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L'AQUARIUM MEDITERRANEEN
Ce mal aimé de l'aquariophilie

par R. TONGIO - Section " EAU DE MER ", AQUARIUM 32, STRASBOURG.

Ascidie : Hallocynthia papillosa avec l'oursin Spiraereclrinus granularis. Photo : .J. Teton

Si notre aquariophile marin type est facilement intrigué par les especes tropicales aux formes et couleurs spectaculaires il connaît peu ou pas du tout la faune méditerranéenne, II faut dire, à sa décharge, qu'il n'est guère encouragé par la grande presse, parlée et écrite, qui ne rate jamais une occasion pour parler de cette mer hyperpolluée, sale, pour ne pas dire morte.
Bien que je regrette beaucoup l'actuel degré de pollution de notre chére Méditerranée, au bord de laquelle je passe la plupart de mes vacances, je voudrais essayer de convaincre le lecteur que, quoi qu'on en dise, tout n'y est pas mort. Sachez qu'il y a lieu d'y découvrir encore de réelles petites merveilles. Déplorons au passage, que si les écrits concernant la faune tropicale pullulent aujourd'hui, ceux parlant de nos richesses locales sont trop rares...
Si vos prochains congés annuels se passent au bord de la mer, munissez-vous donc d'un petit livre (voir bibliographie) parlant de cette faune et découvrez avec lui un nouveau monde. Amusez-vous â regarder dans les flaques que la mer a laissé derriere elle, soulevez donc les cailloux, empruntez le masque à votre enfant et jouer à reconnaitre dans votre Livre cet être étrange entr'aperçu dans ]'eau. Peut- être comprendrez-vous alors qui sont ces animaux extraordinaires et comment ils vivent.

Ci-dessus :
1. Axinella verrucosa
2. Ascidie : Microcosmus sulculatus Communément appelée Vioulet
3, Paracentrotus lividus
4. Parazoanthus axinellae
5- .Palaemon serratus
B_ Palinurus vulgaris
7. Cladocora cespitosa (vue d'ensemble)
B. Cladocora cespitosa {gros plan) Photos : J. Teton


Alors. finies les longues séances de bronzage, docilement couché à côté de Madame, finies les grandes balades à l'intérieur du pays, pour tuer le temps qui ne veut pas passer. Plus jamais vous ne vous ennuierez au bord de la mer. Vous venez de découvrir une grande passion, maintenant les poissons seront les compagnons silencieux de vos ébats nautiques et, de retour dans votre salle à manger, vous regarderez d'un oeil neuf votre collection de poissons. Vous aurez déjà l'impression de mieux les connaitre.

Vous êtes ravis de savoir que là, au bord, sous vos pieds, partout autour de vous, pullulent et vivent des êtres extraordinaires dignes d'habiter votre aquarium et parfaitement capables d'étonner les aquariophiles les plus blasés (il suffit de voir leur tête quand ils découvrent un simple Bernard l'ermite, un crabe, ou une limande évoluer en aquarium).
L'autre aspect positif de cette passion est son coût. Il suffit de voir le prix d'une banale cérianthe dans un magasin pour comprendre que votre collection de cérianthes, ramassées en si peu de temps aurait conté une vraie fortune s'il vous avait fallu l'acheter.
Sans compter que vous aurez autant de satisfaction à élever un animal que vous aurez récolté vous-même plutôt qu'à voir évoluer dans votre bac une super-vedette de la faune tropicale. Par ailleurs, vu le coût peu élevé de l'opération, les essais de cohabitation en seront encouragés.
Si vous avez décidé de récolter des animaux pendant vos congés, faites-le avec le maximum de sagesse et d'autodiscipline. Ne récoltez que ce que vous comptez réellement garder dans votre aquarium et prenez le plus grand soin, au même titre que du Chaetodon le plus précieux...
Veillez tout d'abord à vous instruire et savoir si tel poisson va supporter tel autre, si cet invertébré ne sera pas immanquablement mangé par tel poisson ou tel crustacé.
L'aquarium est une jungle toujours trop exiguë où les animaux ne peuvent s'éviter. Ils sont condamnés à être confrontés et les drames sont fréquents dans un tel milieu.
Munis d'un minimum de connaissances vous êtes en voie de devenir un aquariophile écologique, qualité qui semble fort appréciée de nos jours...
Ceci est la suite d'un article paru dans le No 35/1976 de la même revue et, avant de passer à la deuxième-partie, les poissons, je voudrais compléter celle concernant les invertébrés.
RECOLTE ET MAINTIEN EN AQUARIUM D'ANIMAUX AQUATIQUES DE NOS COTES (1) (suite)
Première partie : Les invertébrés (.suite)
1) Les éponges (suite)
Il faudra bien prendre soin de les placer dans un endroit peu éclairé de l'aquarium, pour éviter que les algues filamenteuses et encroûtantes ne viennent s'y déposer.
Deux espéces qui m'ont semblé bien résistantes en aquarium : Axinella verrucosa et Axinella damicornis. Les éponges en forme de branches tiennent également très bien si elles ont été récoltées selon les règles de l'art.
Toutes ces éponges croissent en aquarium, plus ou moins selon les espèces, et vous pourrez suivre leur progression en observant cette espèce d'enveloppe transparente qui indique leur croissance. Cette enveloppe en grandissant devient plus consistante, plus opaque et petit à petit va se confondre avec l'éponge.
Quand les éponges meurent elles noircissent ou se "dégonflent" et pourrissent.
Beaucoup d'expériences restent à faire dans ce domaine et l'on devrait plus souvent parler de ces êtres si étranges et si passionnants que sont les éponges.
2) Les étoiles de mer (suite)
L'étoile de mer rouge Echtinaster sepositus s'attaque aux éponges et aux mollusques bivalves. Il faudra en tenir compte lors du choix de la population du bac.
La vorace Marthasterias glacialis est à bannir de tout aquarium. Elle ravagerait tout sur son passage et est particulièrement friande de moules et d'huîtres.
L'inconvénient majeur de la plupart des étoiles réside dans le fait qu'elles déracineront tôt ou tard votre jolie plantation de Caulerpes.
3) Les oursins (suite)
Psammechinus microtuberculatus est un parfait hôte fort peu exigeant pour l'aquarium d'invertébrés. Vous le découvrirez dans les enchevétrements de racines de Posidonies et sa coloration est bien adaptée à l'environnement. Il est moins fréquent que l'Oursin commun, Paracentrotus lividus.
L'Oursin de sable Spatangus purpureus s'enfouit sous un sable trés fin. Il semble mal s'acclimater en captivité.
J'ai eu l'occasion d'acquérir un oursin très rare en Méditerranée ressemblant à s'y méprendre à son homologue tropical Diadema (il m'a été offert par un plongeur de la Maison Laporte à Antibes que je voudrai remercier ici pour sa gentillesse). Il avais été trouvé sur un fond de 50 m et était en parfait état apparemment du moins. Je l'ai conservé dans un bac de 400 I parmi d'autres invertébrés de Méditerranée. Il se déplacait très rapidement dans l'aquarium et allait se cacher dans l'endroit le plus obscur. Il resta là pendant des semaines ne quittant plus son " tour ". Apres deux mois, ne le voyant jamais ailleurs qu'à cet emplacement, je me suis inquiété et ai essayé de l'en déloger. C'est alors que je me suis aperçu qu'il devait être mort depuis un ou deux jours. Je n'ai pu savoir de quoi il était mort exactement.
En règle générale on prendra soin de capturer les oursins le plus petit possible. Ainsi aura-t-on un maximum de chances de les acclimater. Sans compter que les ravages qu'ils occasionnent sont proportionnels à leur taille.
Dans tous les cas, l'oursin est un bon agent nettoyeur pour l'aquarium, se nourrissant aussi bien d'algues que de coquillages ou poissons morts. Ils ont l'inconvénient de saccager les plantations d'algues du fait qu'ils se couvrent de débris d'algues qu'ils arrachent, sans doute pour se mettre à l'abri de la lumière.
4) Les anémones (suite)
L'anémone Calliactis parasitica est le compagnon favori du Bernard l'ermite qui s'en sert comme d'un bouclier contre tout prédateur.
Bunodactis verrucosa est une jolie anémone fort résistante se reconnaissant facilement aux deux points rouges situés de part et d'autre de l'ouverture buccale. Elle est malheureusement souvent difficile à détacher de son substrat. Elle se rencontre relativement peu souvent mais est abondante dans les zones qu'elle occupe. Elle se nourrit de toutes proies quelle que soient leurs tailles.
Une autre très belle anémone difficile à détacher de son substrat est Aiptasia mutabilis. Elle se tient bien au fond de la faille et se rétracte jusqu'au fond quand on cherche à la saisir. L'idéal est d'en trouver une que l'on puisse prélever avec le substrat sans risquer de l'abimer.
Condylactis aurantiaca est pour moi la plus précieuse des anémones de la Méditerranée avec son splendide pied jaune criblé de petits points rouge violacé. Les bouts des tentacules gros et courts ainsi que les contours de la bouche sont d'un très beau rose tyrien. Elle n'est pas très abondante et difficile à prélever du substrat. Elle se tient en général au bas d'un tombant, entre sable et roche, bien arrimée au caillou. L'idéal est d'être muni d'un marteau et d'un burin et de découper doucement la roche. Elle se nourrit de proies mémes importantes.
Cereus pedunctulatus, bien arrimée dans le sable ne s'en laisse pas extraire facilement. Si elle est blessée lors de la récolte elle s'en remettra rarement. Ceci pourtant n'est pas impossible. J'en tiens une en aquarium depuis deux ans alors qu'elle était mal en point au départ, mais je considère ceci comme exception.
En général toutes les anémones demandent à étre nourries peu, mais tous les jours. Il leur faut également un bon éclairage.
Méfiez-vous des changements d'eau brusques trop importants, mais soignez la qualité de votre eau. Elles vous en seront fort reconnaissantes.
Parazoanthus axinellae petites anémones coloniales, se propagent par groupes sur les roches, les algues et éponges dans les endroits éclairés. Elle a deux formes, l'une encroûtante, l'autre ramifiée comme un arbuste. Suivant le substrat avec lequel elle a été prélevée elle tiendra plus ou moins longtemps. En tous cas éviter les éclairages trop intenses qui développeraient vite les algues filamenteuses et encroûtantes.
Je suis persuadé qu'il existe encore d'autres espèces d'anémones plus curieuses et plus rares en Méditerranée. Méfiez-vous pourtant des mélanges d'espèces dans un même bac. Essayez de les séparer en interposant un caillou entre elles. Elles se détruisent souvent entre elles.
5) Les crevettes (Suite)
Extrêmement craintive la très jolie Lysmata seticaudata se cache dans les failles étroites et profondes de la roche. Même en plongée de nuit, où elle semble plus à la portée de l'aquariophile en chasse, elle reste indélogeable de son antre. Il semblerait qu'en appâtant longuement et patiemment avec de la moule crue l'on puisse obtenir un résultat. M. Bourquin de Besançon m'a dit en avoir capturé de jour, à l'aide d'un sac de nylon et d'une moule servant d'appât. Il faut dire qu'il est d'une patience particulièrement exemplaire.
" La fiche technique de MM. Arnoult( et Hignette préconise... " un piège fait d'une boite de conserve sans fond munie de chaque côté d'un cône en grillage fin percé d'un trou à l'avant à la manière des nasses. Je pense que ce système suspendu devant le trou à crevettes pendant toute une nuit, et récupéré le lendemain, devrait pouvoir bien fonctionner. Personnellement je n'ai fait jusqu'aujourd'hui que de désastreuses expériences...
6) Autres crustacé (suite)
J'ai capturé cet été, un magnifique petit crabe tout rond, relativement peu fréquent, en plongée de nuit. Il s'agit de Ilia nucleus trés mignon crustacé sphérique rouge. Pour le rapporter en aquarium à Strasbourg je l'ai transporté en sachet nylon, m'entourant d'un maximum de précautions, l'isolant bien dans un sachet. Malgré toutes ces précautions il fut le seul mort du voyage.
7) Les madréporaires
Si les madrépores sont fort abondants dans les mers chaudes ils sont relativement rares en Méditerranée.
Caryophyllia clavus le madrépore solitaire est tout de même assez fréquent. Il s'habitue bien â l'aquarium.
Cladocora cespitosa madrépore colonial est bien plus rare. Il peut atteindre de grandes tailles. J'ai eu l'occasion de découvrir cet été un joli bloc d'environ 1 m3. Il se conserve très bien en aquarium à condition d'être à l'abri de prédateurs tels Labridés et crustacés et des algues filamenteuses. Je le nourris avec de la viande de poisson ou de la moule broyée.

(2) Reportez-vous à l'article précédent (no 35. 1976. p. 39.40). pour avoir un aperçu plus complet