UNE LOCOMOTIVE
EN AQUARIOPIHILIE
Pelvicachromis pulcher (BOULENGER, 1901)
par Robert ALLGAYER - AQUARIUM 32, STRASBOURG. (Revue Aquarama,
1986)
Ce Cichlidé que l'on trouve toujours et partout, est certainement le meilleur
ambassadeur de la famille auprès des aquariophiles débutants ou confirmés.
Couple de Pelvicachromis pulcher forme B. variété rouge. Photo : J. Teton |
Le fantôme "Kribensis" hante toujours les étiquettes des bacs commerciaux et certains auteurs s'acharnent dans leur article à "placer" ce taxon fantaisiste. Ces erreurs continues font suite à une description de G.A. Boulenger pour une espèce, qui actuellement est connue sous Pelvicachromis taeniatus (131g, 1901). En 1911 lorsque cette "espèce" - Pelmatochromis kribensis - fut décrite, plus de quarante espèces étaient regroupées dans le genre hétéroclite Pelmatochromis. Même Cyphotilapia frontosa y figurait. Pelmatochromis kribensis est donc un synonyme de Pelvicachromis taeniatus, espèce différente de P.pulcher.
Deux révisions successives (THYS, 1968 et THYS & LOISELLE,
1971) ont limité le genre Pelvicachromis à huit espèces
dont certaines ne sont pas encore décrites. La distribution du
genre se limite à la côte forestière de l'Afrique
occidentale du Liberia (P. humilis) au Zaire (P.subocellatus).
Pelvicachromis pulcher est confiné dans et autour du Delta
du Niger et plus particulièrement dans les rivières qui
s'y ramifient. Plus d'une trentaine de rivières subdivisées
dans l'arrière pays, se jettent dans la mer sur une longueur de
côte de seulement 300 km du Benin River à l'Imo River.
Une seconde espèce, non décrite, Pelvicachromis spec. affin.
pulcherest localisée à l'Est du Delta du Niger jusqu'à
la frontière avec le Cameroun.
Des études comparatives ont été effectuées
sur P.pulcher dans la rivière Sombreiro (NWADIARO, 1984).
Elles démontrent que les trois espèces en présence
(P.pulcher, P. taeniatus forme Nigeria et P.annectens
(?)), ne sont jamais présentes en eau saumâtre, contredisant
ainsi les publications aquariophiles.
Ces espèces sont limitées par l'état neutre de l'eau
(pH 7,0). D'une part elles ne vivent qu'en eau acide pH 5,6 à 6,0
et, d'autre part il semble que la dureté de l'eau (max. 25 mg/l)
influe de la même manière sur ces espèces.
Dans son biotope, la température de l'eau est de 24-26°C, le
taux d'oxygène dissous est de 6,2 à 5,8 mg/I. La dureté
carbonatée est inférieure à 1 degré, la dureté
totale de 1 à 2°f, et la conductivité toujours inférieure
à 50 µS/cm.
En milieu naturel cette espèce se nourrit principalement de Diatomées
(Nitzchia, Navicula) d'algues vertes (Chiorelia,
Spirogyra, Scenedesmus) et de Copépodes. Souvent
des grains de sable sont retrouvés dans l'estomac.
Outre les espèces précitées, celles commensales sont
Chromidotilapia guntheri, Tilapia ziIli, Hemichromis
fascia-tus, Aphyosemion spc. Alestes spc.
Les plantes présentes dans ces milieux sont : Nymphaea daubenyana,
N.lotus, et Vallisneria spc.
Sans vouloir rentrer dans les détails sur la morphologie de P.pulcher
- cette espèce étant bien connue - il faut signaler que
depuis 1968, elle est "subdivisée" en deux formes dénommées
A et B. La première, forme A, se distingue principalement par l'absence
de bande longitudinale sombre de l'opercule au pédoncule caudal.
La seconde, forme B, outre la présence de cette bande longitudinale,
est connue sous diverses livrées à dominante rouge, verte,
jaune ou bleue. La livrée la plus attrayante reste toutefois celle
où la coloration rouge s'étend de la gueule jusqu'à
la nageoire anale.
La maintenance -et la reproduction de P.pulcher sont assez simples.
Cependant quelques impératifs seront à respecter lors de
l'agencement du bac. Cinq à six poissons peuvent être maintenus
dans un bac spécifique de 80 à 100 litres, et y être
reproduits.
Le substrat de ponte sera constitué de sable fin et sombre ou de
gravier fin (max. :3 mm). Pelvicachromis pulcher est un pondeur
sur substrat caché, il importe d'offrir aux femelles des abris.
Ceux-ci seront réalisés à l'aide de péricarpes
de noix de coco ou de pots de fleur en terre cuite. Dans le substrat sera
noyé un cable chauffant, accessoire très bénéfique,
celui-ci crée un mouvement circulatoire de l'eau, évitant
ainsi en grande partie les attaques bactériennes sur les larves
de P.pulcher déposées dans la cuvette.
Le bac peut être planté dense, ces Cichlidés ignorent
la végétation, toutefois cette dernière devra être
éloignée d'une quinzaine de centimètres d'un site
de ponte éventuel.
L'eau sera de préférence douce et acide (TH 5-8 ; pH 66,8)
mais la maintenance et la reproduction pourront se faire en eau de conduite
neutre et légèrement dure (TH 1020°f).
1.
Femelle P. pulcher forme B. 2. Mâle P. pulcher forme B, variété bleue. 3. Mâle P. pulcher forme B. Chez ce dernier spécimen la caudale n'est pas en triangle et ne possède pas d'ocelles dans sa partie supérieure. Photos : J. Teton |
Pelvicachromis pulcher est un pondeur sur substrat caché,
les préparatifs de ponte, mais également l'aménagement
de l'abri débutent par le dégagement du sable de l'entrée
par la femelle. En effet il semble que ce travail effectué par
la femelle rentre dans la phase de formation du couple. Il importe donc
d'obstruer l'entrée de l'abri avec du sable, celui-ci sera transporté
par le poisson dans les environs immédiats de l'abri, dépourvus
de plantes.
Le couple forme une cellule paternel-maternelle. Cette formation est assez
longue. Le mâle occupe un teritoire sur lequel, l'abri se situe
au centre, occupé par la femelle. Cette dernière sollicite
le mâle par des postures arquées très caractéristiques
où la zone ventrale rouge est "offerte" au mâle
(partie vulnérable = attitude de soumission), suivie d'une nage
pilote vers le site de ponte.
La ponte passe souvent inaperçu, les oeufs ( ± 50 à
80) ne sont pas homochromes c'est-à-dire transparents, mais au
contraire, jaune-opaque, et d'un diamètre de 3 mm environ. La taille
de l'oeuf a pu augmenter et le camouflage disparaître grâce
au mode de ponte. Les oeufs éclosent deux jours et demi après
la ponte. L'embryon fait éclater la membrane de l'oeuf, aidé
en cela par la femelle qui les aspire du support de ponte...
P. pulcher femelle promenant sa nichée surveillée également par le mâle. |
Haut: Couple
de P. pulcher avec leurs alevins. Notons que les autres petits poissons d'une autre espèce sont tolérés dans les environs immédiats des alevins car ils ne présentent pas de danger en raison de leur taille analogue. Bas: P. pulcher. Le poisson porte un patron de stress. Ces modifications de robe apparaissent aussi vite qu'elles disparaissent. Photos : J. Teton |
Les larves vibrantes sont accumulées dans une cuvette creusée
à l'intérieur de l'abri. Rassemblées en amas vibrant,
les larves peuvent être victimes de bactéries ou de parasites
si leur "matelas" ne présente pas une certaine garantie
d'hygiène. C'est pourquoi le cable chauffant noyé dans le
substrat offre l'avantage de créer un milieu aérobie grâce
à la circulation d'eau qu'il engendre par échange thermique,
sans oublier le bénéfice qu'en tirent les plantes par ce
procédé. Ce milieu sera donc en grande partie inoffensif
pour les larves contrairement à un milieu anaréobie que
constitue un substrat non drainé. Ce principe est d'ailleurs valable
pour toutes les espèces qui en captivité déposent
leurs larves sur le substrat.
Les alevins nagent au septième jour environ. Ils sont attirés
vers l'extérieur par la femelle à l'aide de signaux. A ce
moment il importe de leurs offrir une nourriture adaptée à
leur taille comme des nauplii d'Artemia saline et de la poudre sèche
(Micro Min par ex.).
Il faut signaler que le pH de l'eau a effectivement une influence sur
la répartition des sexes dans une nichée de Pelvicachromis.
Un pH supérieur à 6,5 favorise une dominance du nombre de
femelles, un pH inférieur à 6,2 une dominance de mâles,
entre 6,2 et 6,5 le partage des sexes est relativement équitable.
Cette répartition des sexes est également constatée
en milieu naturel. Lorsque le pH est inférieur à 6,0 les
femelles se font très rares.
Mais ce problème n'a pas d'influence en aquariophilie, puisque
justement ce facteur est utilisé par les "reproducteurs"
industriels afin d'offrir aux aquariophiles un nombre de sujets équitablement
sexué.
BIBLIOGRAPHIE BOULENGER G.A. ; 1915 Catalogue of the Fresh-Water Fishes of Africa in the British Museum (N.H.) Vol. 3, London. NWADIARA C.S. ; 1984, Revue de Zoologie africaine 98 ; 1. THYS AUDENAERDE,1968. A. Preliminary Contribution to a Systematic Revision of the Genus Pelmatochromis Hubrecht sensu lato. Rev. Zool. Bot. Afr. 77, 349-391. THYS V.D. ET LOISELLE, P. 1971 ; "description of Two New Small African Cichlids" Rev. Zool. Bot.Afr. 83 ; 193-206. |