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Observations sur les coraux-pierres (Scléractiniaires)

par P. WILKENS (Aquarama - 1983) / adapté par Jean SCHNUGG

Vue partielle de l'aquarium-récif de 500 I avec divers Alcyonaires et Scléractiniaires, des Bénitiers Tridacna maxima et T squarmosa, ainsi que quelques poissons et invertébrés mobiles (petites crevettes par ex.). Photo: P Wilkens


Les Scleractinia (autrefois Madreporaria) sont les ordres de la sous-classe des Hexacorallia comprenant le plus grand nombre d'espèces. On les rencontre dans toutes les mers où elles colonisent dans les eaux plates comme dans les grandes profondeurs, mais c'est dans les grands récifs de quelques régions tropicales et zones subtropicales limitrophes qu'ils sont les plus beaux. On distingue les bâtisseurs de récifs, qui sont des Scléractiniaires hermatypiques des formes de l'eau profonde ou plus fraîche qui sont désignées comme Scléractiniaires ahermatypiques. Les algues symbiotiques (Zooxanthelles) sont un important caractère permettant de faire la distinction entre ces deux groupes. Elles n'existent que chez les coraux formant des récifs.
Il y a peu d'années, la maintenance en aquarium des coraux-pierres paraissait encore impossible. Les exigences écologiques que ces "miracles de la mer" ont envers leur environnement semblaient difficiles à satisfaire. Mais les succès enregistrés lors de la conservation de certaines formes augmentent au fur et à mesure, vu que les scientifiques et les aquariophiles marins se penchaient de plus en plus sur la biologie de ces animaux. En aquariophilie marine la technique avec ses pompes à grand débit, les écumeurs, ainsi que les appareils d'éclairages différenciés, a amené des résultats étonnants. De nos jours il est possible de conserver de nombreux coraux récifaux, mais également des formes ahermatypiques.

Durant la nuit les bulles de Plerogyra sinuosa se transforment en longs tentacules très urticants. A droite un corail Tubastrea à polypes oranges. A l'avant-plan un oursin Prionocidaris baculosa. Photo: P Wilkens


Si on veut conserver durant un temps prolongé des coraux vivants dans l'aquarium, il faut impérativement respecter quelques facteurs importants de leur milieu naturel. Il est insensé d'introduire ces délicats animaux-fleurs dans un bac dont le fonctionnement biologique n'est pas impeccable. Les mesures à prendre ont été décrites par A. Paccaud dans une série d'articles intitulée "Tenue en captivité des animaux dit des coraux" (Aquarama: 77 (40) 41, 78 (41) 70, 78 (42) 76, 78 (43) 73, 78 (44) 77). Celui qui désire maintenir les "Fleurs de la mer" dans toute leur diversité et splendeur devrait lire attentivement ces articles. Les conseils et renseignements fournis sont d'une importance capitale pour les animaux-fleurs que je présente ici.
Dans l'ensemble, l'équipement technique d'un aquarium pour coraux récifaux devrait être tel que je l'ai décrit dans la deuxième partie (Aquarama 82 (67) 30) à propos des Alcyonaires. Deux fortes pompes rotatives sont donc indispensables. L'une sert comme filtre rapide pour éliminer le plus vite possible les substances minérales et autres matières qui troublent l'eau. Comme matériau filtrant on emploie une bonne laine perlon qui devra être nettoyée ou remplacée chaque semaine. Selon le nombre d'animaux occupant l'aquarium, il faut filtrer une à deux fois par mois la totalité de l'eau à l'aide d'un bon charbon activé. Ce dernier élimine ce que l'on nomme les "colorants jaunes", c'est-à-dire des colorants à caractères en partie phénolique, résultant des processus bactériens de transformation et de dégradation, d'urines et d'excréments, etc. Un bon écumeur est important. Il élimine non seulement des substances colloïdales ou semi-colloidales dissoutes, mais également des substances troublantes, organiques ou minérales, très fines. De plus l'écumeur réduit progressivement la teneur en oligo-éléments métalliques dont la concentration est, selon mes nombreuses mesures, régulièrement trop élevée. mais ce sont justement eux qui ont beaucoup plus d'influence sur le bien-être des coraux-pierres que sur celui des autres animaux-fleurs présentées dans les articles précédents et qui sont moins sensibles. En ce qui concerne l'éclairage, se reporter aux conseils fournis dans la deuxième partie du présent article, idem pour la filtration et le décor composé de matériau calcaire.

Divers coraux du genre Euphyllia sont très durables si on les soigne correctement. Ici Euphyllia fimbriata qui est visité par un Amphiprion ephippium à défaut d'une Anémone symbiotique. A l'arrière-plan une étoile de mer Linckia Iaevigata. Photo: J. Teton


L'alimentation des Scléractiniaires hermatypiques n'est pas difficile en ce qui concerne les formes actuellement importées. Une partie de leur énergie vitale provient du métabolisme de leurs cohabitants végétaux, ce qui est également le cas chez les Alcyonaires porteurs d'algues symbiotiques. Ces algues microscopiques ont besoin de divers sels nutritifs, nitrates, phosphates et sulfates pour ne citer que les principaux, de dioxyde de carbone et de divers oligo-éléments, afin de pouvoir produire des substances organiques dans le processus de la photosynthèse. Elles contribuent donc également à la réduction des déchets azoteux et phosphateux dans l'eau de l'aquarium. La croissance de diverses algues marines, telles par exemple les espèces du genre Caulerpa, est un critère important pour le bon développement des zooxanthelles. Celui qui réussit à cultiver diverses sortes d'algues dans son aquarium marin peut être assuré que la plupart des coraux importés restera en vie durant un temps prolongé. Conserver des coraux récifaux tropicaux signifie donc en premier lieu: offrir aux algues symbiotiques les meilleures conditions de vie possible. Elles demandent beaucoup de lumière.
D'après les plus récentes recherches scientifiques, de nombreux coraux, surtout ceux à petits polypes, prélèvent aussi des substances dissoutes directement dans l'eau. Cela pourrait également être une explication pour la bonne maintenance en aquarium marin de certaines espèces. L'écumeur confirme qu'une grande quantité de diverses matières organiques est contenue dans le circuit fermé d'un aquarium. Parmi ces matières, quelques acides aminés pourraient être assimilés par les polypes coralliens sous forme de nourriture. Même le plus parfait des écumages laisse subsister dans l'eau de l'aquarium beaucoup plus de substances organiques dissoutes que les coraux récifaux en disposent dans leur milieu naturel. En aucun cas il ne faut se dispenser d'un écumeur lorsqu'il s'agit de la maintenance de ces animaux.
Des organismes de zooplancton ainsi que des particules en suspension d'origine "carnée" constituent la troisième et la plus connue des sources alimentaires. Les coraux sont carnivores, la nourriture végétale leur est d'aucune utilité. Parmi les Scléractiniaires hermatypiques importés il existe un certain nombre d'espaces à grands polypes pour lesquelles on peut très bien employer le plancton artificiel décrit dans la première et la deuxième partie (Aquarama n° 65 et 67). Selon mes expériences personnelles, aucune des espèces importées doit obligatoirement être nourrie avec de la nourriture vivante, de sorte que l'on peut employer tous les aliments d'origine animale proposés par le commerce spécialiséls sont valables et garantissent, ainsi que j'ai pu m'en rendre compte, qu'il n'y a plus d'apparition de manque en oligo-éléments. Cependant le plancton artificiel devrait être vitaminisé impérativement deux à trois fois par semaine. Il semble que les algues symbiotiques en profitent tout particulièrement.

Les polypes entièrement étalés de cet Euphyllia glabrescens peuvent être facilement confondus avec une Actinie. De plus, le squelette calcaire n'est ici pas visible.. Photo: J. Teton


Je voudrais maintenant présenter quelques coraux récifaux en me limitant aux espèces que des amis et moi-même ont pu conserver en aquarium durant au moins une année, la plupart même jusqu'à 6 ans.
Plerogyra sinuosa de la famille des Caryophylliidae est le corail-pierre le plus durable. Les photos ci-jointes rendent toute description inutile. Depuis 1970 Plerogyra sinuosa est un hôte permanent de mes aquariums-récifs. Le plus vieux spécimen vit depuis 1972 dans mon grand aquarium de 500 I. Dans la nature les colonies atteignent un diamètre de 2 m et plus. Les fragments importés sont le plus souvent en parfait état. C'est un corail récifal de l'eau peu profonde (j'ai constaté sur les lieux qu'il est principalement répandu dans la mer Rouge et dans l'Indo-Pacifique à des profondeurs de 3 à 10 m), mais peut cependant être désigné comme étant l'espèce la plus robuste en aquarium. Les colonies d'importation récente présentent souvent des bulles blanches comme neige. Sous un bon éclairage elles virent cependant progressivement au beige à brunâtre. Cela est produit par une prolifération des Zooxanthelles. Ces dernières sont parfois expulsées par le corail sous forme d'un voile brunâtre sortant des ouvertures buccales. Le corail est ensuite nettement plus clair, mais fonce à nouveau au bout de quelques semaines.
Les polypes individuels peuvent être identifiés d'après le nombre de fentes buccales, c'est ce que m'a appris le Docteur Georg Scheer, spécialiste pour coraux au Museum de Darmstadt, lors d'un cours spécial sur les Scléractiniaires. Par conséquent Plerogyra sinuosa doit être désigné comme colonie et non comme polype solitaire, ainsi que l'on pourrait le supposer vu l'aspect extérieur du ou des polypes. Cette espèce est très urticante. Durant le jour on le remarque peu. mais la nuit, lorsque les grandes bulles se rétractent pour laisser apparaître les tentacules de 20 cm de longueur, on peut facilement se brûler, comme chez les Anémones, Plerogyra sinuosa peut largement écarter les fentes buccales et évaginer une partie des mésentères avec les filaments, ainsi il peut digérer des aliments qui peuvent atteindre la taille d'un poisson d'une longueur de 5 à 6 cm.
Le nourrissage est simple. Je distribue quotidiennement de la nourriture congelée ou lyophilisée, par fragments d'environ 4 cm de diamètre. Le jour, la nourriture est tout simplement enfouie entre les bulles, au bout d'une heure au maximum elle aura disparu dans la cavité gastrale. Si on distribue du fin plancton artificiel, les bulles rétrécissent également durant le jour et les tentacules apparaissent. A l'aide de ces dernières, ce corail peut d'ailleurs endommager des Anthozoaires situés à proximité. Ainsi, au fil des années, une colonie de Sarcophyton trocheliophorum grandissait et s'approchait de plus en plus du Plerogyra. Ce dernier étalait continuellement ses tentacules urticants en direction du Sarcophyton, l'endroit touché et brûlé dépérissait par la suite. Vu que je ne pus déplacer l'Alcyonaire sessile, j'éloignais l'autre corail d'une vingtaine de centimètres.
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