant un mois ou deux et on la découvre morte sans savoir si elle a mangé en captivité ou non. Je n'ai pas réussi à savoir de quoi elle se nourrit et serait très intéressé si quelqu'un pouvait me donner réponse à cette énigme.
Les différents Pagures ou Bernard l'Hermite sont d'excellents agents nettoyeurs pour le fond de l'aquarium. Certains d'entre eux se plaisent à fixer une anémone sur leur coquille pour se préserver des éventuels prédateurs.
Les crabes ne sont pas à conseiller dans nos aquariums. Ils attaquent les poissons, détruisent les invertébrés, déterrent les algues et... se sauvent très souvent de l'aquarium.
9) Les cérianthes
Cerianthus menbranaceus identiques aux tropicales se trouvent déjà à cinq ou dix mètres de fonds généralement sur un substrat vaseux ou sablonneux. Particulièrement abondants en été (il semblerait que cela soit dû à la pollution), ces animaux tubicoles sont d'excellents hôtes pour nos aquariums marins. Leur coloration n'est jamais identique, unie ou même tricolore, elle peut être rouge, violacée, blanche, brune, ocre, etc. (il existe en fait 40 à 50 espèces de cérianthes, que seuls quelques rares spécialistes savent distinguer).
Il est recommandé de ne pas l'abîmer à la capture. La technique la plus efficace me paraît de saisir le tube sous l'animal, par surprise, et de dégager le sable alors seulement avec l'autre main. Faute de quoi l'animal se rétracte dans son tube et va même jusqu'à l'abandonner pour s'enfoncer dans le substrat.
Il peut être placé en petite quantité, dans un aquarium d'ensemble, à condition qu'il soit très vaste. Les cérianthes sont les animaux marins les plus urticants. Il est plus conseillé de les élever à part, sous forme de collection de cérianthes.
REMARQUE
Trop peu de choses sont écrites pour nos aquariophiles concernant les invertébrés de nos côtes et leur maintien en aquarium. On ne saurait trop les y encourager, ce qui permettrait peut-être de percer certains mystères et de faire enfin le point sur ces animaux trop peu connus.