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Les Raies Sud-Américaines

par Robert ALLGAYER - AQUARIUM 32, STRASBOURG. (Revue Aquarama, 1989)
Les Raies sont bien connues en mer, petites ou géantes (Manta), à décharge électrique (Torpilles) ou à aiguillon (Pastanagues), les hommes s'en sont toujours méfiés avec raison. En aquariophilie de rares espèces sont maintenues, parmi elles, la Pastanague mouchetée, Taeniura lymma aux taches bleu-clair. Mais, du bassin amazonien, nous viennent également des Raies d'eau douce, appartenant au groupe des Pastanagues d'eau douce.

Oeil et évent de Potamotrygon motoro. Photos: de l'auteur

Deux espèces sont épisodiquement importées en Europe en provenance des environs de Manaus (Brésil). Ce sont Potamotrygon laticeps (GARMAN, 1877) et P. motoro (MULLER & HENLE. 1841). Un autre genre est connu mais non importé: Disceus GERMAN, 1877.
Paratrygon DUMERIL, 1865 est considéré comme synonyme de Potamotrygon GARMAN, 1877.
Ces deux genres appartiennent à l'Ordre des Rajiiformes; S-Ordre des Batoidei et à la famille des Potamotrygonidés. Leur répartition géographique est assez large: dans l'Orénoque, l'Amazone, le Para, le Paraguay et tous les fleuves tributaires de ces grands bassins hydrographiques sudamériçains.

Potamotrygon motoro

Aiguillon de la Raie situé très en arrière sur la queue, cette position est un caractère déterminant de l'espèce et constitute l'arme principale de défense.


En mileu naturel, leur présence, en grand nombre, à faible profondeur, représente un réel danger pour les indigènes qui les craignent plus que les Piranhas. Ces Raies sont dotées d'un aiguillon venimeux sur le dessus du pédoncule caudal lequel est mis en oeuvre en cas de réaction de défense. Leur extrème homochromie, et leur faculté de camouflage en se couvrant de vase ou de sable, leur permet de passer inaperçues. Les indigènes utilisent souvent un bâton avec lequel ils piquent le fond de l'eau avant de s'y aventurer à pied.
Le corps de ces Raies est uni aux nageoires pectorales pour former un disque duquel émerge une queue en forme de fouet.
La tête fusionnée dans le corps porte les yeux mobiles et proéminents. Immédiatement derrière les yeux se trouvent les évents d'où est explusée l'eau ayant traversé les branchies. Ces deux dispositifs anatomiques permettent à la Raie de s'enterrer tout en gardant ses facultés respiratoires et d'éveils.
La partie ventrale est blanc-uni, la bouche est en position transversale. Les fentes branchiales, un peu plus en retrait de chaque côté de l'axe central du corps.
La crète de la queue, avant l'aiguillon, est surmontée d'excroissances dermiques (ostéodentine) en forme d'épine au nombre et taille variable. Ces excroissances acérées sont de tailles supérieures chez P. motoro. L'aiguillon est située très en arrière, son extrêmité atteint prèsque celui de la queue. La taille adulte de ces Raies est de 30 à 40 Cm; 50 à 60 cm avec la queue.
La peau de ces Raies est rugueuse un peu comme de la toile émeri grossière. Le ventre est lisse. Le mâle possède deux organes copulateurs formés au détriment des nageoires pelviennes appelés ptérygopodes, qui suivant le genre forme une gouttière ou un canal spermatique fermé. C'est le cas de P. motoro. Les deux pterygopodes, ou un seul, peut (vent) être introduit dans l'oviducte (utérus) au moment de l'accouplement avec la femelle.

Potamotrygon laticeps, la "tête", le "front" et le niveau des yeux sont plus élevés chez cette espèce. Les "épines" sur le pédoncule caudal sont également de tailles inférieures. Le mimétisme (changement apparent) de la robe fait que ces deux espèces peuvent apparaitre sous une robe presque similaire.


La maintenance en aquarium des Raies nécessite impérativement une grande surface plane et une couche de sable fin d'au moins 5 cm d'épaisseur. Ces exigences sont dictées d'une part par la morphologie des espèces, et d'autre part par leurs moeurs et tactiques de chasse. Il va de soit que le bac spécifique semble être la meilleure solution pour l'aquariophile et la Raie. La hauteur d'eau pourra être relativement faible, minimum 30 cm, afin d'avantager la largeur et la longueur du bac. Les "obstacles" naturels, comme des roches ou des racines de tourbières, ne sont pas très appréciés. Il faut que la Raie puisse se poser à plat selon son désir, sans avoir à replier sa queue. La longueur du bac devra donc avoir au minimum 150 cm et 50 cm de large. Afin d'agrémenter ce genre de bac qui pourra paraitre austère, il sera possible de planter le pourtour, même avec des espèces fragiles comme Myriophyllum ou Cabomba. Ces plantes risquent toutefois de temps à autre de se faire recouvrir momentanément. Les plantes flottantes sont idéales pour ce genre de bac spécifique. Elles auront encore le mérite d'atténuer l'intensité lumineuse, car les Raies n'apprécient pas trop la lumière vive. Les Raies d'eau douce sont carnivores et ne s'attaquent donc pas à la plantation.
Les Raies en fait se recouvrent de substrat en pelletant de chaque côté avec le bord de la nageoire. Ainsi elles soulèvent le sable pour le projeter sur elles. Cela provoque un soulèvement conséquent de particules qui pourront rester longtemps en suspension si la filtration et les siphonnages sont particulièrement négligés. Les raies apprécient tout particulièrement un courant d'eau léger mais continu, près de la surface du substrat. C'est pourquoi le rejet d'eau devra être dirigé vers le fond, l'une des glaces latérales faisant office de déflecteur. Il est évident, également, que la filtration sous sable est ici totalement exclue. La Raie est capable de dégager de grande surface de substrat jusqu'à la dalle de fond du bac.
Les poissons de fond à épine (s) comme les Corydoras ou Brochis représentent un réel danger pour la Raie. Son instinct de chasse la pousse à recouvrir ces proies pour les capturer, mais ceux-ci dressent leurs épines et infligent des blessures plus ou moins importantes sur la face ventrale.
Cependant les Raies comprennent très rapidement que les Callichthyidés et les Loricariidés sont un menu difficile à s'approprier. Par contre, les Tétras, malgré leur vélocité, peuvent être capturés par enveloppement des nageoires et aspiration simultanée par la bouche, et ce en pleine eau.

Potamotrygon motoro et face ventrale de P. laticeps.


Les soins à la qualité de l'eau doivent être extrêmes. Originaires d'Amérique du sud, et malgré leur déviance marine, elles nécessitent lors de leur maintenance une eau douce et acide (pH 6,5-7,0; 5° à 12° THf). Les nitrates en grandes quantités les affectent tout particulièrement, ainsi que les substances chimiques utilisées lors des traitements contre les parasitoses. Les doses courantes utilisées, (Sulfate de cuivre, Permanganate de potassium, oxalate de malachite et Neguvon) par un mauvais brassage de l'eau, pourront atteindre ou dépasser la dose létale par stagnation (effet de densité) dans le tiers inférieur du bac. Quant aux nitrates, le taux maximum 80 ppm (Test Merck 14 659) ne devrait pas être dépassé, mais la marge est parfois très étroite quand l'eau du robinet atteint déjà à sa sortie 50 ppm. Température de l'eau 23-25 °C.
La Raie capture sa proie en la recouvrant. Ainsi elle apprécie tout particulièrement les amas de Tubifex, bien dégorgés, tombés sur le substrat, ou les vers de vase congelés, qui, après décongélation, se répartissent sur le substrat. Les moules et la chair de poisson sont aussi consommées. La Raie recherche également des particules commestibles contenues dans le substrat. Dans ce cas elle "souffle" un courant d'eau à travers la bouche ou brasse le substrat avec les nageoires.

Pérygopodes, organes copulateurs du mâle.


La reproduction n'a pas encore eu lieu en captivité chez les amateurs. Des naissances ont eu lieu chez des grossistes (R.F.A.), mais il s'agissait de femelles "gravides" déjà fécondées en milieu naturel. Ces Raies sont vivipares aplacentaires, les jeunes sont expulsés de l'utérus après développement embryonnaire, à travers le cloaque. L'accouplement n'a pas encore été observé, mais est probablement similaire à celui des espèces marines.
Comme pour certaines espèces marines armées de défense constituée d'épines ou aiguillons dotés de glande à venin, les Raies d'eau douce sont toutes aussi dangereuses. Leur aiguillon dentelé occasione une sérieuse blessure physique, entraînant des complications par injection de produits protéiques d'origine animale, auquel cas il convient de consulter rapidement un médecin. L'aiguillon est renouvelé deux à trois fois par an. Lors d'une manipulation dans l'aquarium, il convient de vérifier avec précision la position de la Raie, et le cas échéant la faire se déplacer à l'aide d'une baguette en tapotant légèrement le bord du disque ou la base de la queue.
Le transport également doit s'effectuer avec prudence. L'épuisette sera de préférence évitée, souvent trop petite, et la sortie de son milieu naturel provoque chez la Raie de furieux "coups de queue" de part et d'autre. Il sera plus prudent de capturer une Raie d'eau douce ou marine à l'aide d'un baquet rectangulaire (P.V.C. ou autres, caisse polystyrène coupée à 10 cm de haut), de faible hauteur d'eau. La Raie sera forcée à l'aide d'une baguette à se coucher dans la barquette et ce dans l'aquarium. Une barquette identique, un couvercle de caisse polystyrène, ou une simple vitre, sera utilisée comme couvercle afin de prélever la Raie du bac en toute sécurité.
Le transport proprement dit se fait en caisse polystyrène et sac poubelle (50-80 litres). Un spécimen par caisse afin que la Raie puisse s'étaler correctement à plat au fond du sac, ce dernier calé par les parois de la caisse. L'on peut également essayer de faire rentrer directement la Raie dans le sac poubelle, celui-ci résiste à une charge d'une dizaine de litres d'eau, mais pas à l'aiguillon ni aux "épines" caudales de la Raie. C'est à la caisse polystyrène que revient la charge d'assurer la sécurité et l'étanchéité lors du transport. De façon identique sont transportés les gros spécimens (Cichlidés, Anguilles électriques, Protoptères, petits Requins; etc.).
Bibliographie
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