LeTerrarium
par Gilbert MATZ (1967)
Maître de conférences à la Faculté des Sciences
d'Alger
Le mot " aquarium " évoque un ensemble décoratif de petits êtres exotiques aux couleurs chatoyantes qui progressent doucement entre des plantes d'un vert intense. Le "terrarium" est moins connu encore du grand Public, moins apprécié aussi car les " dragons " et les Serpents qui le peuplent, inspirent encore une crainte et un sentiment de répugnance injustifiés.
Le grand mérite de l'aquarionhilie a été d'aider la science car pour de nombreuses espèces elle nous a livré la description du comportement reproducteur si divers mais touiours original. La terrariophilie est encore au stade de la recherche. Les rentiles constituent en effet le groupe de vertébrés le plus difficile à élever. Les reproductions sont rares. Pour garder nos pensionnaires en bonne santé, il faut absolument leur offrir des conditions alimentaires et surtout climatiques optima, c'est-à-dire tenter de reproduire en captivité les conditions de leur milieu d'origine.
LE TERRARIUM
Le terrarium, qui doit ménager un espace vital suffisant, ne s'achète
pas encore tout monté dans le commerce comme cela se fait pour les aquariums.
Ceux-ci peuvent être utilisés dans certains cas : pour les animaux semi-aquatiques
de petite taille par exemple (Tritons, petites tortues aquatiques etc.)
mais à moins d'être bricoleur, on sera obligé le plus souvent de passer
commande chez le serrurier. Pour les dimensions du terrarium il faut tenir
compte des moeurs des animaux qui doivent venir l'occuper : la surface
sera plus grande pour les animaux terrestres, alors que la hauteur sera
plus importante pour les arboricoles (Geckos, Caméléons, etc.)
Avec des barres de fer en T on confectionnera 2 ou 3 cadres qui auront
la surface (longueur-largeur) du futur terrarium et qui seront réunis par
des cornières. Le terrarium simple à deux cadres sera utilisé pour les animaux
de milieu sec (voir plus loin). Celui à trois cadres (les deux inférieurs
étant à 10 à 20 cm l'un de l'autre) peut avoir la partie basale vitrée
et sera utilisé comme aquaterrarium, alors que pour recevoir d'autres animaux,
une plaque d'éternite ou de tôle viendra séparer un socle du terrarium proprement
dit (elle sera donc posée dans le cadre du milieu). Pour simplifier, on
peut aussi adapter un socle en bois en-dessous d'un terrarium à 2 cadres.
Les terrariums seront vitrés. Les vitres sont fixées au mastic ou mieux
par l'intermédiaire de barres vissées aux cadres. Cette dernière facon d'agir
facilite le démontage du terrarium permettant ainsi son nettoyage et le
remplacement de vitres.
Le socle recevra le chauffage et la plaque qui le sépare du terrarium sera
percée d'ouvertures recevant le bassin et éventuellement les pots des plantes
et une niche nour les serpents. Celle-ci servira d'abri aux animaux qui
se sentiront ainsi plus en sécurité (Boidés) et devra pouvoir se refermer
sur un serpent vénimeux permettant ainsi les manipulations (nettoyage, etc.)
à l'abri du danger. Le toit ou une partie des parois latérales recevront
un grillage pour assurer l'aération. La face avant servira d'ouverture.
Les animaux étant habitués à voir les gens devant la cage, seront moins
incommodés si le soigneur se tient du même côté lors des manipulations qu'il
aura à entreprendre dans le terrarium. Comme porte, on préconise en Suisse
des vitres coulissantes (Stemmler, 1964) ; je leur préfère un cadre vitré
qui se rabat.
LE CHAUFFAGE
Différents chauffages
électriques : Scole recevant une ampoule et "câble chauffant" posés sur une "plaque chauffante". A gauche, lampe ultra violet (Philipps, Hollande) |
Dans la nature, les reptiles ne déployent leur pleine activité qu'après
avoir "lézardé" longuement au soleil. Le chauffage est indispensable pour
les animaux exotiques. Il sera électrique et logé dans le socle ou sous
le terrarium lui-même, dont la moitié seulement de la surface sera chauffée.
Les reptiles recherchent la chaleur. Si le chauffage était logé dans le
terrarium lui-même, les animaux viendraient se coucher directement dessus.
Il n'y a pas d'aération sous leur corps et ils risquent la brûlure par la
chaleur stagnante.
Les "plaques chauffantes", conçues pour le chauffage des terrariums et vendues
à l'étranger (moins de 20 watts pour une surface de 20x30 cm ou plus) sont
malheureusement assez onéreuses. L'emploi d'ampoules électriques de 3 à
30 watts, montées en série dans le socle présente plusieurs avantages :
facilité de remplacement des ampoules et facilité de réglage de la chaleur
obtenue suivant la puissance utilisée. Des câbles chauffants, longs, flexibles,
et entourés de matière plastique isolante ont été mis en vente récemment
et sont promis à un grand avenir. Ils peuvent être fixés sous le terrarium,
mais aussi courir à l'intérieur de celui-ci, le long des branches ou venir
traverser l'eau. Si leur longueur est assez importante (4 mètres et plus)
pour une faible puissance, la surchauffe suivie de brûlures pour les animaux
n'est pas à craindre. Les ampoules assurant l'éclairage (donc suspendues)
ne peuvent fournir qu'un chauffage d'appoint et présentent l'inconvénient
de dessécher l'atmosphère.
Il est par exemple bien connu que privées de soleil, les petites tortues
aquatiques se décalcifient et meurent très vite. L'exposition aux rayons
solaires non filtrés (le verre arrête les rayons ultra violets) est bénéfique
aux serpents et indispensable aux tortues et aux lézards. Pendant la mauvaise
saison et dans les terrariums que le soleil ne peut atteindre, les animaux
sont soumis 1 à 3 fois par semaine à une exposition aux rayons UV artificiels
d'une duree 10 à 20 minutes pour une distance de 50 à 60 cm. La séance sera
prolongée jusqu'à 30 minutes pour les crocodiles et les tortues à la carapace
épaisse. Très vite les animaux apprennent à gagner la meilleure place ou
à quitter celle-ci lorsque la séance se prolonge.
L'INSTALLATION DU TERRARIUM
Celle-ci et les conditions climatiques qui vont y régner varient suivant
le milieu d'origine des animaux à soigner. On peut distinguer trois catégories
de terrariums.
LE TERRARIUM SEC OU " DESERTIQUE "
Terrarium sec (Photo : G. Matz) |
C'est le type le plus simple. Le sol est constitué de sable grossier et
lavé, mélangé éventuellement à de la tourbe. Il suffit d'une faible épaisseur,
mais le mélange devra être remplacé souvent. Il est préférable de remplacer
en partie les rochers lourds et froids par de grosses racines d'arbres et
de l'écorce de chêne-liège qui offre également des abris aux animaux.
Ce type de terrarium convient aux lLézards verts et ocellés, à la Coronelle,
la Couleuvre d'Esculape, la Vipère et aux animaux originaires des régions
tropicales sèches : Agames, Scinques, Varan du désert, Tortues terrestres,
certains Serpents. Ils demandent beaucoup de chaleur et un ensoleillement
fréquent. Tous boivent, on leur donne de l'eau propre et tempérée. Certains
aiment se baigner occasionnellement ce qui facilite la mue.
Les animaux habitués à s'enterrer dans du sable fin (Scincus scincus,
Aspis cerastes, etc.) auront 10 à 15 cm de sable fin dont on aura
éliminé les poussières par lavage.
LE TERRARIUM HUMIDE
Il va accueillir des animaux vivant à proximité de l'eau ou dans les sous-bois
des forêts tropicales. Le sol est constitué d'un mélange de sable et de
tourbe auquel on peut ajouter des feuilles sèches, de la mousse (pour les
Salamandres), etc. Dans le socle on introduit le bassin dont l'eau est maintenue
propre. Le chauffage étant à proximité, l'eau sera toujours tempérée et
l'évaporation plus importante maintiendra une bonne humidité atmosphérique.
Certains animaux (Corallus caninus, etc.) demandent un degré hygrométrique
élevé ; on peut alors introduire dans le bassin un diffuseur d'aquarium
qui assurera une vaporisation plus importante. Le sol devra rester sec au
moins sur une grande partie de la surface du terrarium ; cela évitera les
moisissures et les décès parmi les animaux.
On introduit quelques rochers, des fragments d'écorce du chêne-liège et
surtout pour les arboricoles des racines d'arbres, plus décoratives que
les branches. Le plus souvent on renoncera à introduire des plantes, dans
un si petit volume les animaux auraient vite fait de les détruire. De toute
façon, nous n'arriverons jamais à reconstituer même un petit extrait d'un
paysage ou d'une forêt tropicale. Et un terrarium planté ne sera qu'un maigre
reflet d'une végétation luxuriante. Pourtant, la présence d'une végétation
est avantageuse, même indispensable pour certaines espèces arboricoles :
Anolis, Geckos, Caméléons, serpents arboricoles qui viendront lécher les
gouttes d'eau sur les plantes que l'on choisira résistantes.
Les habitants du terrarium humide sont des Amphibiens (Salamandres, Crapauds,
Grenouilles), les arboricoles déjà cités, les Iguanes, les Téjus, certains
Varans, la majorité des Boidés, etc.
L'AQUATERRARIUM
Il va être utilisé pour les animaux qui séjournent souvent dans l'eau et
qui y cherchent même leur nourriture comme certains lézards (Varanus
niluticus et V. salvator) et serpents (Natrix maura et
N. tessellata, Anaconda), de nombreux amphibiens et surtout
pour les Tortues aquatiques et les Crocodiles. Une telle installation comprend
donc deux parties : une partie terrestre qui occupe la moitié ou le tiers
de la surface et une partie aquatique. Pour les grands animaux tels les
Varans et les Crocodiles, la conception de l'aquaterrarium sera un peu spéciale,
nous y reviendrons prochainement.
LA NOURRITURE
Ce sujet pourtant primordial, est trop vaste pour être traité ici en détail
pour chaque espèce. La nourriture devra être naturelle et riche, souvent
vivante et surtout variée. Il faudra tenir compte également des préférences
individuelles souvent très développées. Chez les Boidés par exemple, les
jeunes exemplaires peuvent être nourris presque exclusivement avec des souris.
Mais le jour où la nourriture devra être plus consistante, l'un n'acceptera
que du rat, l'autre uniquement du cobaye et le troisième du lapin ou de
l'oiseau. Nous avons vu aussi un Python regius qui n'acceptait que des souris
colorées, refusant systématiquement les souris blanches qui lui étaient
présentées. Selon les espèces d'Amphibiens ou de Reptiles à nourrir, on
devra pouvoir disposer ou élever le matériel suivant :
- Salades, carottes, trèfle, pissenlit ;
- riz, flocons d'avoine, fromage blanc ;
- fruits divers, bananes;
- fleurs : pissenlit, pommier, etc. ;
- Tubifex, enchytrées, vers de terre ;
- larves de Chironomes ;
- insectes récoltés dans les prés ou à l'élevage facile ;
- Drosophiles, mouches, teignes de ruche, blattes, criquets, grillons, vers
de farine, etc. ;
- limaces, escargots ;
- poissons : Guppys, Xyphos, etc. ;
- grenouilles, tétards ;
- oeufs, poussins ;
- souris, hamsters, rats, cobayes, lapins ;
- mélange constitué de fromage blanc, jaune d'oeuf, carottes râpées, insectes
(oeufs séchés de fourmis, gluconate de calcium, Gerblé pour les Lézards
tels que Egernia, Tiliqua, Corylus, etc., ou riz, carottes
râpées, salade, viande pour les Tortues terrestres etc.
LES VITAMINES
Substances indispensables à tous les êtres vivants, les vitamines le sont
davantage encore aux animaux maintenus en captivité car malgré tous nos
efforts, leur nourriture sera toujours moins riche et moins variée.
Plusieurs solutions s'offrent à nous :
Les vitamines en solution aqueuse (Hydrosol polyvitaminé Roché, etc.) sont
utilisées pour badigeonner les proies ; 3 à 5 gouttes répandues sur une
souris seront acceptées sans difficulté par un serpent ou un varan. Les
insectes, les larves de Chironornes, le poisson et la viande sont également
présentés badigeonnés avec la préparation vitaminée aux Lézards, aux Tortues,
aux singes etc.
Mais nous pouvons également distribuer des vitamines naturelles sous forme
de jaune d'oeuf mélangé à la pâtée ou à du hachis (pour Varans, Teju, Tiliqua
etc.), ou sous forme de blé germé. Le " Gerblé " préparé à partir de germes
de blé par les Ets Gerhlé, Tassin (Rhône), est riche en vitamines et en
éléments minéraux. Son emploi est varié et des plus faciles. Les Iguanes
absorbent en grande quantité le produit qui se présente sous forme de flocons.
Pour d'autres Reptiles, il peut être mélangé à la nourriture ou introduit
dans les mélanges cités précédemment.
LE CHOIX DES ANIMAUX
Les animaux doivent être choisis en fonction des terrariums et de la nourriture
dont on dispose. On les choisira de préférence jeunes et on aura soin de
vérifier leur état de santé, car un animal amaigri ne remonte que difficilement
la pente, tout comme une tortue à carapace décalcifiée. Les individus nouvellement
acquis sont mis en quarantaine. On surveillera particulièrement la bouche
chez les serpents, le chancre buccal étant une maladie redoutable à issue
souvent fatale. Un autre problème vient par contre de trouver sa solution.
Les acariens, jadis véritable plaie des animaux de terrarium, étaient souvent
introduits avec les nouveaux arrivants. Ils sont détruits par le Néguvon
(Laboratoire Bayer, Allemagne) dont on utilise une solution à 2,5 g par
litre pour vaporiser l'intérieur du terrarium, y compris son installation
et ses occupants.