Le mimétisme
chez le poisson-comète:
Calloplesiops altivelis Steindachner, 1903
par H. COMPAAN (Aquarama - 1989) adapté par Jean-Jacques ECKERT
Plus rarement proposé par le commerce aquariophile Calloplesiops
altivelis accroche le regard au vu de sa coloration typique. Suite
à l'article paru dans Aquarama N° 105, H. Compaan nous fait
part des particularités, observées in situ, concernant son
comportement de camouflage plus scientifiquement qualifié de mimétisme.
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Calloplesiops altivelis. Remarquez l'ocelle sur l'arrière de la nageoire dorsale. |
Description
Les photos couleurs illustrant cet article mettent plus particulièrement
en relief sa coloration ainsi que le patron des adultes. Les juvéniles
possèdent moins de points blancs que les adultes tandis que la
teinte bleue des nageoires virera vers le brun et le bleu-vert. Au bas
de la partie postérieure de la nageoire caudale se trouve le fameux
ocelle.
Répartition
L'aire de répartition géographique de l'espèce est
très grande: elle s'étend de la l'Océan Indien et
l'Archipel Indo-Australien jusqu'aux îles Philippines atteignant
Taiwan. Cependant à aucun endroit le poisson ne semble être
en nombre élevé.
Maintenance
Avec ses seize centimètres environ le poisson comète fait
partie des hôtes aisé à maintenir dans nos aquariums
marins. Il n'accepte que de la nourriture carnée, de préférence
vivante. Quelquefois il lui arrive de prendre de jeunes Guppys.
Etant donné qu'il est très craintif, et qu'il le reste,
il nécessite d'excellentes cachettes disposées de manière
à pouvoir l'y nourrir. Il s'agit d'un poisson idéal pour
les bacs à invertébrés, mais il peut également
être associé à des poissons calmes et peu agressifs.
En présence de cohabitants agressifs il subit la concurrence alimentaire
et de ce fait ne se nourrit pas comme il devrait.
Installé dans son nouvel habitat il peut se passer quelques jours
voire une semaine jusqu'à ce qu'il fasse son apparition. Quelques
jours de jeûne ne lui nuisent pas, au delà il faut essayer
de le nourrir dans sa cachette.
Au niveau de l'aggressivité intraspécifique il n'y a point
de renseignements dans la littérature concernant la cohabitation
de deux Calloplesiops altivelis, mais cela est certainement lié
au fait que de manière générale l'aquariophile ne
maintienne qu'un exemplaire isolé, car les poissons comète
ne sont pas proposés couramment et lorsqu'ils le sont c'est à
un prix, disons élevé! Cependant une certaine agressivité
intraspécifique est du domaine du possible.
De temps à autre le poisson comprime ses nageoires le long de son
corps. Certains aquariophiles y voient des signes de peur ou d'indisposition,
d'autres l'expression du repos.
Le poisson comète n'est pas particulièrement sensible aux
prévenances des poissons nettoyeurs (Labroides dimidiatus).
L'espèce a atteint plus de trois ans d'âge dans différents
aquariums. A cause de son apparente rareté l'espèce est
du fait des arguments relatifs à la protection de la nature moins
appropriée pour nos aquariums, cependant avant toute décision
définitive il faudrait posséder plus de connaissances biologiques
in situ, mais ce sont justement ces dernières qui font le plus
défaut au niveau de la biologie marine.
Biologie
Passons au phénomène du mimétisme. Dans son captivant
livre Wolfgang Wickler s'exprime ainsi à propos du mimétisme:
"simulation de fausses réalités dans la nature".
Cela se réfère au fait que les plantes ainsi que les animaux
ont un aspect comme s'ils étaient autre chose qu'ils ne sont et
ont ainsi une meilleure chance de survie. Il existe différentes
formes de mimétisme: l'une d'entre elles a été décrite
pour la première fois par l'anglais Henry Bates. Lors de ses expéditions
dans les forêts vierges du Brésil il a collectionné
de nombreuses espèces de papillons. Lors de minutieux examens ultérieurs
du matériel récolté il a semblé au premier
abord que de nombreux exemplaires faisaient partie d'une seule et même
espèce. Mais des recherches plus précises ont révélé
que dans la plupart des cas il s'agissait d'espèces différentes.
Bates se demandait quelle en était la signification biologique
lorsque différentes espèces de papillons se ressemblaient
autant et il en arriva à la supposition suivante: l'une de ces
espèces de papillons si fortement apparentées n'étant
pas comestible pour les oiseaux était reconnue en tant que telle
et bien sûr laissée en paix.
Les autres espèces ressemblant fortement à celles qui ne
sont pas comestibles sont absolument mangeables mais ne sont pas reconnues
comme telles par les oiseaux et de ce fait également laissées
en paix. Il s'agit d'un avantage énorme pour les espèces
"naviguant sous un faux pavillon".
Depuis la publication de Bates en 1862 ce sujet a fait l'objet de nombreuses
et véhémentes discussions, entre autre parce que ce comportement
biologique constitue une preuve de l'évolution.
Il existe différentes formes de mimétisme, et en cas d'attrait
personnel, de très beaux exemples sont réunis dans le livre
de Wolfgang Wickler, paru dans la série "Kindlers Universitâts
Bibliothek" sous le titre "Mimétisme".
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Lycodontis meleagris. La murène perlée imitée par le Poisson-comète. |
Six conditions doivent être remplies afin de pouvoir parler d'un
cas de mimétisme tel qu'il est défini par Bates:
1. - L'existence obligatoire d'une espèce qui est imitée
(le modèle) et qui d'une manière ou d'une autre soit inintéressante
en tant que proie pour d'autres animaux.
2. - La possibilité d'existence d'une deuxième espèce
(l'imitateur ou le mime) qui pourrait être une proie potentielle
et qui ressemble fortement par son aspect à la première
espèce.
3. - Vraisemblablement l'imitateur existe t'il en nombre moins élevé
que le modèle.
4. - L'imitateur et le modèle doivent être présent
au même endroit et en même temps, même s'ils ne le sont
pas en permanence.
5. - L'imitateur et son modèle ne passent pas inaperçus
du moins pour les animaux susceptibles de les pourchasser.
6. - Les chasseurs apprennent que le modèle n'est pas comestible
ou à tout le moins ne présente pas d'intérêt.
Revenons à présent au poisson comète. En 1977 la
revue scientifique américaine "Science" (197, Pages 400-401)
a publié un article intéressant concernant le comportement
de Calloplesiops altivelis relaté par John E. McCosker du
Steinhart Aquarium de San Francisco. L'article était complété
par trois photographies sous-marines prises par D. Powell aux abords d'un
récif de Ille de la Grande Comore sise dans l'Océan Indien.
La première photo représente le poisson comète devant
sa caverne avec les nageoires fermées. Sur la deuxième il
écarte les nageoires pour se présenter en position d'intimidation,
ainsi peut on voir l'ocelle. Il est frappant de constater qu'il a incliné
sa queue en direction de la caméra. Il n'a pas fui dans sa caverne
mais est resté sur place bien que présentant son tiers postérieur
à l'objectif. Sur la troisième photo on aperçoit
la tête d'une murène perlée, Lycodontis meleagris
dépassant d'une anfractuosité du récif. La comparaison
est surprenante! Le poisson comète en position d'intimidation est
à peu près aussi grand que ressemblant à la tête
de la murène.
A présent McCosker suppose que nous avons à faire à
une véritable forme de mimétisme selon Bates. En cas de
danger le poisson comète se comporte tel une murène qui
en temps normal laisse apparaître sa tête du récif,
et ainsi il est laissé en paix. Dans ce cas les six caractéristiques
du comportement mimétique selon Bates sont réunies.
La murène perlée, Lycodontis meleagris (Shaw &
Nodder 1795), atteignant un mètre de longueur selon McCosker, n'est
donc pas particulièrement conseillée pour un aquarium particulier.
Frank De Graaf le conservateur de l'Aquarium Artis d'Amsterdam signale
qu'elle atteint 70 cm et qu'on la rencontre en Mer Rouge et dans l'Océan
Indien fréquentant les récifs coralliens, les récifs
morts ainsi que les zones côtières. Les juvéniles
se complaisent dans les mares restantes des marées, les pelouses
algaires ainsi que les champs d'algues.
Selon F. De Graaf la murène perlée constitue une espèce
facile à maintenir en évitant toutefois de la faire cohabiter
avec de petites espèces, en leur préférant d'autres
murènes ainsi que des poissons de bonne taille.
Il est également curieux de constater que la murène se laisse
nettoyer par Labroides dimidiatus. Les poissons nettoyeurs commettraient
ils une confusion?
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