VISITE DU SERPENTARIUM DE L'INSTITUT PASTEUR A BANGKOK
Textes et photos: Marcel STAEBLER (Extrait de la revue Aquarama
1993)
Dans les pays d'Asie du Sud où le Cobra est Roi, il convient d'avoir
et de produire des sérums antivenimeux. En Asie du Sud-Est, on
déplore chaque anné la mort de 2500 personnes des suites
d'une morsure de serpent. En Thaïlande, c'est à Bangkok et
plus précisement à l'Institut Pasteur que sont produit les
sérums. La Croix Rouge, aidée par le Gouvernement et par
des dons, finance l'institut et le serpentarium. Au serpentarium, travaille
une dizaine de personnes.
D'abord un peu d'histoire.
C'est en 1913 que le Prince Damrong Rajanubharb demanda au Roi V l'autorisation
de construire un institut en mémoire à sa fille, la princesse
Banlu Sirisar, morte 2 ans plus tôt des suites d'une morsure de
chien enragé. Cet institut porterait le nom de Louis Pasteur.
Plus tard, en 1917, l'Institut fut transféré dans les bâtiments
de la Croix Rouge thaïlandaise.
En 1920, le Roi V fit don de fond pour construire route de Rama IV, l'actuel
quartier général de la division scientifique de la Croix
Rouge Thaïlandaise.
C'est en 1923, que le docteur Léopold Robert obtint des contributions
de résidents étrangers. Cet argent servit à con
struire le bâtiment de la ferme de serpents. La ferme fut inaugurée
par la Reine le 22 novembre 1923. Mais ce n'était que la 2ème
ferme de serpents au monde, la première se trouvant au Brésil.
Le serpentarium, tout le monde peut le visiter et assister à une
représentation ou "show" où des spécialistes
manipulent les dangereux Cobras: Cobra royal (Ophiophagus hannah)
et le Cobra à monocle (Naja naja kaouthia)
Il y a près de 1 millier de serpents à la ferme actuellement
mais ce n'est pas très remarquable car ils sont souvent abrités
et donc peu visibles. La majorité vit dans le bassin du milieu
qui lui, est divisé en 3 parties. Les Cobras sont au centre, souvent
agglutinés ensemble. Il y a aussi quelques espèces non venimeuses
dispersées dans les cages autour du bassin central. On peut y voir
la vipère de Russel (Daboia russelli siamensis) mais aussi
Boïga dendrophila, Bungarus fasciatus en tout 8 espèces
venimeuses dont 6 pour le venin les 2 autres Trimeresurus popeorum
et Trimeresurus albolabris étant très rares et
les accidents donc encore plus rares.
Au détour d'un couloir Ophiophagus hannah, en médaillon: prélèvement du venin sur Naja n. kaouthia |
Par contre les accidents avec Naja n. kaouthia sont très
fréquents, tous les jours dans la région de Bangkok, avec
parfois une issue fatale lorsque le sérum n'a pas pu être
injecté à temps. Le Naja à monocle peut atteindre
2,20 m. Il a alors l'âge de 10 à 15 ans. Mais le plus dangeureux
reste le Cobra royal. Bien que son poison ne soit pas aussi virulent que
celui du Naja à monocle la dose injectée lors d'une morsure
est beaucoup plus importante. Le Cobra royal est aussi le plus grand serpent
venimeux puisque le record est de 5,59 m, taille qu'il atteint dans de
bonnes conditions à l'âge de 20 ans, l'âge moyen que
le Cobra royal atteint. Il est protégé en Thaïlande.
Il en reste dans la trentaine de parcs nationaux. Ils se nourrissent parfois
de serpents ; aussi lorsqu'un serpent meurt, il sert à nourrir
le cobra royal.
Pour nourrir tous ses serpents, Mr Uthon Wangruanklang, actuel Directeur
du serpentarium, fait venir chaque semaine des souris et des rats de laboratoire
d'un élevage proche de Bangkok (Chon Buri). Pour récupérer
le poison, on immobilise le serpent en lui tenant fermement la tête
entre le pouce et l'index. Un assistant lui comprime alors les glandes
à venin situées à l'arrière de la machoire
supérieure (derrière l'oeil). Les crochets à venin
sont creux et lors d'une morsure, le venin est injecté sous pression
par un muscle qui comprime la glande à venin. Le tout fonctionne donc
comme une seringue médicale. Tout le venin n'est pas injecté en une fois
et le Cobra peut mordre plusieurs fois de suite (d'autres serpents aussi)
Présentation de quelques Bungarus fasciatus |
Les divers poisons sont recueillis devant les touristes qui visitent le
serpentarium. Le prélèvement du venin fait partie de la
démonstration de manipulation des serpents, on peut dire "show".
Ce spectacle auquel les visiteurs participent souvent avec bien sûr
des espèces non vénimeuses, le Python de Sebae étant
dans ces cas, la grande vedette qui se laisse manipuler et gaver de cuisses
de poulets sans opposer la moindre résistance ni agressivité.
Le Python remplace souvent les chats pour attraper les souris ou les rats.
On le trouve parfois, mais rarement, sur les marchés en Thaïlande.
Il est moins fréquent dans la nature que le redouté Cobra
à monocle.
Le poison du Cobra après avoir été récupéré
dans une soucoupe en verre est transvasé dans un récipient
fermant hermétiquement puis conservé au réfrigérateur.
La chaleur coagule le poison (comme le blanc d'oeuf lorsqu'on le chauffe).
Il est thermolabile. Le poison est plus tard injecté à un
cheval qui produira les antitoxines et dont le sérum contenant
ces antitoxines servira pour le traitement une morsure de cette même
espèce. Le poison de Cobras attaque le système nerveux (neurotoxique),
alors que celui des vipères attaque le système sanguin (hémolytique)
Trimeresurus popeorum. Photo: R. Allgayer |
La pose immédiate d'un garrot peut sauver la victime d'une morsure
mais on peut aussi inciser la morsure et sucer ou pomper une partie du
venin. Lors d'une morsure avec injection de venin, la marque des dents
est à peine visible. Les premiers symptômes apparaissent
environ 10 minutes après la morsure. Après l'injection du
serum, le patient retrouve ses facultés après cinq heures.
Le poison qui attaque le système nerveux provoque, si le sérum
n'est pas injecté à temps, des signes d'une intoxication
puis une paralysie progressive des muscles et bien sûr une paralysie
des muscles respiratoires. La victime meurt en général par
asphyxie.
Lors d'une morsure de serpent, il convient d'indentifier l'espèce
pour pouvoir injecter le sérum spécifique à cette
espèce. Ces effets, intoxication avec malaise et paralysie progressive
des muscles, sont caractéristiques des serpents de la famille des
Elapidés dont fait partie Naja naja kaouthia mais aussi
Bungarus fasciatus ou Dendroaspis angusticeps (Mamba vert
d'Afrique occidentale) qui lui, n'existe pas en Thaïlande. Lors d'une
morsure du Cobra royal (Ophiophagus hannah), la mort peut survenir
après 15 minutes si le sérum n'est pas injecté immédiatement
ou si aucun garrot n'est posé. Le Cobra royal surveille et protège
sa ponte. En Index les gens doivent le déclarer à la mairie
lorsqu'ils ont trouvé un nid de Cobra royal pour éviter
les accidents.
Après les 2 Cobras, c'est la vipère de Russel qui cause
aussi beaucoup d'accidents. Puis, dans une moindre mesure Bungarus
fasciatus qui se sauve plutôt que d'attaquer car il est très
craintif.
Il arrive aussi qu'un paysan marche sur Agkistrodon rhodostoma,
la vipère de Malaisie, qui se confond facilement avec les feuilles
mortes (mimétisme)
Une cuisse de poulet pour le Python sebae |
Quelques espèces un peu moins dangereuses sont présentées,
par exemple Boïga dendrophila, qui est aussi présenté
lors du spectacle. Ce serpent est superbe, tout de noir vêtu avec
de belles marbrures verticales jaunes. On le retrouve parfois chez nous
dans les terrariums où des passionnés les élèvent
pour leur beauté. L'élevage de serpents venimeux devrait
être laissé aux spécialistes et les amateurs devraient
d'abord "se faire la main" sur des espèces moins dangereuses
avant de se lancer dans l'élevage des espèces venimeuses.
Et bien sûr, il convient d'avoir dans un coin du réfrigérateur
le serum approprié aux espèces que l'on maintient en terrarium.
Il convient toutefois de signaler que de nombreuses espèces venimeuses
ou pas sont reproduites en captivité grâce aux soins attentifs
des amateurs ou des professionnels (musée, zoo)
Un spectacle avec peu de risques |
Lorsque je demandais à Mr UTHORN WANBRUAMKLANG, responsable du
serpentarium de l'Institut Pasteur, s'il reproduisait quelques espèces,
il souriait et me disait qu'il y en avait encore assez dans la nature
!!!
Je tiens à le remercier pour le temps qu'il m'a consacré
ainsi que Monsieur Jean Marc, MOTTIER pour son aide.