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Quelques splendides Pontédériacées pour bassin de plein air et aquaterrarium

par J. TETON (Aquarama - 1983)

GENERALITES : Ces plantes que j'ai volontairement regroupée en raison de leurs similitudes morphologiques, et leur utilisation en bassin de plein air et en grand aquaterrarium, ont de plus d'autres caractères communs, notamment dans leur mode de multiplication.
On saura donc que si la reproduction sexuée assure fondamentalement la perpétuation des espèces citées, la multiplication végétative va quant à elle accroître considérablement leur pouvoir de dispersion, d'envahissement, et de survie. En conséquence j'insisterai donc beaucoup plus sur les moyens de multiplication végétative.

Essais de culture d'Eichhornia crassipes dans mon aquaterrarium. Photo: J. Teton

REPRODUCTION SEXUELLE: Les fleurs de ces plantes qui appartiennent à la même famille au point de vue taxonomique présentent donc les mêmes caractéristiques. Elles sont notamment regroupées en épis. Les étamines (organes mâles) et le pistil (organe femelle) sont réunis à l'intérieur de la même fleur (bisexuée). Ces fleurs qui s'épanouissent uniquement hors de l'eau, sont fécondées tout comme chez les plantes terrestres. Le pollen est transporté par le vent ou les insectes. Les graines qui résultent de la fécondation des ovules (ovaires triloculaires du pistil) sont contenues dans des fruits subaquatiques plutôt charnus. Souvent les rameaux portant ces fruits s'inclinent et enfoncent les graines dans l'eau (exemple: Monochoria vaginalis).
Le bilan de la reproduction sexuée (en milieu artificiel) est pour nous aquariophiles, plutôt négatif, car la germination des graines est souvent très compromise par nos moyens de culture et les conditions que nous recréons imparfaitement malgré toute notre bonne volonté.
MULTIPLICATION VEGETATIVE: Chez les espèces citées dans cet article la multiplication végétative est assurée par un stolon (tige plagiotrope horizontale) qui développe des racines adventives. La formation des stolons correspond à peu près à l'époque de la floraison. Dans le cas de production d'un stolon rampant sur le fond vaseux de la pièce d'eau (eau peu profonde) il développe des feuilles réniformes à intervalles réguliers. A chacun de ces intervalles, il produit également des racines qui s'enfoncent dans la vase.
Dans la cas de production de stolon au-dessus de la surface de l'eau ce dernier se redresse à son extrémité et forme une tige orthotrope (dressée) et des racines.
La formation des stolons se répétant constamment, tandis que les anciens stolons meurent après formation de la plante-fille, il en résulte une multiplication végétative prodigieuse.
CONDITIONS DE CULTURE
EN BASSIN DE PLEIN AIR: Eichhornia crassipes, Eichhornia azurea, Eichhornia natans, Heteranthera reniformis et quelques espèces du genre Monochoria (M. vaginalis notamment) peuvent être cultivées en bassin sous serre sans aucun problème. En revanche, je vous avoue que seule Eichhornia crassipes peut être cultivée avec succès en bassin de plein air sous certaines conditions. La premières de ces conditions est la température; aussi dans les régions septentrionales de notre continent, il faudra bénéficier d'un bel été et d'un bassin protégé du vent (bassin adossé à un mur, à une maison, ou à une haie compacte). La deuxième condition impérieuse est l'ensoleillement. En effet cette plante (comme celles des deux autres genres cités) a un besoin considérable de lumière. Il faut donc que la surface du bassin profite d'une très bonne exposition (orientation Sud) et d'une longue insolation (emplacement totalement dégagé sur le parcours du soleil). La surface du bassin devra être assez importante, car chaque pied d'Eichhornia occupe à lui seul 1/4 de m2. Si la surface du bassin est très grande elle pourra être partagée avec d'aures plantes palustres exotiques si la région (méridionale) et la saison s'y prêtent. Parmi ces plantes exotiques de "surface" nous pourrons maintenir: Pistia stratiotes LINNE, des Nymphaea tels : N.micrantha GUILL. et PERR., N.maculata SCHUMM. et THONN., N. lotus (LINNE). Quant aux Nymphaea continentaux nous retiendrons : N.alba LINNE et N.luteum (LINNE). Nous pourrons également ajouter à cette liste le très beau Nelumbium (lutea ou indica) qui lui aussi occupe une grande surface (voir AQUARAMA N° 66/4-1982, pp. 2629).
Dans les régions septentrionales, même par un bel été, les Eichhornia ne prendront pas une extension ; en revanche dans les régions méridionales, il faudra parfois enlever un certain nombre de pieds car elles risquent de monopoliser le bassin au détriment des autres plantes. Une solution consiste à cloisonner le bassin à l'aide de murets afin de répartir les espèces à votre gré.
La nature et la qualité chimique de l'eau n'ont guère d'importance, l'essentiel c'est que l'eau soit relativement chaude. Ainsi en-dessous de 10 °C, nous n'aurons aucune chance de maintenir les Eichhornia et encore moins de les voir fleurir, 20 °C étant la température minimale. En bassin bien exposé et bien chauffé, nous pourrons maintenir les Eichhornia entre Juin et Septembre. La floraison a lieu pendant Juillet-Août et peut même se prolonger jusqu'en Septembre dans les régions méridionales. Dans les régions septentrionales et même dans les bassins bien exposés, il faut reconnaître objectivement que la floraison est capricieuse. Dans les meilleures conditions, la floraison ne dure guère plus de quelques jours (environ 48 heures), en revanche les fleurs se succèdent au fur et à mesure que les plantes se multiplient. A propos de fleurs, il existe une espèce hybridés (Eichhornia x floribunda) créée par l'horticulteur LAGRANGE qui est une "race" florifère, et qui fleurit en plein air vers la fin de l'été. Il est à noter que même dans les régions méridionales de l'Europe, la plante n'atteint jamais la taille de celle qui se trouve sous les tropiques. A cet égard, nous pourrons également remarquer que les Eichhornia crassipes cultivées en bassin de plein air possèdent des pétioles plus renflés (presque globuleux) par rapport à ceux des plantes maintenues sous serre ou dans les grands aquaterrariums. En effet les Eichhornia cultivées sous abri sont nanties de pétioles à renflement allongé (fusiforme).
On veillera de temps en temps à pulvériser (aérosol) de l'eau tiède sur les plantes matin et soir (jamais en plein ensoleillement) car elle apprécient l'humidité ambiante et redoutent la poussière.
L'hibernation demande beaucoup de soins. Les plantes les plus vivaces seront conservées durant l'hiver dans un endroit chaud (+de 20 °C) et surtout bien éclairé (éclairage naturel auquel sera adjoint un éclairage artificiel). Elles seront disposées dans un large bac peu profond (10 cm environ) rempli d'eau et dont le fond sera recouvert d'une couche de tourbe (Sphagnum).
EN AQUATERRARIUM : A l'inverse du bassin de plein air ce sont Eichhornia azurea, Eichhornia natans, Monochoria vaginalis et Heteranthera reniformis qui sont appropriées à ce mode de culture. Quant à Eichhornia crassipes, elle dépérit assez rapidement par manque de place et d'éclairement. J'ai expérimenté ce mode de culture, mais sans un grand renfort d'éclairage (Lampes à vapeur de sodium à haute pression SONT-PHILLIPS) je n'aurai pu mener à bien cette expérience. Je m'empresse de dire que ces Eichhornia crassipes maintenues quelques mois dans mon aquaterrarium sont restées de taille modeste et n'ont jamais fleuries. Elles ont tout juste "passées" un hivernage dans d'excellentes conditions.
En ce qui concerne Eichhornia azurea, l'aquaterrarium (de bonnes dimensions) devra contenir une hauteur d'eau de 30 cm au minimum, car cette plante comme nous l'avons vu précédemment a deux formes de développement (primaire et secondaire). Sa forme primaire, c'est-à-dire totalement submergée nécessite en effet une hauteur d'eau convenable. Si l'aquaterrarium possède un éclairage assez puissant la plante ne tardera pas à prendre sa forme secondaire et nous assisterons à son plein épanouissement. Pour augmener le profit de l'éclairage à la plante, la source d'éclairement devra être assez rapprochée d'elle sans toutefois la brûler. La durée de l'éclairement artificiel sera d'au moins 12 heures continues. La température de l'eau sera maintenue dans une fourchette de 25 à 28 °C. La partie aérienne de l'aquaterrarium devra absolument être très humide. Dans ce cas comment conserver à l'atmosphère un degré hygrométrique convenable sans doter le bac d'un couvercle en verre ? En effet si nous voulons donner aux plantes un maximum de lumière artificielle, il faut logiquement éviter la présence d'un écran faisant obstacle à la pénétration des rayons lumineux. Solution: augmenter considérablement l'intensité de l'éclairage (solution guère appréciée à l'heure actuelle).
En ce qui concerne les espèces du genre Monochoria et Heteranthera reniformis les mêmes conditions devront leurs être assurées. La composition du sol de l'aquaterrarium n'a pas grande importance, tout le succès de la culture de ces plantes est dépendant: de l'espace, de l'intensité de l'éclairage, de la chaleur, de l'humidité de l'atmosphère et tous ces paramètres sont heureusement réunis dans le cas de l'utilisation d'une serre tropicale ou d'un grand aquaterrarium.

1. Eichhornia crassipes. Les fleurs ne sont pas totalement épanouies et nous montrent bien leur formation en grappe.
2. Eichhornia crassipes. Fleurs épanouies.
3. Eichhornia crassipes. Une fleur épanouie. On distingue la périanthe sur lequel se détache la macule jaune et les organes de reproduction sexuée.
4. Eichhornia azurea. Groupe de fleurs épanouies.
5. Monochoria vaginalis. Groupe de fleurs épanouies.
6. Eichhornia crassipes en compagnie de Trapa natans cultivées en bassin de plein air (région Alsace).
7. Eichhornia crassipes en compagnie de Trapa natans cultivée en bassin de plein air (région parisienne).
8. Eichhornia crassipes en compagnie de Nelumbium (Lotus) cultivée en bassin de plein air (région Bavière-Allemagne). Photos: J. Teton

BIBLIOGRAPHIE CONSULTÉE
DE WIT H.C.D. Aquarienpflanzen, Verlag E. ULMER, Edit., 2528.
DURANT J.R, LEVEQUE C et RAYNAL-ROQUES A, Flore et Faune aquatiques de l'Afrique sahélo-soudaniènne, O.R.S.T.O.M, Rdit., 69-149
INDEX KEWENSIS Oxford at the Clarendon Press NULTSCH W Manuel de botanique générale, MASSON et Cie, Edit., 143-144
RATAJ K et HOREMANN J Les plantes d'aquarium, T.F.H, Edit., 383-387

REMERCIEMENTS
L'auteur remercie Monsieur Yves SELL de l'Institut botanique, Université Louis Pasteur, Strasbourg, pour son aide précieuse et sa critique de l'article.