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Essais et réussite de reproduction du Poisson clown Amphiprion clarkii

par J.C. SCAYA Le Mans (Extrait de la revue Aquarama 68 - 1982)
Quel serait le plaisir pour tout possesseur d'aquarium marin et plus particulièrement pour ceux qui maintiennent des Amphiprion de voir un jour évoluer dans leur bac de minuscules "clowns ". Pourtant pour les plus passionnés ce rêve est réalisable. Mais si vous le voulez bien prenons le problème au départ.

Malgré que la ponte soit bien soignée et défendue par le couple, il n'est pas certain que la reproduction se déroule jusqu'à la finalité. Photo : J. Teton


L'ACCLIMATATION DE VOTRE FUTUR COUPLE
Elle nécessite un aquarium assez grand, une eau bien équilibrée, une bonne mise en condition du couple et une grande tranquillité pour ces derniers. En aucun cas il ne faut que ces poissons soient pourchassés. Ces animaux doivent se retrouver le plus près possible de leur milieu naturel. A ces conditions vous pourrez obtenir la formation d'un couple et, un an à un an et demi après avoir la chance d'assister à des pontes. Les pontes en elles-mêmes ne signifient pas l'aboutissement d'une réussite, mais c'est déjà un grand pas d'accompli. Il ne faut pas non plus négliger l'alimentation de ce couple. Une alimentation variée et surtout composée de proies vivantes ne pourra qu'améliorer les résultats. Je considère qu'en matière de reproduction nous avons des pontes de bonne qualité et des pontes de moyenne qualité ceci étant dû à des facteurs plus ou moins néfastes tels que l'eutrophisation ou la pollution de l'eau (Nitrates en particulier). La formation du couple est d'ailleur conditionnée par ces facteurs.
LES PREMIÈRES PONTES
Les premières pontes sont généralement déposées au pied d'une anémone. Il faudra bien sûr tenter la deuxième phase de l'expérience car l'on n'obtiendra pas toujours de bons résultats dès le début. L'aquariophile devra s'armer de patience, s'y tenir et, travailler, car pour réussir il faut passer des heures sur un tel élevage. Il faut avoir également la maîtrise de l'élevage des nauplies d'artémias en raison des grosses quantités nécessaires au nourrissage des alevins.
Il faut en outre " manipuler " les paramètres physico-chimiques de l'eau et procéder aux vérifications de ces derniers par des analyses fréquentes. Ma méthode actuelle m'a amenée à un taux de réussite satisfaisant mais il est certain que l'on peut faire encore mieux. Personnellement j'ai utilisé comme base la technique préconisée par Banzet et Giraudon (Aquarama n° 37/1977 pp. 43-44-45-46 et 47) ainsi que celle de Bertschy citée dans la Revue Française d'Aquariologie. Je pense effectuer de nouveaux essais en supprimant la filtration et en réalisant un écumage permanent. Ces nouveaux essais sont également combinés à des changements d'eau continus (goutte à goutte). C'est ce système que je vais exploiter plus à fond car la réussite, mise à part les paramètres de l'eau (pH, densité, température, etc.) est due surtout à l'alimentation des alevins dans les cinq premiers jours. Ceux qui atteignent ce stade ont de bonnes chances de parvenir à l'âge adulte. La mortalité est surtout importante dans les premiers jours et il est désolant de voir mourir ses alevins sans pouvoir intervenir. La chance joue peut-être un rôle mais je n'y crois pas tellement. Plus on consacre de temps à l'élevage meilleur est le résultat. La méthode que je propose n'est certainement pas la panacée puisque le pourcentage de réussite dans le meilleur des cas est d'environ 40% par rapport à la ponte. Il est à peu près certain qu'une nourriture de zooplancton vivant peut améliorer singulièrement les conditions d'élevage des premiers jours. Il faut absolument maîtriser la technique de l'élevage du zooplancton pour en disposer en temps utile ce qui n'est pas toujours facile.
En ce qui concerne les essais de nutrition des larves Amphiprion à l'aide d'eau verte (phytoplancton) et de cultures de Ciliés (infusoires) ces procédés ne m'ont pas donné entière satisfaction. C'est l'une des raisons pour laquelle j'envisage de me dispenser de la filtration. En effet la filtration a pour défaut d'entraîner dans le filtre une part importante de la nourriture vivante qui en se décomposant accélère la montée des nitrites, ce qui n'est pas apprécié par nos alevins.

1 Amphiprion clarkii = femelle.
2. A. clarkii affectionne particulièrement les anémones du genre Stoichactis.
3. La ponte est déposée sur des supports variés, ici une valve de bénitier.
4. La ponte déposée sur la face plane d'un gros coquillage doit être bien "ventilée " à l'aide d'un diffuseur à grosses bulles.
5. La ponte est attentivement surveillée et soignée par les parents.
6. Les nombreux alevins menés à terme s'éparpillent dans le bac d'élevage. Une échelle nous permet de juger de leur taille.
7. La robe des alevins s'assombrie au fil des jours.
8. Dès leur plus jeune âge les jeunes Amphiprion clarkii recherchent le contact avec une anémone.
Photos : 3 4 5 6 et 7: J.-C. Scaya. Photos : 1-2-8: J. Teton


LES ASTUCES ET PETITS CONSEILS D'ÉLEVAGE
Ils sont pour ma part impératifs et se résument comme suit :
A) Densité du bac d'élevage égale ou inférieure à celle du bac de ponte.
B) Le pH élevé de l'eau du bac d'élevage (eau neuve) entraîne consécutivement un maintien de pH élevé dans le bac de stabulation du couple.
C) Par rapport au bac de stabulation du couple, une température égale ou supérieure doit être maintenue dans le bac d'élevage. Une température inférieure ralentit le processus d'éclosion. Il faut éviter de créer une discordance des paramètres entre le bac de ponte et le bac d'élevage.
D) Aération importante de la ponte à l'aide de diffuseurs à grosses bulles. Éviter la production de fines bulles qui ont pour désavantage de se coller aux alevins. L'aération a surtout pour but de remplacer la ventilation maternelle et paternelle et évite ainsi la moisissure des oeufs.
E) La stérilisation de l'eau est déconseillée car elle empêche le développement de la microfaune (nauplies).
F) Écarter tout éclairage diffusant des U.V.
G) Nettoyage journalier du bac. Siphonnage de tous les cadavres et détritus (surtout après l'éclosion).
H) Lors des changements partiels de l'eau, cette dernière doit être en tous points identique à celle contenue antérieurement dans l'aquarium.
I) Le matin, l'éclairage ne doit pas être brusquement allumé sur le bac, mais amené progressivement au-dessus.
K) Éviter les variations de température entre le jour et la nuit.
L'éclairage en place, recommencer à nourrir et à contrôler tous les paramètres énumérés ci-dessus.
MILIEU DE PONTE ET COUPLE
Le couple est issu de l'achat de 5 spécimens. Il vit dans un bac de 350 litres en compagnie de : 6 Conis, 3 anémones (2 Stoichactis, 1 Radianthus).
L'aquarium est équipé d'un bac à décantation (filtrage sur charbon, mousse et sable). Débit du filtre : 1 000 11h. Aération très importante. Décor constitué de coraux recouverts d'algues filamenteuses.
Paramètres de l'eau et autres caractéristiques :
- Densité : 1 023.
- pH : 8,22 (mesures au pH mètre électrique).
- Nitrites : 0,55 mg/I (réactif Tetra).
- Nitrates : 80 à 100 mg/I (bandelettes Merck).
- 02: 6,20 mg/I (réactif Merck).
- Température : 26 à 27 °C.
- Changement d'eau mensuel (30 à 40 litres).
- Éclairage : 1 tube Grolux + 1 tube fluora (de 120 cm).
- Support de ponte : une valve de bénitier ou un gros coquillage.
Alimentation du couple :
- Moules, crevettes, artémias, fouillis, nourriture sèche. Pour réaliser un accouplement harmonieux il faut systématiquement acquérir plusieurs spécimens (3 à 5) parmi lesquels nous obtiendrons deux partenaires féconds. La femelle sera représentée par le plus gros spécimen tandis que le mâle sera le plus petit. En cas d'accident, si la femelle venait à disparaître elle serait remplacée par un autre mâle qui se métamorphosera en femelle.


CARACTÉRISTIQUES DU BAC D'ÉCLOSION
- Eau synthétique, sel HW.
- Densité 1022 généralement, et 1023 pour l'essai no 7.
- Température : 27 à 28 °C.
- pH généralement supérieur à 8,2 (du fait de l'ajout d'eau neuve).
- Nitrites : taux nul au démarrage de l'élevage et en progression constante avec stabilisation à 0,5-0,6 mg/I.
- Nitrates : très faibles du fait de l'ajout d'eau neuve, mais sont aussi difficilement mesurables à cause de la montée des nitrites.
- Préparation du bac d'élevage et mise en eau : 2 jours avant le prélèvement de la ponte. Eau vieillie avec un minimum de 15 jours.
- Prélèvement de la ponte : elle est prélevée lorsque je vois que les yeux des embryons sont formés.
- La ponte est judicieusement placée pour permettre son aération d'une façon intense (à la limite serait susceptible de " décoller " les embryons)
- Filtration : sur mousse avec renvoi de l'eau filtrée par un exhausteur (300 11h).
CALENDRIER ET RÉSULTATS DES ESSAIS
1) Avril : 1 ponte. Prélèvement en totalité. Survie : nulle.
2) Mai : 2 pontes. La première : survie nulle. La deuxième : survie de quelques heures.
3) Juin : 1 ponte à survie nulle. 1 ponte le 5 juin, éclosion le 14 juin, stade alevin (2 alevins) le 27 juin.
4) Juillet : 1 ponte dont 3 alevins menés à terme, puis morts pendant les vacances d'août.
5) Août : j'étais absent.
6) Septembre : aucune ponte.
7) Octobre : 1 ponte le 2 octobre, éclosion le 10 octobre, stade alevin le 22 octobre (9 alevins menés à terme). Changement d'eau : 15 litres par jour pendant une semaine.
8) Octobre : 1 ponte le 17 octobre, éclosion le 28 octobre. Stade alevin : 6 alevins le 7 novembre, 7 alevins le 8 novembre, 17 alevins le 9 novembre, 14 alevins le 10 novembre, soit 44 alevins au total. Changement d'eau : à l'aide d'un système de goutte à goutte (20 litres en deux semaines).
9) Octobre 1 ponte le 28 octobre, éclosion le 6 novembre. Stade alevin : 6 alevins le 13 novembre, 14 alevins le 14 novembre, 12 alevins le 15 novembre, soit 32 alevins au total. Sans changement d'eau, mais mise en action d'un écumeur.
10) Novembre : 1 ponte le 22 novembre, éclosion le 1er décembre. Stade alevin le 10 janvier de l'année suivante, 32 alevins menés à terme. Sans changement d'eau et sans écumeur.
Il est évident que ces pontes ont été obtenues dans des milieux différents, certaines avec changement d'eau, d'autres avec écumage. Il va de soi, que je vais mettre au point un système pour essayer d'améliorer mes résultats.
NOURRITURES POUR L'ÉLEVAGE DES ALEVINS
1) Dès le premier jour: mélange de Liquitzel, Microzel, Micromin et phytoplancton sec (en provenance de la Ferme Aquicole Guérandaise - Le Croisic).
2) Deuxième jour: idem + nauplies d'artémias.
3) Troisième jour: idem + nauplies d'artémias.
4) Quatrième jour: idem + nauplies d'artémias.
5) Cinquième jour: nauplies d'artémias exclusivement, après quelques jours ajouter de la nourriture sèche passée au moulin à café.
A un mois: moule, artémias adultes, nourriture en paillettes. Pour les phases 1-2-3-4-5 adjonction de pâte Preis Microplan. Notons que pour l'essai de reproduction no 8 nous avons ajouté 1 comprimé de Plancton Hobby avant la dépose de la ponte dans le bac d'élevage.
CONCLUSIONS
Les premières éclosions d'avril, mai, juin furent réalisées dans un aquarium équipé avec des filtres biologiques mais qui furent rapidement remplacés par des filtres mécaniques, ces derniers posant beaucoup moins de problèmes (Rapport bactéries - oeufs, alevins). Les alevins de la ponte no 4 furent élevés en présence d'un filtre mécanique. Toutes les éclosions suivies de succès se sont déroulées dans de l'eau neuve filtrée sur filtres mécaniques (avec ou non changement d'eau). Une seule parmi celles-ci ayant été réussie en présence d'un écumeur.
A partir de la ponte no 7 l'astuce qui m'a incité à poursuivre la reproduction des Amphiprion est la suivante : pendant deux jours je supprime la filtration en laissant une assez forte aération pour empêcher les alevins de se poser sur le fond. La mousse filtrante est lavée avant toute remise en fonctionnement du filtre. Ce dernier est remis en route pendant la nuit.
Il est important d'éviter de trop grandes différences de densité et de température entre le bac de ponte et le bac d'élevage. Si la température est inférieure dans le bac d'élevage l'éclosion sera retardée et l'élevage sera bien compromis. Dans ce dernier cas les larves après l'éclosion vont s'allonger démesurément et perdre très rapidement leur sac vitellin. Il est absolument nécessaire que ces larves conservent leurs petits ventres roses pour parvenir et dépasser le stade alevin.
Des essais plus récents que j'ai effectués se sont révélés nettement positifs. Ils ont été réalisés sans filtration, mais avec écumage et changement de 2 litres d'eau par jour (pendant les huit premiers jours). Ce type d'essai a permis de réaliser les résultats suivants : d'une part 19 alevins menés à terme et d'autre part 72 alevins menés à terme. Ce dernier résultat ne fait que confirmer mon opinion sur cette dernière technique d'élevage. Je tiens cependant à signaler que par ce procédé le taux des nitrites après le stade de l'alvinage a atteint 0,4 mg/I. Pour faire redescendre ce taux élevé des nitrites j'ai raccordé ensuite le bac d'élevage à un système de filtration équilibrée.

1-2. Un système ingénieux (GIRAUDON) pour dépose de ponte consiste à disposer des tuiles plates et amovibles dans une rainure creusée dans un bloc de polystyrène. Un diffuseur d'air est incorporé dans ce bloc, et des emplacements pour des
anémones y sont également aménagés.
3. Durant la surveillance de la ponte les parents font front à tout importun.
4. Amphiprion clarkii = junévile de 4 mois.
5. Amphiprion ocellaris un autre clown parfois reproduit.
6. Dascyllus trimaculatus un autre pomacentridé susceptible d'être reproduit. Ici la ponte est nettement visible sur le fond de l'aquarium. Photos : J. Teton


Je tiens également à signaler aux aquariophiles désireux d'entreprendre la reproduction des Amphiprion qu'ils auront beaucoup plus de chance de réussite s'ils sont présents les trois ou quatre premiers jours après l'éclosion. En effet il est capital d'effectuer des distributions de nourritures planctoniques à des intervalles rapprochés, c'est-à-dire toutes les deux heures au maximum. La quantité de nourriture vivante est aussi primordiale à tel point que les alevins doivent littéralement nager dans un nuage de nauplies d'artémias.
Les méthodes que j'ai employées ne sont certainement pas les seules valables pour réussir la reproduction des Amphiprion. Il n'y a rien d'absolu dans mes techniques et je n'ai fait que relater mes expériences et leurs résultats. Il ne me reste plus qu'à souhaiter à tous ceux qui vont tenter cette passionnante expérience : bon courage et bon travail et certainement un jour une superbe réussite.
Dans la perspective d'une contribution au développement des techniques de reproduction de certains poissons marins, je pense qu'il serait souhaitable de diffuser par le canal d'Aquarama des échanges de conseils de toutes sortes et à tous niveaux entre aquariophiles ayant réussis notamment la reproduction des Amphiprion.
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