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Les oligo-éléments (métalliques) en aquariophilie.
Souhaités ou dangereux ?

par Harro HIERONIMUS. (Revue Aquarama, 1990) - adapté par Jean MARTZ
Les métaux entrent dans la famille des oligo-éléments nécessaires à la vie des poissons et des plantes. La majorité des métaux apparaissent dans de très faibles proportions dans l'eau potable ou dans la nourriture des poissons. Quelques métaux comme le cobalt et le nickel, quoique fort dangereux en tant que tels, sont présents à des doses infinitésimales et indispensables au métabolisme. Quatre métaux sont présents dans des proportions plus importantes et sont d'une grande importance en aquariophilie. Il s'agit du fer, du zinc, du manganèse et du cuivre.

Les Discus ont une réaction très sensible aux oligo-éléments en général et non seulement aux "métalliques". Photo: D. Vogt


LE FER
Le fer représente 4,7 % de la masse de la croûte terrestre et arrive ainsi en 4e position de tous les éléments. Dans la constitution du corps humain le fer entre en masse relativement importante (4 à 5 gr.) presque entièrement fixée au centre de la porphyrine qui forme l'hémoglobine (pigment rouge des globules du sang des vertébrés et de quelques invertébrés).
Le fer est donc d'une importance capitale pour les êtres vivants et très important pour les plantes. Les poissons se pourvoient en fer à travers la nourriture absorbée qui contient en règle générale la quantité nécessaire pour éviter toute insuffisance, car à ce jour on admet qu'aucune maladie de poisson ne peut être imputée à un manque de fer. L'assimilation du fer par les plantes se complique singulièrement car celles-ci doivent se pourvoir en retirant le fer contenu dans l'eau sous forme composée et soluble (Fer II+). Voyons à présent comment nait ce composé du fer qui est directement assimilable sous cette forme. L'eau de surface, et particulièrement l'eau de pluie, se combine au dioxide de carbone (gaz carbonique C02) de l'air. Devenue ainsi une solution légèrement acide (pH 5,5) cette eau perd son oxygène sous l'influence de plusieurs facteurs en pénétrant dans le sol et dans le sous-sol. Sous cette forme, l'eau est capable de produire une réaction de réduction du fer difficilement soluble en composés ferreux (Fer II), ferriques (Fer III) ou ferrates (Fer IV) selon le degré de réduction. La forme composée Fer II nous intéresse particulièrement car ses ions sont à même d'être "transportés" par l'eau et on peut relever des concentrations jusqu'à 1 mg/1.
Tout ce processus de transformation du fer s'opère à l'abri de l'air. En suivant cette eau on pourra constater qu'en réapparaissant à l'air libre (sources) le composé de fer se transforme en hydroxyde de fer difficilement soluble sous l'influence de l'oxygène de l'air. Ceci se remarque surtout près des sources ferrugineuses où les cailloux et le sable sont recouverts d'une fine couche rouge-brun d'hydroxyde de fer précipité. Dans l'aquarium, que ce soit dans l'eau, dans le sol ou plus particulièrement dans le dépôt organique recouvrant le sol, l'hydroxyde de fer est présent en abondance.
On peut lire assez souvent que cette réserve de fer n'est pas assimilable par les plantes, ceci n'est vrai que partiellement. L'hydroxyde de fer n'est pas totalement insoluble mais seulement très difficilement soluble, il n'existe d'ailleurs pratiquement pas d'élément insoluble. Il y a toujours une quantité d'ions ferriques dans l'eau et donc disponsibles à l'assimilation pour les plantes. Il existe donc un équilibre constant entre fer dissout et fer insoluble. De nouveaux ions ferriques sont donc produits en continuité mais pas au rythme de consommation d'une végétation dense.
De tels bacs nécessitent un apport de fer assimilable que l'hydroxyde environnant ne peut fournir.
Pour cette fertilisation complémentaire on utilise des complexes ferriques où le Fer II est protégé temporairement contre l'oxydation et reste donc à disposition des plantes. Ce rôle de protection anti-oxydante est rempli par un "enrobage" du complexe ferrique par des chélates. Parmi les chélates utilisés, le plus connu est commercialisé sous le nom EDTA, celui-ci protège particulièrement bien les complexes ferreux Fer III également assimilé par les plantes. Voyons de près la thèse de KRAUSE qui recommande une eau d'aquarium relativement pauvre en oxygène dissout, ceci dans le but d'augmenter la disponibilité des fertilisants assimilables. En principe les ions ferriques sont produits en milieu anaérobi. On peut admettre que 1 mg/I d'oxygène dissout dans l'eau constitue la quantité minimale nécessaire à la vie des poissons. Ce minimum suffit déjà amplement pour oxyder, donc transformer les ions ferriques en hydroxyde de fer très peu soluble.
KRAUSE recommande donc une faible quantité d'oxygène dissout afin de limiter l'oxydation mais également de favoriser une réduction donc inverser le processus (hydroxyde de fer ions ferriques. Fer II'). Cette inversion ne se produit que sous l'influence de plusieurs facteurs
- Eau très douce (TH très faible)
- Eau pauvre en oxygène dissout
- Eau légèrement acide
Ces conditions favorables à la production de Fer II assimilable pour les plantes mènent à la mortalité de poissons. Ceci a été constaté par SCHAPERCLAUS, qui lors d'une expérience a dû remonter très fortement le taux d'oxygène ainsi que la dureté de l'eau afin d'enrayer l'hécatombe. Selon ces constats, il est donc dangereux de vouloir maintenir un faible taux d'oxygène dissout dans l'eau. Il est de loin préférable de fertiliser avec du fer chelaté même si l'eau de conduite servant aux changements périodiques contient le maximum admis pour l'eau potable et théoriquement suffisant pour les plantes soit 0,2 mg/I. Pour obtenir les conditions optimales de fertilisation par le fer, il est recommandé une concentration de 0,1 à 0,5 mg/I. Valeur maximale à ne pas dépasser 1,5 mg/I.
LE ZINC
Le zinc est un oligo-élément indispensable à la multiplication cellulaire; l'être humain, les animaux et les plantes le consomment journellement. L'eau potable peut en contenir au maximum 2 mg/I. quoique cette concentration confère une teinte opaline et un goût métallique à l'eau. Ce que l'on considère comme un maximum pour l'être humain présente un danger pour les poissons. Les plantes consomment régulièrement du zinc, la présence dans l'eau devient donc vitale mais il faut veiller à ne pas dépasser une concentration de 0,15 mg/I; le zinc présente un danger pour les poissons et des mortalités apparaissent au-delà de 1 mg/I. Il faut attirer l'attention des aquariophiles sur le fait qu'une installation neuve de distribution d'eau par réseau de canalisations zinguées peuvent libérer ce métal à des concentrations élevées et non compatibles avec l'aquariophilie. Même une installation déjà rodée en libère encore une quantité appréciable et ce d'autant plus si l'eau séjourne longtemps dans les conduites suite à une absence prolongée.
Il est recommandé de vidanger le réseau avant d'entreprendre un changement d'eau. Le rôle protecteur des chelates a été évoqué dans le paragraphe fer. Il faut savoir que ces chelates se combinent également au zinc (de façon moindre qu'avec le fer) et jouent un rôle régulateur, certains évitant ainsi que le zinc ne devienne dangereux à des concentrations critiques.
LE MANGANESE
Le manganèse joue un rôle essentiel dans le métabolisme. La concentration maximale admise dans l'eau potable est fixée à 0,05 mg/I. A 0,5 mg/I l'eau prend un goût amer mais il n'est pas prouvé que cette concentration soit dangereuse pour l'organisme humain. Comme le manganèse se combine très mal avec les chelates et du fait de ses nombreux états d'oxydation possibles, il est conseillé d'apporter régulièrement cet oligo-élément à l'eau d'aquarium sous sa forme assimilable par les plantes.
LE CUIVRE
Le cuivre, tout en étant un oligo-élément très important, devient très dangereux pour les poissons et les plantes à des concentrations relativement faibles. Les invertévébrés, dont particulièrement les escargots, réagissent négativement à une très faible concentration; ce qui est encore admissible en aquariophilie d'eau douce devient mortel en aquariophilie marine. Le cuivre est quasi absent dans l'eau potable à la source. Les humains couvrent largement leur besoin par l'absorbtion de cuivre en provenance de l'alimentation; l'excédent est éliminé par l'organisme. La concentration maximale de l'eau potable limitée à 0,1 mg/I constitue déjà un danger pour certaines variétés de poissons. Les conduites d'eau réalisées en tubes de cuivre peuvent sérieusement augmenter la concentration; après une stagnation de 2 à 3 semaines une installation neuve peut libérer assez de sel de cuivre afin de faire monter la concentration jusqu'à 2 mg/I. A 5 mg/I l'eau devient très dangereuse pour l'homme mais fort heureusement elle acquiert un goût répugnant la rendant imbuvable. Le cuivre se combine aux chelates mais ne lui enlève pas sa nocivité envers les invertébrés, les grands escargots comme Ampullarius y sont particulièrement sensibles. Les algues consomment avidemment le cuivre et jouent par ce fait un rôle régulateur empêchant cet oligo
élément de devenir dangereux pour les poissons.
L'apport de cuivre ne s'effectue que faiblement par les changements d'eau. Les concentrations élevées et pouvant devenir dangereuses sont causées par les médicaments tels que le bleu de méthylène ou le vert de malachite efficaces contre l'oodinium ou l'ichthyophtirius. Les complexes cuivreurs sont également utilisés pour la destruction volontaire des escargots. Ces apports importants peuvent naturellement nuire aux plantes et ce d'autant plus que la solubilité du cuivre est favorisée par l'élevation de la température de l'eau. Il faut être très prudent lors des traitements et surtout procéder à des changements d'eau sucessifs après constat d'efficacité de ces traitements.

En conclusion il faut constater que l'on n'a pas toujours tenu compte de l'utilité des oligo-éléments métalliques en aquariophilie, cela tout particulièrement en ce qui concerne le fer, dans une moindre mesure le zinc ou le manganèse ou alors des dangers qui peuvent provoquer un excès de cuivre. Les plantes et les organismes vivants sont dépendants d'un équilibre d'une multitude d'éléments dont les oligoéléments métalliques qui sont capables de jouer, à des doses infinitésimales, un rôle biologique important. On sait isoler des organismes vivants un nombre d'oligo-éléments supérieurs à vingt. D'une manière générale, leurs concentrations varient notablement d'une espèce à l'autre. Les oligo-éléments, dont l'origine éthymologique exprime simplement la présence en quantité faible (oligon en grec signifie peu nombreux) d'éléments chimiques simples, possèdent un rôle biologique beaucoup plus important que ne laisserait supposer leur concentration.