Monacanthidés ou Poissons-limes
par Jean-jacques Eckert - Photos R. Allgayer (Revue Aquarama, 1990)
Curieux nom vernaculaire que celui de poisson-lime, en fait il est en relation avec la peau rugueuse de cette famille de poissons; peau, qui fut séchée dans le passé pour servir de papier de verre. Cette similitude d'appellation se retrouve également en langue allemande où ils se nomment Feilenfische, ainsi qu'en langue anglaise, laquelle utilise le terme de filefishes. Les temps ayant changé, c'est à présent le commerce aquariophile qui nous propose cette famille. Néanmoins, hormis Oxymonacanthus longirostris, les autres genres de cette famille sont rarement présents dans les bacs des commerçants.
Aluterus scriptus |
La famille des Monacanthidés (Alutéridés) appartient
au sous-ordre des Balistoides, de l'ordre des Tétraodontiformes.
Certains auteurs ont tendance à les rattacher à la famille
des Balistidés, car leur anatomie ne facilite pas leur différenciation.
Les principaux genres regroupés dans la famille des Monacanthidés
sont constitués par: genre Cantherines SWAINSON, 1839; genre
Chaetoderma, SWAINSON, 1839; genre Monacanthus CUVIER, 1817;
genre Oxymonacathus, BLEEKER, 1865; genre Pervagor FRASER
BRUNNER, 1941; genre Aluterus CLOQUET, 1816.
DESCRIPTION DE LA FAMILLE DES MONACANTHIDES
Les Monacanthidés se distinguent des Balistidés par un certain
nombre de détails. Tandis que le corps des poissons-limes est plus
comprimé latéralement, leur bouche est plus pointue, se
terminant parfois sous forme de rostre. La première nageoire dorsale
ressemble à une épine plus ou moins longue; quant à
la deuxième épine elle est le plus souvent cachée
sous la peau et sert à bloquer la première. L'épine
dorsale peut être dressée et verrouillée comme chez
les Balistes. Ils peuvent ainsi se fixer dans une crevasse à l'aide
du rayon épineux dorsal et de l'épine ventrale. En effet
la nageoire ventrale est remplacée par un appendice ventral renforcé
par un petit os et ayant la faculté d'être extensible. La
nage s'effectue grâce à des mouvements ondulés de
la deuxième nageoire dorsale associée à la nageoire
anale, ces deux nageoires se trouvant l'une au dessous de l'autre.
Les dents des deux familles présentent des similitudes, mais sont
moins puissantes. Chez les Monacanthidés la rangée externe
comporte six dents au lieu de huit, tandis que la rangée interne
de la mâchoire supérieure en comporte quatre. Les écailles
ne sont pas bien différenciées; elles possèdent de
petits "poils" durs, donnant à la peau sa structure rugueuse.
Les mâles de quelques espèces possèdent des épines
courbes sur le pédoncule caudal, lesquelles sont absentes ou peu
développées chez les femelles. La plupart des espèces
possèdent la faculté de changer de couleur pour imiter leur
environnement, quelques unes développent des excroissances cutanées
afin de parfaire leur camouflage; c'est le cas de Chaetoderma penicilligerum.
MODE DE VIE DES MONACANTHIDES
Les Monacanthidés, poissons assez réservés, vivent
cachés dans les champs d'algues ou parmi les gorgones. La plupart
sont très éclectiques au niveau de leur alimentation se
nourrissant d'une grande variété d'animaux benthiques, d'Eponges,
d'Anémones, de polypes coralliens, de petits Crustacés,
de Vers, de Mollusques voire d'algues. Leur régime alimentaire
spécialisé pose des problèmes quant à leur
maintien en captivité.
La nourriture de substitution s'avère insuffisante pour satisfaire
à long terme leurs besoins et ainsi éviter les carences.
Des aliments surgelés permettront peut être à l'avenir
de remédier à cette situation.
De par leur vie cachée, ils convient de les faire cohabiter avec
des poissons calmes, ne créant pas de concurrence alimentaire,
tels des Hippocampes, des poissons rasoirs (Aeoliscus spp.), des
Syngnathes. Il faut prévoir des cachettes pour améliorer
leur bien-être ; éventuellement vous pouvez agrémenter
le bac à l'aide de Caulerpes. Etant donné leur régime
alimentaire évitez de les placer en compagnie d'invertébrés.
Pour les nourrir utilisez de petits morceaux de moules, de poissons, des
daphnies, des artémias, des mysis, des algues ... Il faut les nourrir
plusieurs fois par jour, voire laisser dans le bac une moule ouverte,
qui leur permettra de se nourrir tout au long de la journée. La
taille atteinte par la plupart des membres de cette famille nécessite
des bacs d'une contenance minimale de 100 litres pouvant atteindre 1000
litres pour Aluterus scriptus, par exemple, tandis que la température
sera de 24 °C.
LA REPRODUCTION
Elle est relativement peu connue. Le dimorphisme sexuel est peu courant
et difficilement visible. Oxymonacanthus longirostris présente
des différences de coloration: les nageoires dorsales et anales
sont incolores, l'excroissance ventrale est de teinte vert olive; chez
les mâles il y a des rayures d'un orange pâle sur les nageoires
ainsi qu'une tache rouge cerclée de noir sur l'excroissance ventrale.
Les saisons de ponte, ainsi que les comportements de reproduction ne sont
pas connus. Les spécialistes supposent qu'ils émettent des
oeufs demersaux (c. à d.: se dit des oeufs des animaux marins lorsque
leur densité les fait tomber vers le fond) et adhésifs.
Seuls les oeufs de Monacanthus cirrhifer et d' Aluterus schoepfi
ont pu être décrits. Chez M. cirrhifer les oeufs sphériques
ont un diamètre de 0,66 mm selon Fujita, 1955. Leur développement
nécessite 58 heures à 20 °C. Chez A. schoepfi
les oeufs sont adhésifs et verts d'après Clark, 1950.
PRESENTATION DE QUELQUES MONACANTHIDES
Après le plat de résistance voici le dessert, à savoir
la présentation de quelques Monacanthidés particulièrement
typiques.
Aluterus scriptus (OSBECK, 1757)
Genre: Aluterus CLOQUET, 1816 - le genre comporte 4 espèces
-;
Espèce: scriptus;
Nom scientifique: Aluterus scriptus (OSBECK, 1757). Dans la littérature
on le recontre également sous le nom de: Alutera scripta
correspondant au genre Alutera (CUVIER) OKEN, 1817, comme synonyme
du genre avec émendation non justifiée.
Noms communs: Fr.: Poisson-lime écriture; Angl.: Scribbed filefish;
All.: SchrifftFeilenfisch ; Osbecks Lederjacke.
Synonymes: Osbeckia scripta ; Balistes scriptus OSBECK,
1757; Balistes laevis BLOCH, 1795.
Caractéristiques: Poisson magnifique, susceptible d'atteindre entre
60 et 100 cm (selon les auteurs), qui fréquente la Mer Rouge, l'Océan
Indo-pacifique, les Caraïbes et l'Océan Atlantique tropical.
En
solitaire ou en couples ils se tiennent dans les prairies d'algues, se
nourrissant d'invertébrés divers. Ce poisson est délicat
à maintenir à cause de sa spécialisation alimentaire.
D'autre part il nécessite un volume d'eau minimal de 1000 litres
pour pouvoir être à l'aise.
Nous tenons à remercier Mr. le Prof. B. Condé, Dir. de l'Aquarium
Tropical de Nancy, pour les précisions qu'il a bien voulu nous
fournir concernant les genres Alutera et Aluterus.
Chaetoderma penicilligerum ; Photo D. TERVER, Courtoisie Aq. NANCY |
Chaetoderma penicilligerum, CUVIER, 1816
Genre: Chaetoderma SWAINSON, 1839: 194 (= Chaetodermis:
327);
Espéce: penicilligerum
Nom scientifique: Chaetoderma penicilligerum CUVIER, 1816;
signification des termes: Chaetoderma: à téguments
pileux ; penicilligerum : porte pinceaux.
Noms communs: Fr.: Poisson- lime orné; Moncanthe à pinceaux;
Angl.: Prickly leather jacket; Tentacled filefish; All.: Schmuckfeilenfisch,
Fetzenfeilenfisch, Wurzelsepp.
Synonymes: Balistes spinosissimus QUOY & GAIMARD, 1824; Monacanthus
penicilligerus, CUVIER, 1829, 2° éd.; Chaetodermis penicilligerus
(BLEEKER? 1858-1859;) Chaetoderma penicilligera
MARSHALL, 1964.
Caractéristiques: Ce poisson typique est aisé à reconnaitre
à cause des excroissances charnues recouvrant son corps. Pouvant
atteindre 25 cm dans la nature, il vit dans les mers d'Australie, de l'archipel
Indo-Australian, de la Thaïlande et de Ceylan, à l'ouest.
Il séjourne parmi les herbiers composés d'algues et d'herbes
marines. Soit les adultes sont solitaires, soit ils vivent en couples.
Cette espèce serait essentiellement herbivore avec un apport carné.
Il supporte difficilement la concurrence alimentaire. Il faut donc éviter
de l'associer avec des poissons susceptibles de mordiller ses nageoires
ainsi que ses expansions cutanées.
Cantherines macroceros |
Cantherines macroceros (HOLLARD, 1854)
Genre: Cantherines SWAINSON, 1839; il regroupe 11 espèces
; Espèce: macroceros ;
Nom scientifique: Cantherines macroceros (HOLLARD, 1854)
Noms communs: Fr.: Poisson-lime à taches blanches; Angl.: White
spotted filefish; Ail.: Weif3flecken Feilenfisch.
Synonymes: Monacanthus macroceros HOLLARD, 1854; Monacanthus
stratus POEY, 1860; Monacanthus parraianus POEY, 1863; Cantherinus
amphioxys BEEBE & TEE-VAN, 1933 (non COPE);
Caractéristiques: Cette espèce, particulièrement
originale quant à son coloris, fréquente la Mer des Caraïbes,
des Bermudes aux Bahamas, en passant par la Floride et le Brésil.
Dans la nature il est capable d'atteindre la taille de 40 cm. Vivant en
couples, il se nourrit d'Éponges, de polypes coralliens, d'algues
ainsi que d'Ascidies. L'aquarium Artis d'Amsterdam a réussi à conserver
un exemplaire durant plus de trois ans, sans problèmes particuliers, en
le nourrissant avec de petites proies vivantes, des algues, des plantes
aquatiques tendres et de la laitue. Etant donné la taille atteinte par
l'animal un aquarium d'un volume adéquat est nécessaire: minimum 1000
litres.
Oxymonacanthus longirostris |
Oxymonacanthus longirostris (BLOCH & SCHNEIDER, 1801)
Genre: Oxymonacanthus BLEEKER, 1865;
Espèce: longirostris ;
Nom scientifique: Oxymonacanthus longirostris (BLOCH & SCHNEIDER,
1801).
Noms communs: Fr.: Poisson-lime à taches oranges; Angl.: Longnosed
filefish; AIl.: Paletteneinstachler ou Rotpunkt Feilenfisch.
Synonymes: Balistes hispidus var. longirostris BLOCH &
SCHNEIDER, 1801; Monacanthus longirostris (CUVIER, 1817); Monacanthus
chrysospilus BLEEKER, 1853.
Caractéristiques: Atteignant 10 cm, l'espèce habite parmi
les récifs coralliens de l'Océan Indo-Pacifique. Vu sa spécialisation
alimentaire il est extrêmement délicat à acclimater
et à maintenir. Il semblerait qu'en le maintenant en groupe de
3 à 4 individus les résultats soient meilleurs. En Mer Rouge
existe la seconde espèce du genre, du reste très proche
en ce qui concerne le patron de coloration: il s'agit d'Oxymonacanthus
halli Marshall, 1952.
En conclusion on peut dire que vu l'extrême difficulté à
pouvoir nourrir cette famille, leur place resterait plutôt dans
la nature que dans nos bacs. Si d'aventure vous en rencontrez dans le
commerce, n'en faites l'acquisition que si vous êtes un aquariophile
averti, conscient de ses responsabilités vis à vis des animaux
!
Bibliographie
Reproduction in Reef Fishes - Dr. R. E. TRESHER
Red Sea Reef fishes - Dr. John E. Randall Encyclopédie des poissons
marins - F. de GRAAF
Handbuch der Meeres/Aquaristik Band 2 - W. KLAUSEWITZ
Dr. BURGESS'S Atlas of Marine Aquarium Fisches
Fiche Technique Revue Française d'Aquariologie - Nancy